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Le bar à poèmes
9 novembre 2017

Michel Deguy (1930 - 2022) : « La bulle du ciel… »

        

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     La bulle du ciel chavire au hublot ; éclipse rapide sur les champs ; le vent

canne un siège de h

oules ; arctique des nuages, et nous gagnons la réserve de

bleu.

     L’île bientôt : fruit persistant au creux de l’altitude.

     Puis glissade à la plus grande pente du ciel

 

     Planète Açores : l’anneau d’océan saturnien gire

     Ile : mer bordée de terre

     Eruptions : mais du ciel où coule un basalte léger,

     et s’arrondit à nouveau un bleu cratère

 

     Centre de tri des nuages, semeur des cris, le ciel –

dépoli pour qu’en traversant même la place de Pontadelgada tu songes au dieu

abscons.

*

     L’ile paysanne, l’originale nostalgique à bracelets de langoustes, la veuve à

colliers d’hortensias ôte et remet en caprice la mantille des pluies.

     Coulées de lave des hauts chemins jusqu’aux grèves ponce

          alors.la foule des pierres en deuil, à genoux prostrées, dressées vers le

          large

     Comme une vieille fleuriste les cheveux pleins de liserons descend chaque

matin des couronnes mauves à la mer tombale

     La mer prend la moitié de tout

     Les éperviers chaulent le ciel ou vérifient au fil à plomb les bâtis d’eucalyptus

et de cryptomérias

     La salive des pics féconde les ignames et les conteiras ; l’eau transchtonienne

porte à la bouche des rhizomes les sels en fusion

     L’immense métairie paît son bétail d’écumes

     Le paysan d’une épaule à l’autre revêt lentement la chasuble de mer et son

petit cheval de justice ouvre une vallée obtuse : ses pas inventent le thalweg dont

un versant est toujours bleu

     Taureaux humides et monstrueux mis à mort dans la place océane deviennent

murs de cendre où les enfants graffitent

     Des vaches belles comme Europe, les cornes chargées d’hortensias, les vaches

nycthémèrès hivernent  les quatre saison quotidiennes

     Les cerne la mer clairvoyante

*

Partout des femmes dignes d’être mères

Les enfants portent les enfants

Les garçons amazones cueillent le lait

Et le dimanche la sieste avec les choses

Où les femmes aux gestes d’animal

Rajustent la torpeur

*

     J’étais sur la route

     Une seconde pour la vie et

     Tu ne m’as pas regardée

     - Mais qu’espères-tu des yeux

 

                                                                      (Procès verbaux)

 

Ouï-dire

Editions Gallimard, 1966 

Du même auteur :

Le golfe (09/11/2016)

Chant-royal (29/01/2025)

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