Michel Deguy (1930 - 2022) : « La bulle du ciel… »
La bulle du ciel chavire au hublot ; éclipse rapide sur les champs ; le vent
canne un siège de h
oules ; arctique des nuages, et nous gagnons la réserve de
bleu.
L’île bientôt : fruit persistant au creux de l’altitude.
Puis glissade à la plus grande pente du ciel
Planète Açores : l’anneau d’océan saturnien gire
Ile : mer bordée de terre
Eruptions : mais du ciel où coule un basalte léger,
et s’arrondit à nouveau un bleu cratère
Centre de tri des nuages, semeur des cris, le ciel –
dépoli pour qu’en traversant même la place de Pontadelgada tu songes au dieu
abscons.
*
L’ile paysanne, l’originale nostalgique à bracelets de langoustes, la veuve à
colliers d’hortensias ôte et remet en caprice la mantille des pluies.
Coulées de lave des hauts chemins jusqu’aux grèves ponce
alors.la foule des pierres en deuil, à genoux prostrées, dressées vers le
large
Comme une vieille fleuriste les cheveux pleins de liserons descend chaque
matin des couronnes mauves à la mer tombale
La mer prend la moitié de tout
Les éperviers chaulent le ciel ou vérifient au fil à plomb les bâtis d’eucalyptus
et de cryptomérias
La salive des pics féconde les ignames et les conteiras ; l’eau transchtonienne
porte à la bouche des rhizomes les sels en fusion
L’immense métairie paît son bétail d’écumes
Le paysan d’une épaule à l’autre revêt lentement la chasuble de mer et son
petit cheval de justice ouvre une vallée obtuse : ses pas inventent le thalweg dont
un versant est toujours bleu
Taureaux humides et monstrueux mis à mort dans la place océane deviennent
murs de cendre où les enfants graffitent
Des vaches belles comme Europe, les cornes chargées d’hortensias, les vaches
nycthémèrès hivernent les quatre saison quotidiennes
Les cerne la mer clairvoyante
*
Partout des femmes dignes d’être mères
Les enfants portent les enfants
Les garçons amazones cueillent le lait
Et le dimanche la sieste avec les choses
Où les femmes aux gestes d’animal
Rajustent la torpeur
*
J’étais sur la route
Une seconde pour la vie et
Tu ne m’as pas regardée
- Mais qu’espères-tu des yeux
(Procès verbaux)
Ouï-dire
Editions Gallimard, 1966
Du même auteur :
Le golfe (09/11/2016)
Chant-royal (29/01/2025)