Luc Decaunes (1913 – 2001) : Parler se fait rare
Parler se fait rare
Je perds le secret de mon propre langage
Je me fais vieux, je me fais peu
J'ai fort à faire avec mes habitudes
Chiens qui m'enseignent à mourir
Je ne sais plus ce que parler veut dire
Et les mots trahis
Les mots épuisés
Font la nuit sur moi
Comme sur la vie
Je perds le secret et le goût du langage
Je m'ennuie avec moi
Danger de mort
Mon enthousiasme mes lumières font long feu
Je ne sais plus qui regarder
Non je ne sais plus où me mettre
Les conséquences des désirs
Vieux malheurs vieilles idées
Détritus des jours sans plaisir
Que me reste-t-il pour survivre
Pas même le désir l'envie
De tout de rien du moindre passe-temps
Passe passe le temps
Je n'ai pas de marraine
Passe passe le temps
Mon cœur à la semaine
Un souvenir d'amour ne fait pas le printemps
Les mots se dénouent parler se fait rare
Comme un oiseau dans un bois nu
Je suis seul et bête mon miroir m'est fidèle
Je voudrais qu'on me parle d'elle
Et d'elle et d'elle et d'elle
Bons soldats bonne sentinelle
Divorce de la liberté dernier coup d'aile
O mes amis tous mes amis inconnus.
La Force Pure
In, « Poètes prisonniers »
Editions Seghers, 1943
Du même auteur :
Gloire de l’été (26/10/2015)
Entre Ménerbes et lumières (26/10/2016)