Luc Decaunes (1913 - 2001 ) : Gloire de l’été
Gloire de l’été
A Jean Tortel
C’était l’été. Mille oiseaux faisaient un saccage de vignes, un saccage
de silence. Mille fleurs s’ébrouaient dans la lumière éparpillée. Mille
voix prenaient le chemin du vent.
C’était l’été. De hauts pollens, échappés des arbres, palpitaient dans
l’air puis s’abattaient à la volée comme une neige de soleil sur l’étendue
des bois murmurants.
A fleur de colline, la terre rouge montrait sa gorge ouverte par le
poignard des années, où bouillonnaient ronces, fougères, genêts, tout
un flanc de sang végétal en furieuses échappées. Et dans la combe aux
amoureux, là-bas, au plus aigu de la secrète faille, l’eau rare laissait
voir par places son joli corps luisant et frais en fuite sous un lacis d’herbes,
de branches, de rayons.
Des moiteurs vertes se pâmaient ; des nuées de senteurs stagnaient
dans les sentiers, chauds comme au sortir d’un four ; des colonnes de
silence épais s’ajoutaient aux colonnes d’arbres : cathédrales ! l’azur se
voûtait, se tendait comme un arc. C’était l’été. C’était le bel été, le grand
été tout rond, crépitant tel un feu de pignes au milieu des pierres, brûlant
la terre et cuisant l’eau, avec ses hauts après-midi à donner le vertige, où
ne s’entendent plus que le concert fou des insectes et l’étendue des bois
murmurant au soleil.
Chaleurs
In, Revue « Arfuyen II », 1975
Du même auteur :
Entre Ménerbes et lumières (26/10/2016)
Parler se fait rare (26/10/2017)