Henri Simon Faure (1923 - 2015) : Par ces temps
Par ces temps
mauvais esprit fort
être à la guerre
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
à
didier ard
1
petit a
les forces de la nature
petit b
les miroirs de la nature
les hommes sont répartis en deux classes
comme dans les chemins de fer français
de ce putain de temps de la cinquième
si je ne veux plus demeurer en place
mon billet est valable pour les deux
encore qu’
on peut me trouver souvent
dans le wagon
à bestiaux
et
de queue
j’y pèche contre nature en eau trouble
2
se rétamer la peau du râble
de façon qu’
il semble vêtu
d’un haut caleçon culturel
sorti des usines
malraux
3
les chiottes de campagne
sentent
ainsi que les filles
quand j’y pose culotte
est-ce de voir mes choses
par les fentes des planches
travers d’yeux qui rigolent
à l’occase
pourquoi
j’aime m’ y attendrir
non pour me masturber
mais
cogiter sérieux
au sujet du bon temps
lorsque j’étais fœtus
baignant dans cette merde
qu’à quoi bon
maintenant
je domine d’orgueil
4
je ne comprends pas
quoi
peut contrarier
le bon sens olfactif de mes narines
j’avoue en être à ne plus distinguer
de
l’odeur du lavandin
celle
plus
subtile et dépravée
de la lavande
mis en réserve dans plusieurs flacons
sur lesquels
confiant dans mon odorat
je n’ai point à temps marqué des repères
je m’approvisionne
au plateau d’albion
où la nature tient toujours le coup
malgré le voisinage des missiles
c’est ma façon de contester ce monde
plus du tout porté sur la rigolade
alors je me dis
bon dieu de bon dieu
ce n’est pas qu’
ils soient encore bien vieux
mes deux-là foutus sacrés trous de nez
qui n’ont pourtant
que vingt-cinq ans chacun
5
plateau d’albion
les champs de lavande
ont toutes nuances
bleu violet
des terrains militaires taillés
carré
quelconques courts de tennis
la fusée s s s b s dessous
un
trouffions
deux morpions de la mort
quand les paysans de par ici
tombaient drus dans les dernières guerres
leur œil avait reconnu l’éclair
bleu violet
de leur champ de lavande
maintenant ils vivent en paix
mais
la terre à guerre est devant leur porte
cernée par de grands champs de lavande
où tant de mouches à miel font balle
je traverse l’idylle en voiture
bleu violet
je ricane au tournant
face à la gueule con de l’histoire
6
qu’
une seule
crainte
après
le ciel lourd
impossible
à tomber
sur sa tête
que
sa queue
coule
et
fonde
entre jambes
quand
il pisse
comme
va
la comète
7
j’ai mis la main
main au panier
panier des mots
mots
pour quoi dire
je les croyais
bien sûr
femelles
je fus poète
non pas
homo
heureusement
quand ils m’en ont
poussé un gros
j’ai plus rien dit
que
conneries
de circonstance
8
ma généalogie
dressée sur le papier
ceux dont je suis issu
bombent moi le torse
des apports de
sang bleu
au fleuve de
sang rouge
font mes veines violettes
je les regarde battre
qui me comptent sans peines
numérotent mes joies
et je dis au toubib
en train de m’ausculter
douze six de tension
comment veux-tu qu’
ainsi
je sois
républicain
9
méditerranéen
pas plus que vous
ne vous en déplaise
coups de chaleur de touriste
et non pas latin pour un rond
rien que
vellave
je demeure
ma gueule crie ma race
seulement
on dit que j’ai
la main faite à cueillir la figue
voilà pourquoi on nous apparente à tort
mademoiselle
laure
à vous deviner
accrochée à un tronc de figuier
bougre
je signe
pétrarque
mais revalorisé
franc
d’un qui connaît
à pleine paume
au bout des doigts
ses classiques
10
fait pas bon
être éduqué mal
chez les curés
à la laïque
quand on me cite
marx
bien sûr
notre élite en a plein la bouche
nos politiques plein le cul
je pense
lequel des brothers
11
au programme des technocrates
nid de fourmis de la cinquième
et
on ne mourra plus de faim
et
on ne mourra plus de guerre
et
non plus de maladie
on
ne mourra plus que de dégoût
ah fils de pute de maso
12
la braguette
un jour
au service de l’homme
belle évolution du costume civique
l’homme
esclave désormais de sa braguette
dixit
les évangiles républicains
13
maison à côté de l’école des beaux-arts
j’y loge
à traverser
les jardins du bâtiment des beaux-arts
quatre fois par jour pour le boulot
aller ou venir
passé un temps j’avais repéré
toutes les pédales
dragueuse de la ville bicycliste
saint-étienne
dans l’examen de
voltige du bel art en tandem
y en avait de chiadées
ouais
de ces personnalités
nocturne
je patinais sur mon devoir conjugal
14
je me remémore
un rot vient de profond
qu’une vie passée
à petits points parfois
grandes lignées des chemins de fer aussi
pour me dégager d’emprise catholique
tombée sur moi sitôt l’état de fœtus
bouffant mon corps
mon cœur
mon âme
bouffant
et maintenant qu’enfin avec l’âge aidant
je pensais
tenir à deux mains le bon bout
bousculé par l’autre dérision du dogme
de l’enfer nature
au purgatoire acquis
manœuvre jamais exécuté avant
ce dans l’attente d’alors monter au ciel
les frères cinq-points viennent
au jour de l’ombre
flinguent les cathos
dans l’escalier d’immeuble
de service
et grappinent la république
j’assiste à la bagarre policée
entre
eux
où mon œil rouge se fait de chat
noir
désormais je ne tiens plus à me mouiller
pour approcher la solution des problèmes
de robinet
de simple école primaire
15
si
coite
elle demeurait dans la petite mécanique
du dimanche
qui n’en finit point
de ses gestes blasés
tout continuerait à être
parfait en un monde amer
l’humanité
au foutu poil dressé
s’en retournerait
dans le sein dégoulinant du lait
chaud des splendeurs promises
aux vitrines des bordels
le bonheur montrerait les dents
16
dixit
un proverbe arabe
au chien qui a de l’argent
on lui dit
monsieur le chien
17
en ce temps-là
ma tête était
de
plein soleil
sous
la ceinture
l’araignée noire
filait d’
étoiles
plein ma culotte
monde aux balcons
neige à ton
con
à
jacqueline louis marie-ange ard
18
je me suis tapé sur la tête
pour me tirer de mon angoisse
si l’on insiste
il est facile
de dénigrer
ce que fait l’homme
mais non pourquoi qu’en surenchère
on doive
pinacler la femme
19
chimiste industriel
retour de la guerre
le samedi
sitôt le boulot tombé
je rentrais à la maison
briquer mes bottes
quand même pas à ma mère de le faire
fallait que çà reluise dur pour le bal
la brosse à crin y allait à la manœuvre
petit frère était prêt à brosser autant
si je découvrais une gueuse à son goût
dans cette ville
aux mains des œuvres laïques
tantôt de la curate
y avait pas mèche
souvent
on me dit que c’est toujours pareil
celles reluquées
glissaient entre les doigts
il paraît que tu ne poses pas tes bottes
même en musique
deux trois temps
de bricole
je rigolais
c’est que j’ai les deux pieds-bots
elles ne voulaient pas voir
foutaient le camp
me laissaient à d’autres
qui venaient à moi
l’angélique air des mômes à se caser
mais leurs yeux bogles à me la tripoter
l’haleine particulière aux femmes
dont
l’estomac communique avec la matrice
freinaient la mécanique à sucer la pomme
restant de la nuit
passé dans le ruisseau
le lendemain
dimanche
sur le chemin
de retour
je retentais parfois ma chance
le cœur n’y était plus
il roulait à terre
chez moi
avec mes bottes que je quittais
pour zieuter
si mes dix orteils enfin libres
savaient
encore et toujours faire la roue
illustration d’aventure en société
20
à tripoter les seins des filles
on dirait
comme des oiseaux fatigués d’émigration
à retenir les oiseaux
en ses mains serrées
on dirait
comme des seins de fille énervée
je ne sais plus où j’en suis
de mon sens tactile
sous quelle heure marquée par
le cadran lunaire
qui tant m’illumine d’ombre
ange homme démon
21
l’arc-en-ciel suisse
quand
débandé
laissez-moi
vous
sucer la pomme
chère
madame
guillaume untell
22
y a jamais de surprise
avec les femmes
leur mécanique sonne
régulière
si tu as bien su leur la remonter
si tu as bien su leur la remonter
avant de te fourguer dans leur alcôve
en déchirant les toiles d’araignée
symbole de civilisation vieille
23
peut-être bien que
quelques femmes nues se promènent
derrière les fenêtres de la maison
d’en face
ou
dans ma tête enflée
percluse de visions chastes
malheur à moi
qui ne devient qu’intellectuel
à force d’
avoir cru en la valeur de la bête
quand je marchais
comme un cavalier désarçonné
qui voulait
faire carrière dans l’armée française
24
Si
quand il m’arrive
d’encore baiser
femme émancipée
ce n’est plus te prendre
mais participer
à l’acte parfait
on en revient donc
aux loins premiers temps
du vieux christianisme
mais seul le dessous
de cette ceinture
forte de son âge
demeure toujours
à l’ancienne mode
des gaulois ancêtres
là
mes couilles disent
battant la mesure
qu’
un cas
elles prennent
me voilà monté
chez les dieux germains
nu auprès de
goethe
luther
hölderlin
heine
schiller
brecht
nietzche
freud
engels
tandis que tous gueulent
me montrant du doigt
bas deudon
k’il est
et bourdant
k’il a
des kouilles au kul
25
les femmes tombent
rapaces
sur
le poil industriel
au pied
des fils de famille
chez
nos abbés à soutane
près
d’artistes en renom
jamais autour des poètes
bien qu’
ils arborent des bourses
ils n’ont pourtant pas le rond
sinon celui qui grandit
lorsqu’ils ont craché dans l’eau
de la mare
solitude
26
mais ne me regardez pas
oui madame
comme çà
avoir
la verge pendante
et détachée du contexte
est particulier
à l’homme
à ses faux frères les singes
et aux chauves-souris mâles
ce n’est pas rien de ma faute
si
buffon
nous a décrits
apparentés à l’envi
27
épitre aux bons catholiques
s’il en reste
ou
l’art d’être copain avec la morale
saint thomas d’aquin
le docteur angélique
supputait que
même entre mari et femme
l’acte de chair était vulgaire péché
donc
péché pour péché
aussi bien baiser
d’autres femmes que sa seule conjugale
28
mes très chers frères
en poésie
réfléchissez
avant de commettre
l’irréparable gâche-vertu
et
tomber sec dans la bougrerie
si
délibérément
l’on embrasse
la sainte femme d’un sien copain
c’est un peu le copain qu’on embrasse
jugez donc d’
un quel embarquement
la tempête a vite fait de vous
retourner
chemise hissée en voile
29
ne pas suivre
les femmes
et autres femelles parentes
dans leur demande hystérique
d’un avortement légal
qu’elle soient libres de leur corps
la pratique ne dément
on a bien aussi souvent mis la main
dessous
que dessus
main en venir à
tuer dans l’œuf l’innocent du village
est
à l’encontre d’un vieux geste ancestral
qui me les coupe
30
quand
les
menstrues
des noires
sont blanches
quand
les
menstrues
des rouges
révoltent
quand
les
menstrues
des jaunes
rigolent
que
les
menstrues
des blanches
démarquent
un temps
et
en
avant
pour la
musique
de la
libé-
ration
des femmes
31
jeune entretenue et veuve
son père était
géomètre
sienne elle fit sa devise
j’ai approché mon
triangle
il m’abandonna ses
ronds
on s’est retrouvé d’
équerre
32
les vieilles filles
sont des femmes
au clitoris démesuré
dont elles partages le rouge
de la honte
qui les rend crêtes
et
dentelées d’autres que soie
pour quelque impossibilité
à descendre dans
les bas-fonds
d’une simple vie maritale
33
vu
leur mouvant bâti physiologique
où les idées qu’elles ont dans la tête
ne se distinguent pas toujours de face
sous quelle alors peau d’ailleurs
émigrer
les femmes
pètent-elles par derrière
comme nous autres leurs petits garçons
ou bien
particulières
par devant
34
éloge de
formation sur le tas
si l’on n’avait pas
fermé les bordels
pour
que le bourgeois glandouille en son lit
mais qu’on eut laissé
les putes courir
dans les rues sans joie
leur vieux marathon
y aurait pas besoin de donner
des cours
d’éducation sexuelle à l’école
35
ouais
peut-être bien
que
lell boem
et moi
henri simon faure
on a repassé
elle à sa peinture
je à mon écriture
plus de temps ouvroir
qu’à s’organiser
parties de trou-duc
faut pas regretter
car dans l’autre monde
çà sera l’inverse
on en remettra
et
divinement
36
l’amour catalyse
le mauvais amour
et
le bon amour
lèvent en mes tripes
bon dieu
j’irais donc
où souffle le vent
poète tout nu
ainsi que le souhaitent
enfants de bourgeois
j’en sais
parmi eux
ouais
qui m’aiment bien
est-ce de ma faute
si je déconcerte
le premier partout
nul en gymnastique
zéro en dessin
moins un en musique
pourrait faire mieux
t’as pas la moyenne
va te rhabiller
c’est signé de
qui
Enfer de libelles
Revue « Le Lérot rêveur, numéro 21, Mars 1978 »
Chez Jean Paul Louis, Tusson, 16140 Aigre, 1978
Du même auteur :
un manœuvre n’en fait qu’à sa forte tête... (1-16) (21/01/2020)
un manoeuvre n’en fait qu’à sa forte tête ... (17 – 29) (21/01/2021)
pape un enfant de chœur sur la touche (1-10) (21/01/2022)
pape un enfant de chœur sur la touche (11-23) (21/01/2023)
pape un enfant de chœur sur la touche (24-34) 21/01/2024)