Henri-Simon Faure (1923 – 2015) : pape un enfant de chœur sur la touche (42 - 43)
un manœuvre n’en fait
qu’à sa forte tête
de par
le luberon
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42
tu regardes ta gueule dans la glace
sept fois l’an
dans la même vieille glace
pourtant
ta langue blanche n’a parlé
la surface de l’eau toujours gelée
empêche la montée des nénuphars
entre chaque regard
combien tu changes
et
qu’il suffirait d’un trou dans la tête
pour conjuguer les sept individus
coulés de plomb au jeu de leur enfance
les grains de ma garce de peau
semés en pleine bonne terre
ne donneront
ni fleurs sauvages
ni herbes sèches ou bien grasses
ni légumes verts
et ni fruits
seulement quelques pissenlits
le cyprès poussé sur mon ventre
gargouillera sous le mistral
au cimetière abandonné
la ferraille des portes grince
l’huile de la lampe des morts
assaisonnera la salade
d’une poignée de barabans
symbole de ma pourriture
de celle qui m’a précédé
de celle qui succédera
parce que je fus pareil aux autres allongés
de plus doué de possibilités à revendre
comme un second cuir rêche
protégeant mes chairs vives
que je me suis toujours refusé à monnayer
je peux bien le dire enfin
tellement d’imbéciles
me l’ont reproché
et tu te crois intelligent
alors que je ne leur avais encore rien dit
mais seulement esquissé l’auguste geste inique
de leur pisser avec superbe à la raie du cul
l’histoire de la peau ne prouve rien
je ne suis toujours pas conformiste
je parviendrai fort mal à m’entendre
avec la jeunesse d’aujourd’hui
dont les maigres idées éculées
nous préparent un monde imbécile
de ce genre concentrationnaire
dont on connut tant de tentatives
où la liberté aura les yeux
rouges
de trop de larmes versées
où l’égalité aura tracé
de l’apostrophe devant son nom
une virgule brune de merde
dedans quelque cul de basse-fosse
où l’essentielle fraternit
é
à bien avoir galvaudé son sexe
se fera l’entrejambe uniforme
43
Le vieux village d’
oppède
dans l’ombre bleue
dès les premières heures de l’après-midi
j’écris pour conter du
lubéron
la nuit noire
vider
au gré des feuilles dernière parure
de certains arbres
le vin de mon corps pressé
sous moi cette terre est trop saoule de bonheur
le soleil s’est levé à
onze heures moins vingt
zieuté par la fenêtre de mon corps de garde
il contourne lentement le rempart du sud
escalade parmi les cèdres des vallons
peut-être est-il tombé derrière la montagne
avec qui il fait corps durant les mauvais jours
pourtant du haut de mon étroit chemin de ronde
je vois encore sa grosse patte velue
cerner de gestes
les oliviers et les vignes
dans la vallée domestique du
cavalon
sur les monts de
vaucluse
et aux flancs du
ventoux
moi
dans la nuit maintenant
nuit qui m’agrandit
d’idées funestes sous mes paupières levées
prenant la place des pleurs de joie escomptés
trois paroles de vie (valent jeu) sept années d’écritures
Editions plein chant (cahiers hsf/6), 16120 Bassac, 1976
Du même auteur
Par ces temps (28/07/2016)
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un manoeuvre n’en fait qu’à sa forte tête ... (17 – 29) (21/01/2021)
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