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Le bar à poèmes
24 novembre 2015

Jaroslav Seifert (1901 – 1986) : Le tableau frais

seifert[1]

 

Le tableau frais

 

Ces beaux jours,

Quand la ville ressemble au dé, à l’éventail et à la chanson

                                                                                d’oiseau,

Ou alors à la coquille au bord de la mer,

 

           - Au revoir, au revoir belles jeunes filles

          Que nous avons rencontré aujourd’hui

          Et que nous ne reverrons plus dans la vie –

 

Ces beaux dimanches,

Quand la ville ressemble au ballon, à la carte à jouer et à

                                                                            l’ocarina.

Ou alors à la cloche en mouvement,

 

          - Dans une rue ensoleillée

          S’embrassaient les ombres des passants

          Et les gens se quittaient sans se reconnaître.-

 

Ces beaux soirs,

Quand la ville ressemble à l’horloge, au baiser et à l’étoile,

Ou alors à la fleur du soleil qui tourne

 

          - Avec le premier accord

          Les danseurs battaient des ailes avec les bras des

                                                                           jeunes filles

          Comme les papillons de nuit à l’aube.-

 

Ces belles nuits,

Quand la ville ressemble à la rose, au jeu d’échec et au violon,

Ou alors à la jeune fille qui pleure,

 

          - Nous avons joué aux dominos,

          Dominos aux points noirs avec les jeunes filles

                                                           maigres des bars

          En regardant les genoux

          - Qui étaient osseux

          Comme les deux crânes avec la couronne de soie

                                                                   des jarretières

          Dans le royaume désespéré de l’amour.

 

Traduit du tchèque par Joseph Sima

In Revue « Le grand jeu, N°I, Eté 1928 »

Chez Roger Vailland, Paris, 1928

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