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Le bar à poèmes
27 octobre 2015

Jørgen Gustava Brandt (1929 – 2006) : « Moi, je suis Chérubin… »

 

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(…)

Moi, je suis Chérubin, allongé sur la grève

sous un saule qui danse comme un derviche…

Et si j’avais une calebasse géante, je partirais

avec elle sur l’océan…

 

Mais je suis faible et silencieux,

rien ne m’épuise, rien ne m’efface

dans le poids et la moiteur de l’odeur de mort

des profondeurs, pourriture,

défloration, sang, maternité,

arôme de délices…

Sans honte,

nu au bord de la mer…

 

Mer , tout à l’heure, j’étais mortel…

(Au loin, derrière moi,

Le tempo correct

étouffé, déchiré,

des tango er flow-fox

comme soutras et notes

envolés avec le vent…)

Noces, ô nuit, mon épousée

me voici roi,

et voir – le saule, la lune, la mer,

je ne suis maintenant que deux yeux, un regard…

Orages, fracas,

je suis l’oreille,

je suis l’amant

celui qui écoute et qui voit.

 

En moi, les images restent fraîches et dansent et mes yeux

                                                                     [lisent la joie…

en moi, se répètent la chorégraphie du saule et la partition

                                                                          [de la mer),

et la multiplicité belle et furieuse

aux éclairs noirs, chauffée à blanc,

         de plans et de vagues, de feuilles et de branches…

 

Vers moi, la nuit dirige son regard et se reconnaît…

En moi, les branches du saule dansent et se voient…

En moi, la lune qui décroît plonge son regard et se voit…

La mer et l’air chantent et voient – ils se voient, ils

                                                            [s’écoutent ravis…

Sans ivresse ni douleur, Chérubin – je ne suis personne –

                                                                       [se réjouit.

Médiateur, je repose immobile…

Tout est en métamorphose, anéantissement, résurrection…

Ce que savent les sens, ce qu’ils reconnaissent et habitent

                                                                    [est pure vision :

               l’arbre, la lune

               la grève, la mer…

 

… Le ciel est heureux au-delà du vacarme des plaintes et

                                                                  [le cœur de jubilation

et les rose sauvages de l’été au bord de l’eau…

 

Traduit du danois par Carl Gustav Bjurstrom

In , Revue « Les lettres Nouvelles », Denoê,1974

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