Ezra Pound (1885 – 1972) : « Et donc les lianes me jaillissent des doigts… » / « So that the vines burst from my fingers...»
CANTO XVII
Et donc les lianes me jaillissent des doigts
Et les abeilles lourdes de pollen
Naviguent pesamment entre les sarments :
Cherr- cherr- che-ricc – ronronnements
Et les oiseaux ensommeillés entre les branches
ZAGREUS ! IO ZAGREUS !
A la première pâleur qui éclaire les cieux
Et les cités sises entre leurs collines,
La déesse aux belles cuisses
S’avance, le bois de chêne derrière elle,
La pente verte, avec les bêtes blanches
Qui sautent autour d’elle ;
Et descendant de là jusqu’où s’ouvre la crique, jusqu’au soir,
Eaux étales devant moi,
et les arbres croissent dans l’eau,
Troncs de marbre taillés dans le repos,
Plus loin que le palazzi,
au repos
Cette lumière n’est point solaire.
Chrysoprase
Et l’eau claire verte, et claire bleue ;
Plus loin, jusqu’aux grandes falaises d’ambre.
En leur sein,
La grotte de Nerea,
elle, comme un grand coquillage incurvé,
Et la barque tirée sans bruit,
Sans relent de cale sèche,
Aucun cri d’oiseau, aucun clapotis de vague,
Aucuns ébats de phoque, aucun clapotis de vague,
En sa grotte, Nerea,
elle, comme un grand coquillage incurvé
Dans la suavité de la roche,
falaise gris- vert au loin,
Mais près, l’ambre des falaises-portes,
Et la vague
claire verte, et claire bleue,
Et la grotte blanc-sel, et pourpre ébloui,
fraîche, lisse, porphyre,
roc par la mer usé.
Aucun cri de mouette, aucun souffle de phoque,
Sable comme de malachite, et dedans aucun froid,
cette lumière n’est point solaire.
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Traduit de l’américain, par Philippe Mikriammos
In, Ezra Pound : « Les Cantos », Editions Flammarion, 1986
Du même auteur :
« Pour les sept lacs... » / «For the seven lakes…» (16/03/2020)
« Qui, mort, garde son esprit entier... » / « Who even dead, yet hath his mind entire... » (16/03/2021)
CANTO XVII
So that the vines burst from my fingers
And the bees weighted with pollen
Move heavily in the vine-shoots:
chirr---chirr---chir-rikk---a purring sound,
And the birds sleepily in the branches.
ZAGREUS! IO ZAGREUS!
With the first pale-clear of the heaven
And the cities set in their hills,
And the goddess of the fair knees
Moving there, with the oak-woods behind her,
The green slope, with white hounds
leaping about her;
And thence down to the creek's mouth, until evening,
Flat water before me,
and the trees growing in water,
Marble trunks out of stillness,
On past the palazzi,
in the stillness,
The light now, not of the sun.
Chrysophrase,
And the water green clear, and blue clear;
On, to the great cliffs of amber.
Between them,
Cave of Nerea,
she like a great shell curved,
And the boat drawn without sound,
Without odour of ship-work,
Nor bird-cry, nor any noise of wave moving,
Nor splash of porpoise, nor any noise of wave moving,
Within her cave, Nerea,
she like a great shell curved
In the suavity of the rock,
cliff green-gray in the far,
In the near, the gate-cliffs of amber,
And the wave
green clear, and blue clear,
And the cave salt-white, and glare-purple,
cool, porphyry smooth,
the rock sea-worn.
No gull-cry, no sound of porpoise,
Sand as of malachite, and no cold there,
the light not of the sun.
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Poème précédent en anglais :
Charles Bukowski : « elle me disait : tu es une vraie bête…/ you’re a beast, she said » (10/02/2015)
Poème suivant en anglais :
William Blake : “ L’alouette, sur son lit de terre… / “The Lark, sitting upon his earthy bed…” (29/04/2015)