Antonio Ramos Rosa (1924- 2013) : La femme dilacérée / A mulher dilacerada
La femme dilacérée
Tu avais le goût de la terre sombre et de l'amère
écume d'un arbre. J'ai découvert ton visage
sali travaillé par le vent
et les marées noires. Un tournesol nuageux
te faisait de l'ombre. Ton visage se penchait
sur une épaule matinale dilacérée.
Tes jambes fermes étaient d'atroces nerfs
enracinés dans la pierre. Sur tes seins neutres
rebondissaient les vagues lourdes et les métaux furieux.
Le monde s'était obscurci dans tes hanches dilacérées
Tel un oiseau nocturne en des miroirs abolis
tu déplaçais la matière de ton identité.
Dans ton vêtement opaque le vent résonnait
dans une fureur de consonnes et de sombres éclairs.
Traduit du portugais par Michel Chandeigne,
in « Les poètes de la Méditerranée. Anthologie »
Editions Gallimard (Poésie), 2010
Du même auteur :
Une voix / Uma Voz (02/09/2015)
Quand la lumière s’efface… / Quando a luz se apaga (02/09/2016)Un homme obscur dans une ville lumineuse /Um homem obscuro numa cidade luminosa (02/09/2017)
La maison / A casa (19/02/2019)
« Je ne peux remettre l’amour... » / « Não posso adiar o amor... » (19/02/2020)
Un astre (19/02/2021)
Le bœuf de la patience /O boi da patiência (19/02/2022)
Voyage à travers une nébuleuse / Viagem através de uma nebulosa (19/02/2023)
Le fonctionnaire fatigué / O funcionário cansado (19/02/2024)
A mulher dilacerada
Tinhas um sabor a terra escura e à espuma
amarga de uma arvore. Descobri-te o rosto
sujo trabalhado pelo vento
e pelas marés negras. Um oleoso girassol
enublava-te. O rosto inclinava-se
sobre um ombro matinal dilacerado.
As tuas pernas densas eram nervos atrozes
implantados na pedra. Sobre o teu peito neutro
repercutiam as ondas e os metais furiosos.
O mundo obscurecera nas dilaceradas ancas.
Como um passaro nocturno entre espelhos abolidos
Movias a matéria da tua identidade.
No teu vestido opaco o vento ressoava
num furor de consoantes e relâmpagos escuros.
Poème précédent en portugais :
Fernando Pessoa : A la veille de ne jamais partir /Na véspera de não partir nunca (20/06/2014)
Poème suivant en portugais :
Fernando Pessoa : Ajournement / Adiamento (20/06/2015)