Théodore Agrippa d’Aubigné (1551 – 1630) : « Pleurez avec moi, tendres fleurs... »
Pleurez avec moi, tendres fleurs,
Apportez, ormeaux, les rosées
De vos mignardes épousées *, * Les vignes (mariées à l’ormeau)
Mêlez vos pleurs avec les pleurs
De mot désolé qui ne puis
Pleurer autant que j’ai d’ennuis* ! * Tourments, désespoirs
Pleurez aussi, aube du jour :
Belle aurore, je vous convie
A mêler une douce pluie
Parmi les pleurs de mon amour,
D’un amour pour qui je ne puis
Trouver tant de pleurs que d’ennuis !
Cygnes mourants, à ceste fois
Quittez la Touvre Angoumoisine
Et mêlez la plainte divine
Et l’air de vos divines voix,
Avec moi chétif qui ne puis
Pleurer autant que j’ai d’ennuis !
Oiseaux qui languissez marris*, * Affligés
Et vous, tourterelles fâchées,
Ne comptez aux branches séchées
Le veuvage de vos maris
Et pleurez pour moi qui ne puis
Pleurer autant que j’ai d’ennuis !
Pleurez, ô rochers, mes douleurs
De vos argentines fontaines
Pour moi qui souffre plus de peines
Que je ne puis trouver de pleurs,
Pour moi douloureux qui ne puis
Pleurer autant que j’ai d’ennuis !
Le Printemps : Stances
In, « Oeuvres complètes de Théodore Agrippa d’Aubigné, Tome troisième »
Alphonse Lemerre éditeur, 1874
Du même auteur :
« Les rois, qui sont du peuple... » (18/02/2019)
« Je sens bannir ma peur... » (18/02/2020)
« Je veux peindre la France... » (18/02/2021)
L’Hiver (20/08/2023)