Pierre Dhainaut (1935 -) : Retour de la vallée des Rois
Retour en la Vallée des Rois
Des amandiers partout, épanouis,
l’air est plein de lui-même, la rivière déborde.
Souvent nous sommes arrivés par cette route :
l’après-midi ne voulait pas finir
dans ces brasiers de bois mort et de feuilles sèches
à côté de l’ami qui riait sous les étoiles
en écho.
Aujourd’hui les pas ne reconnaissent
ni les sentiers des berges, ni les méandres,
ils font cependant confiance
à la vallée, peu à peu, pour s’élever, pour s’élargir,
mais nous, les herbes et les fleurs que nous cueillons,
nous ne regardons qu’à terre,
nous les destinons à une tombe.
Les pluies en parcourant l’arbre au-dessus d’elle
ont noirci la pierre, l’inscription, les dates.
Sur le sol raviné de la colline
notre gerbe a sa place, elle respire,
le temps de la beauté, le temps d’une visite
silencieuse.
Parler des morts, ne pas aimer.
Avons-nous à nous souvenir de l’air
lorsqu’il brûle, à invoquer
tous ceux qui l’ont rejoint avec ardeur ?
Attisant le rocher comme le ciel et les prairies,
les yeux, les souffles se conviennent,
c’est ainsi que le temps peuple son arche.
La route à présent ne peut plus changer :
aval, amont, la nuit printanière s’annonce
au crépitement continu
de l’eau, des pas, des branches, l chant de la grive,
y est-il semblable à celui du matin ?
a l’approche du pont nous ne faiblirons pas,
nous l’entendrons seulement de plus près.
(Au cimetière de Ségala près de Penne-de-Tarn
où Jean Malrieu est enterré : avril 1986.)
In, Revue « polyphonies, N°13 (Eté - Automne 1991)
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