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Le bar à poèmes
17 juin 2025

Hélène d’Oettingen / Léonard Pieux (1885 – 1950) : Kilima N’djaro

Autoportrait.  Huile sur toile, signée François Angiboult.

 

 

Kilima N’djaro

 

 

Le sinistre gronde.


Seul l’esprit voltige sous la giboulée de la tourmente.


Le refuge de voyageurs égarés...


Tremble le sommet de la montagne comme un peuplier abandonné.


Ce ne sont pas les Alpes ni les Pyrénées


Ces noms si doux !


Des troupeaux de bergers


Parfois un guide avec un mort...

 

 

Ni guide ni pasteurs !

 

 

Une force inconnue m’appelle


Peut-être la voix de cette étoile perchée sur la dernière hauteur


Peut-être le désir de voir les espaces qui cachent l’Europe...

 

 

Quelle glace !


Ni profil ni face


La couleur s’est effondrée avant d’y parvenir


Mon haleine se change en un flot de sang caillé


Mes lèvres cessent de murmurer une prière


La nuit comble tout sans combler le vacarme


Ma montre chante comme une abeille enfermée dans un verre...

 

 

Si c’est la mort je prie celui qui me trouvera


D’emporter mon passeport et cette photographie

 

Et cette mèche de cheveux qui me réchauffe de son dernier effort


D’adresser tout cela au 229 du Boulevard Raspail à Paris.

 

 

                              Léonard Pieux

 

 


 
Revue « Nord – Sud, N° 3, 15 Mai 1917


De la même autrice : Soliloques gaillards. III (18/06/2024)
 

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