Hélène d’Oettingen / Léonard Pieux (1885 – 1950) : Kilima N’djaro
Autoportrait. Huile sur toile, signée François Angiboult.
Kilima N’djaro
Le sinistre gronde.
Seul l’esprit voltige sous la giboulée de la tourmente.
Le refuge de voyageurs égarés...
Tremble le sommet de la montagne comme un peuplier abandonné.
Ce ne sont pas les Alpes ni les Pyrénées
Ces noms si doux !
Des troupeaux de bergers
Parfois un guide avec un mort...
Ni guide ni pasteurs !
Une force inconnue m’appelle
Peut-être la voix de cette étoile perchée sur la dernière hauteur
Peut-être le désir de voir les espaces qui cachent l’Europe...
Quelle glace !
Ni profil ni face
La couleur s’est effondrée avant d’y parvenir
Mon haleine se change en un flot de sang caillé
Mes lèvres cessent de murmurer une prière
La nuit comble tout sans combler le vacarme
Ma montre chante comme une abeille enfermée dans un verre...
Si c’est la mort je prie celui qui me trouvera
D’emporter mon passeport et cette photographie
Et cette mèche de cheveux qui me réchauffe de son dernier effort
D’adresser tout cela au 229 du Boulevard Raspail à Paris.
Léonard Pieux
Revue « Nord – Sud, N° 3, 15 Mai 1917
De la même autrice : Soliloques gaillards. III (18/06/2024)