Shams Nadir (1940 -) : « Clameur de l’exil... »
Clameur de l’exil au rivage des Syrtes !
Le temps est venu de déserter ce jardin de mirage.
Sur trop de mensonges je m’étais assoupi
En trop d’ossuaires je m’étais amusé.
Sur ces grèves de rocailles et d’amiante, prémices d’absence, aux abîmes
accueillantes
L’oiseau des îles a terni son somptueux plumage
Et la jungle malhabile a terni la résurgence des fleurs.
Alors j’ai déployé mes voiles
Aux vents des départs.
Laboure, ô roue, le champ fertile
Où rêvent les méduses.
Jaillissent l’embrun et la tornade sous-marine
et les spasmes de l’éclair
A grandes eaux salées
Lavez mes yeux d’un songe trop vieux
O trombes des profondeurs
Il advient que je rencontre par les nuits phosphorescentes,
Des troupeaux chevelus d’hippocampes en dérive
Des rêves de corail aux grillades amènes
Et des torpilles blafardes en forme d’anagrammes.
C’est alors qu’arrivé à fond de cale
J’ai adressé cette supplique dérisoire à Aleph :
« Première lettre de l’alphabet arabe,
Matrice chaude, frisson silencieux du matin,
Premier cri de ma race ?
Aleph, mon expression et mon tourment
Quand donc entraîneras-tu ta suite à composer les mots
clairs qui sauront apprivoiser demain. Quand donc finira la défaite
et la casuistique, le mensonge et la rhétorique ?
Aleph, aleph, aleph, à moi
J’atteins le fond concret des ténèbres ».
(Célébration de l’errant)
Le Livre des Célébrations
Editions Publisud, 1983
Du même auteur :
Célébration du roseau et de l’encre (23/01/2023)
Célébration des points cardinaux (23/03/2024)