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Le bar à poèmes
18 décembre 2024

Federico Garcia Lorca (1898 – 1936) : « J’allais tristement... » / « Yo estaba triste... »

 

 

 

J’allais tristement de par les champs

C’était un jour clair

Endormi dans les pages d’un gros livre

Shakespeare m’accompagnait...,

« Le songe d’une nuit d’été »,

Le titre du gros livre.

 

                                    Dans la terre

Se reposaient les charrues.

Et cette tristesse humaine

La tristesse de ces masses

Endormies près de l’eau.

Qu’ils sont beaux les nuages de l’automne !

Au loin aboient les chiens.

Et dans les oliveraies lointaines apparaissent

Les mains de la nuit.

 

                                    Ma distance

Intérieure devient trouble.

Mon coeur a des toiles d’araignées...

Le démon de Shakespeare,

Quel poison versa-t-il dans mon âme !

Hasard terrible que l’amour !

Nous nous endormons et une fée

Nous fait au réveil adorer

Le premier venu.

Profonde tragédie ! Et Dieu, que pense-t-il ?

Ses ailes se sont-elles brisées ?

Ou peut-être invente-t-il un autre engin étrange

Pour l’emplir d’âme ?

Dieu serait-il un artiste à moitié fou ?

Donne-moi Saint Augustin tes mains pâles

Et ta flamme !...

 

Ces fleurs paisibles de la plaine

Sont-elles comme mes paroles,

Des fruits pour les dents des airs

Et ensuite pour rien ?

Et ce chêne qui a presque une bouche,

Des bras et un regard !

Il se défera du lierre de son esprit

Pour s’enfoncer sans âme.

Et le cœur, à quoi nous sert-il ?

Pour nous en défaire sur un long chemin

Et qu’il se prenne dans une autre poitrine,

Ou pour l’enterrer sous la neige blanche

Lorsqu’au front nous sentons

Le froid des cheveux blancs

............................................................................

..........................................................................

 

Que les bois sont loin ! 

                                       Ami William !

Tu m’écoutes ? Oui ?

                                   (Les branches

mortes des arbres

soupirent en silence sur l’eau)

*

                                                                                           *      *

Que d’ombre ! Mon Dieu !

Je me souviens de toi... Voici l’espoir

Qui tel une fleur pose son pollen d’or

Sur mon front mauvais.

Merci Seigneur !

 

Deux ombres silencieuses

Passent sur le chemin.

L’une est le malin génie de Descartes

L’autre ombre est la Mort...

 

Je sens leurs regards

Tels des baisers de plomb sur ma peau

Lee grenouilles se sont tues !

Elles s’éloignent ! Ah, quel est le chemin,

Qui mène chez moi ?

Celui-ci ? celui-là ? Ou ce sentier ?

Quelle confusion !...

 

            Les grenouilles

Entonnent tout bas leurs chansons,

Toutes déconcertées !

Et là où se croisent les chemins

Je vois sur la montagne

Une caricature du sphinx

Riant à gorge déployée !

 

*

                                                                                           *      *

Puis j’ai médité tout seul dans ma chambre

A la chaleur de ma lampe :

Nous vivons tous dans le bois noir

Que Shakespeare s’est inventé.

Certains sèment des lis dans leur poitrine

Il leur pousse des orties

 

            Certains chantent

En se prenant pour l’alouette du matin,

Et leur flûte est muette.

Maus Seigneur, le cœur est-il chose

Si fragile et si fausse ?

Je pense avec sérénité à ma tristesse.

Voici l’aube

Et sur chaque chaise de la pièce

Un grand fantôme est assis.

                                                             23 octobre 1917

 

                                                                          (Les Mains de la nuit) 

 

 

 

Traduit de l’espagnol par Laurence Breysse

In, Revue « Polyphonies, N°11-12, Automne-Hiver 1990-1991

Du même auteur :

La guitare / la guittara (04/11/2014)

Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías / Llanto por Ignacio Sánchez Mejías (19/12/2015) 

Embuscade / Sorpresa (19/12/2016)

Chanson du cavalier /Canción de Jinete (19/12/2017)

Village / Pueblo (19/12/2018)

« Gacela » de la mort obscure / Gacela de la muerte obscura (19/12/2019)

L’infidèle / La casada infiel (19/12/2020)

La ballade de l’eau de mer / La balada del agua del mar (19/12/2021)

Evocation / Evocación (19/12/2022)

Carrefour / Encrucijada 19/12/2023)

 

Yo estaba triste frente a los sembrados

Era una tarde clara

Dormido entre las hojas de un librote

Shakespeare me acompañaba...

« El sueño de una noche de verano »

Era el librote.

 

                       Estaban

Descansando en la tierra los arados.

Y esa tristeza humana

La tristeza de aquellos armatostes

Dormidos  junto al agua.

¡Qué  hermosas son las nubes del otoño!

Lejos los perros ladran.

Y por los olivares lejanos aparecen

Las manos de la noche.

 

                                      Mi distancia

Interior se hace turbia.

Tiene mi corazón telas de araña…

¡El demonio de Shakespeare

Qué ponzoña me ha vertido en el alma!

¡Casualidad temible es el amor!

Nos dormimos y un hada

Hace que al despertarnos adorcmos

Al primero que pasa.

¡Qué tragedia tan honda! ¿Y Dios, qué piensa?

¿Se le han roto las alasL

¿O acaso inventa  oto aparato extrao

Para llenarlo de alma?

¿Será Dios un artista medio loco?

¡Dame San Agustín tus manos pàlidas,

Y tus ojos de sombra

Y tu llama !...

 

Estas flores tranquilas de la acequia

¿Son como mis palabras

Frutas para los dientes de los aires

Y después para nada?

¡Y esa encina que casi tiene boca

Y brazor y mirada!

Dejará la yedra de su espíritu

Para hundirse sin alma.

Y luego el corazón ¿De qué nos sirve?

Para dejarlo en und senda larga

Colgado en otro pecho.

O enterrarlo bajo la nieve blanca

Cuando sentimos sobre nuestra frente

El frio de las canas

............................................................................

..........................................................................

¡Qué lejos está el monte !

                                           ¡Amigo William!

?  ¿Si?

                                 (Las ramas

Secas de los árboles

Suspiran en silencio sobre el agua)

*

                                                                                           *      *

¡Cuánta sombra!  ¡Dios mio!

Ya me acuerdo de ti… Ya la esperanza

Como una flor echa su polen de oro

Sobre mi frente mala.

¡Gracias Señor! 

 

     

       Dos sombras silenciosas

Por el camino pasan.

Una es el geniecillo de Descartes

La otra sombra es la Muerte…

 

Yo siento sus miradas

Como besos de plomo sobre mi piel

¡Se han callado las ranas! 

¡Ya se alejan!  Ay ¿Cuál es el camino

Que conduce a mi casa ?

¿Es este? ¿Es aquel? ¿O esa vereda?

¡Qué confus!

 

        ¡Las ramas 

Empiezan muy piano sus canciones

Todas desconcertadas!

Y ya donde se cruzan los caminos

Veo sobre la montaña

Una caricatura de la esfinge

¡Riendo a carcajadas!

*

                                                                                           *      *

Luego pensé en mi habitación a solas

Y al calor de mi lámpara :

Todos vivimos en el bosque negro

Que Shakespeare se inventara.

Hay quien se siembra lirios en el pecho

Y le nacen ortigas.

 

Hay quien canta

Creyendo que es alondra matutina,

Y está muda su flauta.

¿Pero Señor el corazón es cosa

Tan frágil y tan falsa?

Pienso serenamente en mi tristeza.

Es ya la madrugada

Y veo en cada silla de mi cuarto

Sentado un gran fantasma.

 

                                                                          (Las manos de la noche) 

Fundación Federico García Lorca

Poème précédent en espagnol :

Jorge Luis Borges : Nuages / Nubes (04/12/2024)

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