Federico Garcia Lorca (1898 – 1936) : « J’allais tristement... » / « Yo estaba triste... »
J’allais tristement de par les champs
C’était un jour clair
Endormi dans les pages d’un gros livre
Shakespeare m’accompagnait...,
« Le songe d’une nuit d’été »,
Le titre du gros livre.
Dans la terre
Se reposaient les charrues.
Et cette tristesse humaine
La tristesse de ces masses
Endormies près de l’eau.
Qu’ils sont beaux les nuages de l’automne !
Au loin aboient les chiens.
Et dans les oliveraies lointaines apparaissent
Les mains de la nuit.
Ma distance
Intérieure devient trouble.
Mon coeur a des toiles d’araignées...
Le démon de Shakespeare,
Quel poison versa-t-il dans mon âme !
Hasard terrible que l’amour !
Nous nous endormons et une fée
Nous fait au réveil adorer
Le premier venu.
Profonde tragédie ! Et Dieu, que pense-t-il ?
Ses ailes se sont-elles brisées ?
Ou peut-être invente-t-il un autre engin étrange
Pour l’emplir d’âme ?
Dieu serait-il un artiste à moitié fou ?
Donne-moi Saint Augustin tes mains pâles
Et ta flamme !...
Ces fleurs paisibles de la plaine
Sont-elles comme mes paroles,
Des fruits pour les dents des airs
Et ensuite pour rien ?
Et ce chêne qui a presque une bouche,
Des bras et un regard !
Il se défera du lierre de son esprit
Pour s’enfoncer sans âme.
Et le cœur, à quoi nous sert-il ?
Pour nous en défaire sur un long chemin
Et qu’il se prenne dans une autre poitrine,
Ou pour l’enterrer sous la neige blanche
Lorsqu’au front nous sentons
Le froid des cheveux blancs
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Que les bois sont loin !
Ami William !
Tu m’écoutes ? Oui ?
(Les branches
mortes des arbres
soupirent en silence sur l’eau)
*
* *
Que d’ombre ! Mon Dieu !
Je me souviens de toi... Voici l’espoir
Qui tel une fleur pose son pollen d’or
Sur mon front mauvais.
Merci Seigneur !
Deux ombres silencieuses
Passent sur le chemin.
L’une est le malin génie de Descartes
L’autre ombre est la Mort...
Je sens leurs regards
Tels des baisers de plomb sur ma peau
Lee grenouilles se sont tues !
Elles s’éloignent ! Ah, quel est le chemin,
Qui mène chez moi ?
Celui-ci ? celui-là ? Ou ce sentier ?
Quelle confusion !...
Les grenouilles
Entonnent tout bas leurs chansons,
Toutes déconcertées !
Et là où se croisent les chemins
Je vois sur la montagne
Une caricature du sphinx
Riant à gorge déployée !
*
* *
Puis j’ai médité tout seul dans ma chambre
A la chaleur de ma lampe :
Nous vivons tous dans le bois noir
Que Shakespeare s’est inventé.
Certains sèment des lis dans leur poitrine
Il leur pousse des orties
Certains chantent
En se prenant pour l’alouette du matin,
Et leur flûte est muette.
Maus Seigneur, le cœur est-il chose
Si fragile et si fausse ?
Je pense avec sérénité à ma tristesse.
Voici l’aube
Et sur chaque chaise de la pièce
Un grand fantôme est assis.
23 octobre 1917
(Les Mains de la nuit)
Traduit de l’espagnol par Laurence Breysse
In, Revue « Polyphonies, N°11-12, Automne-Hiver 1990-1991
Du même auteur :
La guitare / la guittara (04/11/2014)
Chant funèbre pour Ignacio Sánchez Mejías / Llanto por Ignacio Sánchez Mejías (19/12/2015)
Embuscade / Sorpresa (19/12/2016)
Chanson du cavalier /Canción de Jinete (19/12/2017)
Village / Pueblo (19/12/2018)
« Gacela » de la mort obscure / Gacela de la muerte obscura (19/12/2019)
L’infidèle / La casada infiel (19/12/2020)
La ballade de l’eau de mer / La balada del agua del mar (19/12/2021)
Evocation / Evocación (19/12/2022)
Carrefour / Encrucijada 19/12/2023)
Yo estaba triste frente a los sembrados
Era una tarde clara
Dormido entre las hojas de un librote
Shakespeare me acompañaba...
« El sueño de una noche de verano »
Era el librote.
Estaban
Descansando en la tierra los arados.
Y esa tristeza humana
La tristeza de aquellos armatostes
Dormidos junto al agua.
¡Qué hermosas son las nubes del otoño!
Lejos los perros ladran.
Y por los olivares lejanos aparecen
Las manos de la noche.
Mi distancia
Interior se hace turbia.
Tiene mi corazón telas de araña…
¡El demonio de Shakespeare
Qué ponzoña me ha vertido en el alma!
¡Casualidad temible es el amor!
Nos dormimos y un hada
Hace que al despertarnos adorcmos
Al primero que pasa.
¡Qué tragedia tan honda! ¿Y Dios, qué piensa?
¿Se le han roto las alasL
¿O acaso inventa oto aparato extrao
Para llenarlo de alma?
¿Será Dios un artista medio loco?
¡Dame San Agustín tus manos pàlidas,
Y tus ojos de sombra
Y tu llama !...
Estas flores tranquilas de la acequia
¿Son como mis palabras
Frutas para los dientes de los aires
Y después para nada?
¡Y esa encina que casi tiene boca
Y brazor y mirada!
Dejará la yedra de su espíritu
Para hundirse sin alma.
Y luego el corazón ¿De qué nos sirve?
Para dejarlo en und senda larga
Colgado en otro pecho.
O enterrarlo bajo la nieve blanca
Cuando sentimos sobre nuestra frente
El frio de las canas
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¡Qué lejos está el monte !
¡Amigo William!
? ¿Si?
(Las ramas
Secas de los árboles
Suspiran en silencio sobre el agua)
*
* *
¡Cuánta sombra! ¡Dios mio!
Ya me acuerdo de ti… Ya la esperanza
Como una flor echa su polen de oro
Sobre mi frente mala.
¡Gracias Señor!
Dos sombras silenciosas
Por el camino pasan.
Una es el geniecillo de Descartes
La otra sombra es la Muerte…
Yo siento sus miradas
Como besos de plomo sobre mi piel
¡Se han callado las ranas!
¡Ya se alejan! Ay ¿Cuál es el camino
Que conduce a mi casa ?
¿Es este? ¿Es aquel? ¿O esa vereda?
¡Qué confus!
¡Las ramas
Empiezan muy piano sus canciones
Todas desconcertadas!
Y ya donde se cruzan los caminos
Veo sobre la montaña
Una caricatura de la esfinge
¡Riendo a carcajadas!
*
* *
Luego pensé en mi habitación a solas
Y al calor de mi lámpara :
Todos vivimos en el bosque negro
Que Shakespeare se inventara.
Hay quien se siembra lirios en el pecho
Y le nacen ortigas.
Hay quien canta
Creyendo que es alondra matutina,
Y está muda su flauta.
¿Pero Señor el corazón es cosa
Tan frágil y tan falsa?
Pienso serenamente en mi tristeza.
Es ya la madrugada
Y veo en cada silla de mi cuarto
Sentado un gran fantasma.
(Las manos de la noche)
Fundación Federico García Lorca
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