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Le bar à poèmes
6 septembre 2024

Adèle Nègre (1965 -) : Résolu par le feu (3)

 

Résolu par le feu

 

................................................................

Iris

six fois repris soit l’œil

de ces limbes

faces réfléchies ou conniventes

trois par trois

issus des spathes comme de langes

d’une soie

déplie l’espace concis

du périanthe

 

J’apprends à résoudre l’impatience

en un poème qui

qui quoi que ce soit est algèbre rougie

au feu j’entends l’ennui

chante pourtant le rossignol d’intranquillité

dans l’arbre il montre la nuit

sa trille oblique comme un beaupré

relance ébruite

c’est un cerne qui luit qui

cerne l’ombre du bosquet nègre qui cerne

le pré qui sombre

gorgé de sang

du temps qu’on voit

son chant réjouit la joue

 

 

Pleine saison bat son

oui son pouls

lent est dur

chargé d’eaux

feuilles aux branches

au sol

la gravier gros

même les pierres sont plus lourdes

et dures à rêver

là assise

froides

mains gourdes

 

 

Ogresse plongée dans le champ

mes enjambées écument

au fond

toute fleur est une bouche-enfant

corail où nourrir d’amour

bordée de cris

toute fleur est un œil qui hume

l’écart

des sensations

un pré madréporique soutient ma nage

 

C’est un dard qui perce en or ligulé de blanc pur une plaie consentie dans

le vert universel gorgé de ce jour gris d’un gris humide ce jour morne

et froid se mouche de glaires mauves et de glaives

des toux poussent les mains sèchent toutes inusitées l’urne ne suffit pas

sèche aussi

sèche sèche est notre vue devant

longtemps que nous n’ avons eu cela la splendide humilité de la marguerite à

l’œil l’arme nous vient avant

c’est la larme qui perce nos vues et pour cause nous trayons le monde

nous trayons jusqu’à nos paumes

magnifiques nous trayons sans cesse et pour qui

« désolé de vous traire ainsi, madame, c’est la duuuure loi de l’ouest »

dit Tex

en bouche nous pleurons rageons et comptons

c’est dit nous ne vivons pas nous soumettons et mourons et des enfants

naissent privés de pluie et de tout

et traits pour traits il n’est pas sûr que nos pauvres traces laissent

des larmes dans la mêlée de l’humeur

la marguerite elle rudérale perce les gravats

 

 

Je dépends depuis hier

de l’astre ligulé haut suspendu

au-dessus de tout

de toutes les herbes solidairement confondues en une

prairie prairie-des-verts

lustre pentu que le capitule bouscule

par son consentement à la lumière

 

 

Le hangar tend sa baie noire au jour

pluvieux noirci qui creuse

l’échelle restreinte et saturée des couleurs

mais la marguerite

ce n’est pas qu’elle suspend

elle tremble le temps concentriquement

autour du disque  sessile

or : un paradoxe de splendeur

et d’humilité

 

 

Sans savoir

le pas désormais si douloureux

je suis

ici puis là puis

où va savoir

ce pas que je sache et

d’autres qui m’ont

à gravir la mesure des nuits

foulée grandes et combien hautes sont les marches

je ne pleure pas je trouve des fleurs

et puis

à la courte échelle il excelle le rossignol dans le noir

 

 

Le fleuve

je suis dedans et je marche à côté

je viens d’où il s’en va

vaquant

la rive invite à voir son double

au loin comme elle paraît rejoindre l’autre

dans un coucher scintillant

la clarté tremblante des pissenlits

et les cillements des grandes-éclaires

je m’incline pour voir ce qui vient

en quel radical sinue cette voie

voire

source s’insinue

dans ma voix

 

 

Quelle racine est ce fleuve

qui traverse la ville

un long parti sinueux que je

jouant avec les rives

suis autant que rêve

je rêve le fleuve

un pour deux rives

qui continue derrière

prolongeant ce qui coule

en haut : nuages et grues

en dessous : fontes racines et des grives

un merle noir réverbère

le lendemain sourd dans l’inversion

de la nuit

la voie de vent converge au coude

avec le cœur

quand le couloir sort de la ville

c’est le jour d’après

 

 

La tête bourdonne au ras des

mottes la berge dormante

j’attends le vent

pour sentir ce qui coule

sauf

sauf les nuages là-haut

les papilles hérissent la houle

épidermique sensation de fuite

avec la menthe

et dessous ce qui fond

les racines et les os

et nous

sans mots

les yeux rivés

vers ce qui converge

en vert

 

 

Les bords flous

s’effritent

sous le clapot

battement simple de l’air

où salicaires faux-roseaux et orties

abritent

les trois canards agitent

leur œuvre vive

l’œil fixe

les saules lentement

et quoi les saules ?

Les saules fixent la feuille

et ‘ombre lancéolée

dans la mémoire ajoutée

de la menthe foulée

 

 

Et brutalement - que le temps est brutal –

des roses

- rose voici un lieu – et des leurres

gros comme un poing

de la clameur et l’allant

des têtes penchées par cent

incurvant tant d’attentes

les questions se défont et les bras tombent

silencieux

c’est assez la vie que je vois

exposée

et stupéfiée

j’arrête et ne regarde pas en aval

 

 

Mai passe

et hausse des lacs de lumière

des taches dansent

voiles en sa montée

un nu sans plainte trouve ses fleurs

 

 

Jour

du rossignol

il escalade les poumons

et le sol brûle la plante

aux pieds chaque escale enfièvre

l’appétence

vers l’échelle du tilleul

où c’est relâche

....................................

 

 

Résolu par le feu

Bruno Guattari, Editeur, 41250 Tour en Sologne,2018

De la même autrice :

« Tu ne tonitrueras pas... » (07/09/2020)

Parler avec le sphinx (extraits) (06/09/2021)

Résolu par le feu (1) (06/09/2022)

Résolu par le feu (2) (06/09/2023)

 

 

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