Robert Desnos (1900 – 1945) : « Ce cœur qui haïssait la guerre... »
Portrait de Robert Desnos par Félix Labisse
Ce cœur qui haïssait la guerre
Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des
heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre
et de haine
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la
campagne
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme
le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube
proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même
des saisons et des marées, du jour et de la nuit.
In, Revue L‘Honneur des poètes », 14 juillet 1943
(sous le pseudonyme de Pierre Andier)
Editions de Minuit, 1943
Du même auteur :
J’ai tant rêvé de toi (06/08/2014)
Les espaces du sommeil (06/08/2015)
Ô douleurs de l’amour ! (06/08//2016)
Infinitif (06/08/2017)
Baignade (06/08/2018)
De la rose de marbre à la rose de fer (06/08/2019)
« Hors du manteau, la lumière... » (06/08/2020
La belle que voilà (06/08/2021)
Les sources de la nuit (06/08/2022)
Comme une main à l’instant de la mort... » (06/08/2023)
«