João Cabral de Melo Neto (1920 – 1999) : Poème(s) de la chèvre (II) / Poema(s) da cabra (II)
Poème(s) de la chèvre
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La chèvre est barricadée à l’intérieur.
Condamnée à la caatinga sèche.
Libre, dans l’étendue vide,
interdite, dans la verdure étroite.
Elle porte un joug à son cou
qui l’empêche de trouer les haies.
Elle porte les murs de sa propre geôle :
prisonnière autant que geôlière.
Liberté de faim et de soif
de l’ambulante prisonnière.
Non qu’elle cherche le difficile :
c’est qu’on la sait apte à la pierre.
Sa vie ne laisse à la chèvre
nul loisir d’être délicate ou lyrique
(tel l’urubu qui en douces lignes
vole à la recherche de la charogne).
La chèvre vit à contre-pente
sans les extases des descentes.
Pour la chèvre vivre n’est pas
une re-rumination introspective.
C’est, littéralement, creuser
la vie sous la superficie,
car la chèvre, interdite de feuilles,
doit extirper ses racines.
C’est pourquoi la chèvre est grossière,
aux mains âpres, réaliste.
C’est pourquoi, même ruminant,
elle n’est jamais contemplative.
Un noyau de chèvre est visible
en dessous de multiples choses.
Par la nature de la chèvre
d’autres apprennent leur écorce.
Un noyau de chèvre est visible
en certains attributs rugueux
que possèdent les choses obligées
à faire un cuir de leur corps.
A faire de leur cuir une semelle,
à s’armer de cuirasses, écailles :
comme il advient de certaines choses
et de maintes conditions humaines.
Les baudets sont des animaux
qui ont beaucoup appris de la chèvre.
Le Nordestin qui vit avec elle
s’est fait de la même espèce.
Le noyau de la chèvre est visible
en dessous de l’homme du Nordeste.
De la chèvre lui vient l’abrupt
et l’étoffe nerveuse qui l’emplit.
On devine le noyau de chèvre
dans la façon d’être, Cardozo (1),
qui perce sous le geste
comme un squelette sous le corps.
Et c’est une autre ossature plus forte
que le squelette commun, de tous ;
en dessous du propre squelette,
au centre profond de ses os.
La chèvre a donné au Nordestin
ce squelette plus intérieur :
l’acier de l’os, qui résiste
quand l’os perd son ciment.
(La Méditerranée est mer classique
avec ses eaux de marbre bleu.
Elle ne me rappelle en rien les eaux
sans repère du rio Pajeu.
Les ondes de la Méditerranée
sont tracées dans le marbre.
Dans les fleuves du Sertan, si elle existe,
l’eau court échevelée.
Les bords de la Méditerranée
paraissent un balcon désert.
Désert, mais fait de terres nobles,
non de la pierraille du Sertan
Mais je ne trahis pas la Méditerranée
ni son atmosphère majeure
en décrivant ses chèvres noires
en termes de celles de Moxotó.
(1) Joaquim Cardozo, poète du Pernambouc (cardozo signifie charbon).
Traduit du portugais (Brésil) par Alice Raillard et Anny-Claude Basset
Revue Po&sie, N°33
Belin éditeur, 1985
Du même auteur :
« Sur ce papier... » (24/07/2022)
« Cultiver le désert... » (24/07/2023)
Poème(s) de la chèvre (I)/ Poema(s) da cabra (I) 24/07/2024)
Poema(s) da cabra
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A cabra é trancada por dentro.
Condenada à caatinga sêca.
Liberta, no vasto sem nada,
proibida, na verdura estreita.
Leva no prescoço uma canga
que a impede de furar as cercas
Leva os muros do próprio cárcere
prisioneira e carcereira.
Liberdade de fome e sêde
da ambulante prisioneira.
Não é que ela busque o difícil :
é que a sabem capaz de pedra.
A vida da cabra não deixa
lazer para ser fina ou lírica
(tal o urubu, que em doces linhas
voa à procura da carniça).
Vive a cabra contra a pendente,
sem os êxtases das descidas.
Viver para a cabra não é
re-ruminar-se introspectiva.
É, literalmente, cavar
a vida sob a superfície,
que a cabra, proibida de folhas,
tem de desentranhar raizes.
Eis porque é a cabra grosseira,
de mãos ásperas, realista.
Eis porque, mesmo ruminando,
não é jamais contemplativa.
Um núcleo de cabra é visível
por debaixo de muitas coisas.
Com a natureza da cabra
outras aprendem sua crosta.
Um núcleo de cabra é visível
em certos atributos roucos
que têm as coisas obrigadas
a fazer de seu corpo couro.
A fazer de seu couro sola,
a armar-se em couraças, escamas
como se dá com certas coisas
e muitas condições humanas.
Os jumentos são animais
que muito aprenderam da cabra,
O nordestino, convivendo-a,
fez-se de sua mesma casta.
O núcleo da cabra é visível
debaixo do homem do Nordeste.
Da cabra lhe vem o escarpado
e o estofo nervudo que o enche.
Se adivinha o núcleo de cabra
no jeito de existir, Cardozo,
que reponta sob seu gesto
como esqueleto sob o corpo.
E é outra ossatura mais forte
que o esqueleto comum, de todos ;
debaixo do próprio esqueleto,
no fundo centro de seus ossos.
A cabra deu ao nordestino
esse esqueleto mais de dentro :
o aço do osso, que resiste
quando o osso perde seu cimento.
(O Mediterrâneo é mar clássico,
com águas de mármore azul.
Em nada me lembra das águas
sem marca do rio Pajeú.
As ondas do Mediterrâneo
estão no mármore traçadas.
Nos rios do Senão, se existe,
a água corre despenteada.
As margens do Mediterrâneo
parecem deserto balcão.
Deserto, mas de terras nobres
não da piçarra do Sertão.
Mas não minto o Mediterrâneo
nem sua atmosfera maior
descrevendo-lhe as cabras negras
em termos das do Moxotó).
Poème précédent en portugais :
Poème(s) de la chèvre (I) / Poema(s) da cabra (I) (24/07/2024)