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Le bar à poèmes
24 juillet 2024

João Cabral de Melo Neto (1920 – 1999) : Poème(s) de la chèvre (II) / Poema(s) da cabra (II)

 

Poème(s) de la chèvre


....................................................

La chèvre est barricadée à l’intérieur.

Condamnée à la caatinga sèche.

Libre, dans l’étendue vide,

interdite, dans la verdure étroite.

 

Elle porte un joug à son cou

qui l’empêche de trouer les haies.

Elle porte les murs de sa propre geôle :

prisonnière autant que geôlière.

 

Liberté de faim et de soif

de l’ambulante prisonnière.

Non qu’elle cherche le difficile :

c’est qu’on la sait apte à la pierre.
 

Sa vie ne laisse à la chèvre

nul loisir d’être délicate ou lyrique

(tel l’urubu qui en douces lignes

vole à la recherche de la charogne).


La chèvre vit à contre-pente

sans les extases des descentes.

Pour la chèvre vivre n’est pas

une re-rumination introspective.


C’est, littéralement, creuser

la vie sous la superficie,

car la chèvre, interdite de feuilles,

doit extirper ses racines.


C’est pourquoi la chèvre est grossière,

aux mains âpres, réaliste.

C’est pourquoi, même ruminant,

elle n’est jamais contemplative.


Un noyau de chèvre est visible

en dessous de multiples choses.

Par la nature de la chèvre

d’autres apprennent leur écorce.


Un noyau de chèvre est visible

en certains attributs rugueux

que possèdent les choses obligées

à faire un cuir de leur corps.


A faire de leur cuir une semelle,

à s’armer de cuirasses, écailles :

comme il advient de certaines choses

et de maintes conditions humaines.


Les baudets sont des animaux

qui ont beaucoup appris de la chèvre.

Le Nordestin qui vit avec elle

s’est fait de la même espèce.

 

Le noyau de la chèvre est visible

en dessous de l’homme du Nordeste.

De la chèvre lui vient l’abrupt

et l’étoffe nerveuse qui l’emplit.

 

On devine le noyau de chèvre

dans la façon d’être, Cardozo (1),

qui perce sous le geste

comme un squelette sous le corps.

 

Et c’est une autre ossature plus forte

que le squelette commun, de tous ;

en dessous du propre squelette,

au centre profond de ses os.

 

La chèvre a donné au Nordestin

ce squelette plus intérieur :

l’acier de l’os, qui résiste

quand l’os perd son ciment.

 

(La Méditerranée est mer classique

avec ses eaux de marbre bleu.

Elle ne me rappelle en rien les eaux

sans repère du rio Pajeu.

 

 

Les ondes de la Méditerranée

sont tracées dans le marbre.

Dans les fleuves du Sertan, si elle existe,

l’eau court échevelée.

 

Les bords de la Méditerranée

paraissent un balcon désert.

Désert, mais fait de terres nobles,

non de la pierraille du Sertan

 

Mais je ne trahis pas la Méditerranée

ni son atmosphère majeure

en décrivant ses chèvres noires

en termes de celles de Moxotó.

 

(1) Joaquim Cardozo, poète du Pernambouc (cardozo signifie charbon).

 

Traduit du portugais (Brésil) par Alice Raillard et Anny-Claude Basset

Revue Po&sie, N°33

Belin éditeur, 1985

Du même auteur :

« Sur ce papier... » (24/07/2022)

« Cultiver le désert... » (24/07/2023)

Poème(s) de la chèvre  (I)/ Poema(s) da cabra (I) 24/07/2024)

 

Poema(s) da cabra

..........................................

A cabra é trancada por dentro.

Condenada à caatinga sêca.

Liberta, no vasto sem nada,

proibida, na verdura estreita.

 

Leva no prescoço uma canga

que a impede de furar as cercas

Leva os muros do próprio cárcere

prisioneira e carcereira.

 

Liberdade de fome e sêde

da ambulante prisioneira.

Não é que ela busque o difícil :

é que a sabem capaz de pedra.

 

A vida da cabra não deixa

lazer para ser fina ou lírica

(tal o urubu, que em doces linhas

voa à procura da carniça).

 


Vive a cabra contra a pendente,

sem os êxtases das descidas.

Viver para a cabra não é

re-ruminar-se introspectiva.

 


É, literalmente, cavar

a vida sob a superfície,

que a cabra, proibida de folhas,

tem de desentranhar raizes.

 


Eis porque é a cabra grosseira,

de mãos ásperas, realista.

Eis porque, mesmo ruminando,

não é jamais contemplativa.

 


Um núcleo de cabra é visível

por debaixo de muitas coisas.

Com a natureza da cabra

outras aprendem sua crosta.

 


Um núcleo de cabra é visível

em certos atributos roucos

que têm as coisas obrigadas

a fazer de seu corpo couro.

 


A fazer de seu couro sola,

a armar-se em couraças, escamas

como se dá com certas coisas

e muitas condições humanas.

 


Os jumentos são animais

que muito aprenderam da cabra,

O nordestino, convivendo-a,

fez-se de sua mesma casta.

 


O núcleo da cabra é visível

debaixo do homem do Nordeste.

Da cabra lhe vem o escarpado

e o estofo nervudo que o enche.


Se adivinha o núcleo de cabra

no jeito de existir, Cardozo,

que reponta sob seu gesto

como esqueleto sob o corpo.

 

E é outra ossatura mais forte

que o esqueleto comum, de todos ;

debaixo do próprio esqueleto,

no fundo centro de seus ossos.
 

A cabra deu ao nordestino

esse esqueleto mais de dentro :

o aço do osso, que resiste

quando o osso perde seu cimento.


(O Mediterrâneo é mar clássico,

com águas de mármore azul.

Em nada me lembra das águas

sem marca do rio Pajeú.

 

As ondas do Mediterrâneo

estão no mármore traçadas.

Nos rios do Senão, se existe,

a água corre despenteada.


As margens do Mediterrâneo

parecem deserto balcão.

Deserto, mas de terras nobres

não da piçarra do Sertão.


Mas não minto o Mediterrâneo

nem sua atmosfera maior

descrevendo-lhe as cabras negras

em termos das do Moxotó).

Poème précédent en portugais :

Poème(s) de la chèvre (I) / Poema(s) da cabra (I) (24/07/2024)

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