Paul Eluard (1895 – 1952) : l’extase
L’extase
Je suis devant ce paysage féminin
Comme un enfant devant le feu
Souriant vaguement et les larmes aux yeux
Devant ce paysage où tout remue en moi
Où des miroirs s'embuent où des miroirs s'éclairent
Reflétant deux corps nus saison contre saison
J'ai tant de raisons de me perdre
Sur cette terre sans chemins et sous ce ciel sans horizon
Belles raisons que j'ignorais hier
Et que je n'oublierai jamais
Belles clés des regards clés filles d'elles-mêmes
Devant ce paysage où la nature est mienne
Devant le feu le premier feu
Bonne raison maîtresse
Etoile identifiée
Et sur la terre et sous le ciel hors de mon cœur et dans mon cœur
Second bourgeon première feuille verte
Que la mer couvre de ses ailes
Et le soleil au bout de tout venant de nous
Je suis devant ce paysage féminin
Comme une branche dans le feu.
14 novembre 1946
Le Temps déborde
(sous le pseudonyme de Didier Desroche)
Editions Les Cahiers d’Art, 1947
Du même auteur :
l’Aventure (19/05/2014)
Nuits partagées (19/05/2015)
La mort, l'amour, la vie (19/05/2016)
Novembre 1936 (19/05/2017)
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