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Le bar à poèmes
5 novembre 2022

Salah Stétié (1929 - 2020) : L’enfant de cendre

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L’Enfant de cendre

 

I

La rose de ce monde est l’enfant de la nuit

Etablie dans la blancheur du jour

Effacée par le jour

Donnant sa lampe de fraîcheur à tous les arbres

Puis reprise et dévastée par le jour

 

Oh les violons recourbés par les fleuves

Endormis dans de la joliesse et dans la mort

Ainsi que rose obscure ouverte au cœur

Violons sont-ils, gardés par la parole

Comme un excès de neige

 

Les mots, les morts de l’apparue des neiges

Voici leur déchirure

Aveugles de cela que leurs yeux pleurent

Dans un pays de plâtre et de vent nu

Où vient de nuit le songe de l’amour

La terre autour brûlant ses fleurs

 

II

La terre autour, celle qui brûle encore

Est si brûlée par la beauté du site

Qu’elle va avec son âme jusqu’aux fleuves

Serrant son linge d’eau profonde et de pensée

Dans l’éclat tendre de l’éclat comme une feuille

Tremblée brillant dans l’eau soudain très longue

 

Tremblée brillant dans l’eau très longue de l’esprit

 

Comme une feuille est l’eau précieuse et pure

Où vient briller l’étoile insubstantielle

Fille d’octobre et la voici presque verdir

D’être si seule et visitée du froid

A la fenêtre où la galaxie brûle

Et toute neige au fond de ce goudron

 

Feuille de givre et de cassante nuit

Epée de la pierre absolue, notre séjour,

Ce petit bois traversé par les fleuves

Cernant la femme et le museau du sein

Venu brûler la neige en sa brûlure

Puis s’endormant avec les yeux impossibles

 

III

Et l’arc est impossible

Et la flèche est impossible

Et le centre est impossible

Et le cœur est impossible

L’enfant de qui les poumons sont les rosiers

Et la parole où vient s’abriter la neige

L’heureuse courbe de la mort liant la vie

A tout ciel impossible

A la pierre à la pluie

A la pitié de la pierre et de la pluie

A la pierre où toute fin devient pluie

 

IV

... Et le ciel déchiré, l’enfant d’amour

Habitera notre chambre mortelle

Sa gorge en flamme éblouissant les fleuves

Et son amour est un enfant de cendre

Colombe de ma vie étroite femme

Corps inutile et noirci par les fleurs

(« le vent, dit-elle, est le plus triste de nos fils »)

 

Colombe de ma vie étroite flamme

Assise dans les arbres

Sous l’infini de ces étoiles vertes

Adossées à la poussière d’arbre

Et toi dans tout cela

Dans tout cela disant la fin du vent

 

 

L’enfant de cendres

Editions Fata Morgana,1996

Du même auteur :

« Sur le plateau pierreux… » (17/07/2014)

Dormition de la neige (10/05/2021)

La terre avec l’oubli (05/11/2021)

Longue feuille du cristal d’octobre 09/05/2022)

Jardin de l’Un (09/05/2023)

La nuit du cœur flambant (05/11/2023)

L’épée des larmes (09/05/2024)

Cécité du chanteur (05/11/2024)

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