Claudio Rodríguez (1934 -1999) : Comme le bruissement des feuilles du peuplier / « El dolor verdadero no hace ruido... »
Comme le bruissement des feuilles du peuplier
La vraie douleur ne fait pas de bruit :
elle laisse comme un bruissement de feuilles
de peuplier agitées par le vent,
une rumeur intime, d’une vibration
si profonde, si sensible au moindre frôlement,
qu’elle peut devenir solitude, discorde,
injustice ou dépit. Je suis là à écouter
ses murmures qui, loin de troubler,
sont porteurs d’harmonie, si effilés
et subtils, avec un tel son de spacieuse
sérénité en cette fin d’après-midi,
qu’ils sont presque sagesse douloureuse,
résignation pure. Trahison qui est venue
d’un mauvais conseil de la bouche flétrie
de la jalousie. C’est égal. Je suis là à écouter
ce qui me contraint et m’enrichit, au prix
de blessures qui suppurent encore. Douleur que j’entends
avec grand recueillement, comme le frémissement
d’un feuillage, sans chercher ni signes, ni mots
ni sens. Musique seule,
sans énigmes, murmures solitaires qui transpercent
mon cœur, douleur qui est ma victoire.
Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
In, « Poésie espagnole, Anthologie 1945 – 1990 »
Actes Sud / Editions Unesco, 1995
Du même auteur :
Parce que nous ne possédons rien / Porque no poseemos (04/10/2018)
Don de l’ivresse / Don de la ebriedad (04/10/2019)
Etranger / Ajeno (04/10/2020)
L’embauche des gamins / « Qué estáis haciendo aquí?.. » (04/10/2021)
Gestes / Gestos (04/10/2023)
El dolor verdadero no hace ruido.
Deja un susurro como el de las hojas
del álamo mecidas por el viento,
un rumor entrañable, de tan honda
vibración, tan sensible al menor roce,
que puede hacerse soledad, discordia,
injusticia o despecho. Estoy oyendo
su murmurado son que no alborota
sino que da armonía, tan buido
y sutil, tan timbrado de espaciosa
serenidad, en medio de esta tarde,
que casi es ya cordura dolorosa,
pura resignación. Traición que vino
de un ruin consejo de la seca boca
de la envidia. Es lo mismo. Estoy oyendo
lo que me obliga y me enriquece a costa
de heridas que aún supuran. Dolor que oigo
muy recogidamente como a fronda
mecida sin buscar señas, palabras
o significación. Música sola,
sin enigmas, son solo que traspasa
mi corazón, dolor que es mi victoria.
Alianza y condena
Ediciones de la Revista de Occidente, Madrid, 1965
Poème précédent en espagnol :
Carlos Edmundo de Ory : « Il semble que l’homme souffre... » / « Parece ser que el hombre sufre... »
Poème suivant en espagnol :
Monica Mansour: « Je veux écrire des mots d’oiseaux... » / « quiero escribir palabras de ave... » (07/10/2022)