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Le bar à poèmes
4 octobre 2023

Claudio Rodríguez (1934 -1999) : Gestes / Gestos

Claudio-Rodriguez-13-Cuenca-1965-Clara-Miranda[1]Claudio Rodríguez avec son épouse Clara Miranda. Cuenca, 1965.

 

Gestes

 

     Un regard, un geste,

changeront notre race. Quand ma main agit,

avec une absence totale de logique et de mesure,

mais avec une résonnance vagabonde,

et qu’elle tâtonne, cherchant

chaleur et compagnie dans cet espace

où tant d’autres

ont vibré, quel sens

cela-a-t-il ? Combien et combien de gestes

ont passé comme

un rêve matinal. Comme la

grimace familière des figures

de cartes à jouer qui ne laissent,

hormis blessure et baiser, qu’un hasard personnel.

Plus lumineux encore que la parole,

notre geste, comme elle

rongé par le temps, vieux comme la berge

du fleuve, que cela

signifie-t-il ?

Pourquoi déplace-t-il le même air le geste

du don et celui du vol,

celui qui ferme une porte et celui qui l’ouvre,

celui qui allume et celui qui éteint ?

Pourquoi se déploie-t-il pareillement le bras qui sème

et celui qui fauche,

celui de l’amour et celui du crime ?

 

     Nous autres, si gesticulateurs mais si peu gais,

race qui n’a rien su faire

si ce n’est tisser des drapeaux, race de défilés,

de fantaisies, de dynasties,

faisons d’autres marques.

Je n’ai plus besoin de lire dans chaque main, dans chaque

mouvement, comme jadis. Je ne peux plus freiner

la rotation immense de l’étreinte

pour mesurer son orbite

et parcourir sa courbe émouvante.

Non, il est passé le temps

de jeter un regard nostalgique

sur la traînée infinie des pas de l’homme.

Il nous faut beaucoup oublier,

et plus encore espérer. Silencieux

comme le vol du hibou, un geste clair,

celui du simple baptême,

dira, sur un air nouveau,

ma nouvelle signification, son nouvel

usage. Si possible, pour moi seul

je demande, quand mon heure sera venue,

l’heure de regretter tant de gestes chers,

d’avoir la force de les trouver

comme qui trouve le fossile

(ou la mâchoire avec son vibrant baiser)

d’une race éteinte.

 

 

Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet

In, « Poésie espagnole, Anthologie 1945 – 1990 »

Actes Sud / Editions Unesco, 1995

Du même auteur :

Parce que nous ne possédons rien / Porque no poseemos (04/10/2018)

Don de l’ivresse / Don de la ebriedad (04/10/2019)

Etranger / Ajeno (04/10/2020)

 L’embauche des gamins / « Qué estáis haciendo aquí?.. » (04/10/2021)

Comme le bruissement des feuilles du peuplier / « El dolor verdadero no hace ruido... » (04/10/2022)

Un évènement / Un suceso (04/10/24)

 

Gestos

Una mirada, un gesto,

cambiarán nuestra raza. Cuando actúa mi mano,

tan sin entendimiento y sin gobierno,

pero con errabunda resonancia,

y sondea, buscando

calor y compañía en este espacio

en donde tantas otras

han vibrado, ¿qué quiere

decir? Cuántos y cuántos gestos como

un sueño mañanero,

pasaron. Como esa

casera mueca de las figurillas

de la baraja: aunque

dejando herida o beso, sólo azar entrañable.

Más luminoso aún que la palabra,

nuestro ademán, como ella

roído por el tiempo, viejo como la orilla

del río, ¿qué

significa?

¿Por qué desplaza el mismo aire el gesto

de la entrega o del robo,

el que cierra una puerta o el que la abre,

el que da luz o apaga?

¿Por qué es el mismo el giro del brazo cuando siembra

que cuando siega,

el de amor que el de asesinato?



Nosotros, tan gesteros pero tan poco alegres,

raza que sólo supo

tejer banderas, raza de desfiles,

de fantasías y de dinastías,

hagamos otras señas.

No he de leer en cada palma, en cada

movimiento, como antes. No puedo ahora frenar

la rotación inmensa del abrazo

para medir su órbita

y recorrer su emocionada curva.

No, no son tiempos

de mirar con nostalgia

esa estela infinita del paso de los hombres.

Hay mucho que olvidar

y más aún que esperar. Tan silencioso

como el vuelo del búho, un gesto claro,

de sencillo bautizo,

dirá, en un aire nuevo,

su nueva significación, su nuevo

uso. Yo solo, si es posible,

pido, cuando me llegue la hora mala,

la hora de echar de menos tantos gestos queridos,

tener fuerza, encontrarlos

como quien halla un fósil

(acaso una quijada aún con el beso trémulo)

de una raza extinguida.

 

 

Alianza y condena

Ediciones de la Revista de Occidente, Madrid, 1965

Poème précédent en espagnol :

Luis Mizón :  Le songe du figuier en flammes (II-III)) / El sueño de la higuera en llamas (II) (05/08/2023)

Poème suivant en espagnol :

Monica Mansour :Silences de terre / Silencios de tierra (07/09/2023)

 

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