Michel Manoll (1911 – 1984) : Confrontation
Confrontation
J’ai revu la vieille ville de mon adolescence
et la maison où j’écoutais gronder le flot de l’avenir
qui n’a jamais de cesse et toujours recommence.
Tant de ciels migrateurs se sont-ils dispersés
Que je ne retrouve sous mes pas qu’une poussière fanée
Et, au fond de mon cœur, des voix si basses qu’il faut prêter l’oreille pour
les reconnaître ?
Ah ! tout est bien fini,
Les saisons naufragées errent, flocons de suie
Et je ne suis qu’un étranger qui erre et cherche le nom des ruelles ;
Il ne reste de moi que ce que j’apporte aujourd’hui,
Je ne rencontrerai même pas quelqu’un qui se retournera, en disant :
« C’est l’enfant d’autrefois qui chantait dans la nuit. »
J’ai revu la gare et, dans les rangs de ceux qui attendent,
de grands espaces vides,
Et la main de ma mère qui me fait signe dans la salle des pas perdus
de la mort.
Tout est trop triste ici, l’air est semé d’embruns,
Mon nom s’est effacé sur le livre de bord,
Le falot s’est éteint à l’avancée du jour.
Alors, détache-moi de ces ombres traquées
Que nul ne peut rejoindre et ne peut délivrer
Et cherche dans le flux de l’aube qui s’avance
L’impalpable pollen des lointaines années.
Souviens-toi de l’avenir
Editions Jean Germain,1962
Du même auteur :
La flamme en nous qui sombre (05/03/2016)
Service de nuit (06/03/2017)
La maison de la mer (06/03/2018)
A René Guy Cadou (22/04/2020)
Si je ferme les yeux (16/08/2021)