Nizar Quabbani (1923 – 1998) / نـزار قـبـّانـي : Au café
Au café
Non loin de moi, elle prit un siège,
s’y installa sans hâte et fut comme une rose
exposant sa nonchalance
sur la lèvre du vase.
Le papier d’une lettre apparut, humble et soumis,
dans sa main,
moissonnant un reste de sa fidélité.
Ma tasse de café s’échappait, elle, sans cesse,
de ma main,
dans le désir de rejoindre sa tasse.
Ô le tourment infligé par ce capuchon dont le soleil
auréolait sa tête !...
Et ce poudroiement d’or que met en mouvement
l’haleine de l’été !...
Le voyage d’un rayon de lumière
sur son genou
ébranle les fondations de mon âme !
Elle, de sa tasse, humait à loisir
quelques gouttes de café
et moi, j’en buvais au bord
de ses paupières !
Ah, ce récit conté par les deux yeux qui me demandent
d’être son esclave,
comme sont les astres au ciel
en leur perpétuelle ronde !
Chaque fois que je la regarde
longuement, elle rit,
dénudant la blancheur de neige
de ses dents.
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*
Un rendez-vous, Madame ?
Elle sourit
et me montra du doigt
son adresse sur l’enveloppe.
J’y portais mes regards attentifs,
et ne pus rien voir, sauf
la marque du rouge à lèvres
sur sa tasse de café.
Traduit de l’arabe par René R. Khawam
in, « La poésie arabe des origines à nos jours »
Editions Phébus, 1995
Du même auteur :
« Quand je t’ai dit : / « Je t’aime ... » (31/03/2020)
Mots (31/03/2021)
Leçon d’art plastique (31/03/2023)