Le Chatelain de Coucy (1186 – 1203) : « Lorsque l’été et la douce saison... »
Le Châtelain de Coucy, frontispice des Mémoires historiques sur Raoul de Coucy de J. B. de Laborde.
Lorsque l’été et la douce saison
Font feuille et fleur et les prés reverdir,
Et le doux chant des menus oisillons
Fait à plusieurs de joie se souvenir,
Las ! chacun chante, et je pleure et soupire,
Et si n’est pas droiture ni raison,
C’est du moins toute mon intention,
Dame, de vous honorer et servir.
Si j’avais le bon-sens qu’eut Salomon,
Amour me ferait bien pour fol tenir ;
Car tant est forte et cruelle sa prison
Qu’elle me fait essayer et sentir.
Ne me veut à son service retenir
Ni m’enseigner quelle est ma guérison ;
Pourtant j’ai aimé longuement en perte
Et aimerai toujours sans repentir.
Moult m’émerveille pour quelle raison
Elle me fait si longuement languir.
Je sais fort bien qu’elle croit les félons,
Les médisants que Dieu puisse maudire.
Toute leur peine ont mise à me trahir ;
Mais ne leur vaut leur mortelle trahison,
Quand sauront quelle sera ma récompense,
Dame, que j’aime, à qui ne sait mentir...
Si vous daignez ma prière écouter,
Douce Dame, je vous prie et demande
Que vous pensiez à me récompenser :
Ne penserai qu’à bien servir tout temps.
Tous les maux que j’ai me seront néant,
Douce Dame, si me voulez aimer.
En peu de temps pouvez récompenser
Les biens d’amour que j’ai attendus tant.
Traduction de France Igly
In, « Troubadours et trouvères »
Pierre Seghers, 1960
Du même auteur :
« La douce voix du rossignol sauvage... » / « La douce voiz du louseignol sauvage... » (15/03/2021)
« Le temps nouveau ... » / « Li nouviaux tanz...» (15/03/2023)