Dylan Thomas (1914 – 1953) : Le bossu du parc / The hunchback in the park
Le bossu du parc
Le bossu du parc
Un monsieur solitaire
Libérait les eaux et les arbres
Dès que s’ouvrait la serrure
Du jardin qui les retenait
Et jusqu’à la sombre note
De la cloche du dimanche soir.
Mangeant du pain dans du papier journal
Buvant de l’eau dans la coupe enchaînée
Que les enfants remplissaient de gravier
Dans la fontaine du bassin où je lançais mon voilier
La nuit, il dormait dans une niche
Mais personne ne l’enchaînait.
Comme les oiseaux du parc
Il arrivait tôt
Comme l’eau il se tenait assis,
Mais « Monsieur », « Hé, Monsieur »
L’appelaient les enfants échappés de l’école
Et il courait avant même que leurs cris
Lui soient perceptibles.
Passé le lac et les rocailles
Il riait en agitant son journal
Bossu de rire
A travers le zoo bruyant des allées de saules
Evitant le gardien du parc
Et son bâton clouté.
Et ce bon vieux chien
Solitaire entre les cygnes et les nourrices
Tandis que les enfants parmi les saules
Faisaient sauter des tigres de leurs yeux
Et rugissaient sur les rochers
Et que les allées bleuissaient de marins
Faisait, jusqu’à l’heure de la cloche
Surgir une figure de femme sans défaut
Droite comme un jeune orme
Droite et haute, de ses os contrefaits,
Qui pourrait se tenir près de lui
Dans la nuit, après l’heure des chaînes et des serrures.
Toute la nuit dans le parc défait
Après l’heure des grilles et des arbustes
Les oiseaux l’herbe les arbres le lac
Et les libres enfants innocents comme les fraises
Avaient suivi le bossu du parc
Dans son chenil dans le noir.
Traduit de l’anglais par Alain Suied
In, Dylan Thomas : « Visions et Prière et autres poèmes »
Editons Gallimard (Poésie),1991
Le bossu du parc
Le bossu du parc
Un monsieur solitaire
Calé entre les arbres et l’eau
Dès l’ouverture de la serrure du jardin
Qui fait entrer les arbres et l’eau
Jusqu’à la cloche du soir sinistre comme dimanche
Mangeant du pain dans un journal
Buvant de l’eau dans la tasse enchaînée
Que les enfants remplissaient de cailloux
Dans la vasque de la fontaine où je faisais naviguer mon bateau
Dormait la nuit dans une niche à chien
Mais personne ne l’enchaînait
Comme les oiseaux du parc il venait tôt
Comme l’eau il s’asseyait
Et m’sieu ils appelaient hé m’sieu
Les garnements de la ville
S’enfuyant quand il les avait clairement entendus
Hors de portée de voix
Dépassant le lac et la rocaille
Riant quand il brandissait son journal
Imitant sa bosse pour se moquer
Traversant le zoo sonore des bosquets de saules
Evitant le gardien du parc
Avec son bâton à ramasser les feuilles.
Et le vieux dormeur chien
Seul entre les nourrices et les cygnes
Tandis que les enfants parmi les saules
Faisaient bondir les tigres de leurs yeux
Et rugir sur les pierres sur la rocaille
Et que les bosquets étaient bleus de matelots
Composait tout le jour jusqu’à l’heure de la cloche
Une silhouette de femme sans défaut
Droite comme un jeune orme
Droite et haute à partir de ses dos tordus à lui
Afin qu’elle se tienne debout dans la nuit
Après que serrures et chaînes
Toute la nuit dans le parc décomposé
Après que les grilles et les arbustes
Les oiseaux l’herbe les arbres le lac
Et les fougueux enfants innocents comme les fraises
Avaient suivi le bossu
Jusqu’à sa niche dans le noir.
Traduit de l’anglais par Adolphe Haberer
In, « Anthologie bilingue de la poésie anglaise »
Editions Gallimard, (La Pléiade), 2005
Du même auteur :
La lumière point là où le soleil ne brille pas (04/02/2015)
La colline aux fougères / Fern Hill (22/03/2016)
« Surtout quand le vent d’octobre… » / Especially when the October wind…” (30/12/2017)
De son anniversaire / On his birhtday (30/12/2018)
“ La force qui pousse la fleur... ”/ “ The force that through the green…” (30/12/2019)
Amour dans l’asile / Love in the asylum (30/12/2021)
« Reste immobile, dors dans l’accalmie... » / « Lie still, sleep becalmed... » (31/12/2022)
« N’entre pas sans violence... » / « Do not go gentle... » (31/12/2023)
Sur la colline de Sir John / Over Sir John's hill (31/12/2024)
The hunchback in the park
The hunchback in the park
A solitary mister
Propped between trees and water
From the opening of the garden lock
That lets the trees and water enter
Until the Sunday sombre bell at dark
Eating bread from a newspaper
Drinking water from the chained cup
That the children filled with gravel
In the fountain basin where I sailed my ship
Slept at night in a dog kennel
But nobody chained him up.
Like the park birds he came early
Like the water he sat down
And Mister they called Hey mister
The truant boys from the town
Running when he had heard them clearly
On out of sound
Past lake and rockery
Laughing when he shook his paper
Hunchbacked in mockery
Through the loud zoo of the willow groves
Dodging the park keeper
With his stick that picked up leaves.
And the old dog sleeper
Alone between nurses and swans
While the boys among willows
Made the tigers jump out of their eyes
To roar on the rockery stones
And the groves were blue with sailors
Made all day until bell time
A woman figure without fault
Straight as a young elm
Straight and tall from his crooked bones
That she might stand in the night
After the locks and chains
All night in the unmade park
After the railings and shrubberies
The birds the grass the trees the lake
And the wild boys innocent as strawberries
Had followed the hunchback
To his kennel in the dark.
Death and Entrances
J.M. Dent & Sons LTD, 1946
Poème précédent en anglais :
Alicia Suskin Ostriker : Huitième et treizième / The Eighth and Thirteenth (03/12/2020)
Poème suivant en anglais :
Lawrence Ferlinghetti (1919 -) : Un Coney Island de l’esprit (1 – 6) /A Coney Island of the mind (1 – 6) (19/01/2021)