Ilarie Voronca (1903 – 1946) : « Quand nos âmes seront réunies... »
VIII
Quand nos âmes seront réunies depuis des milliers d’années
Et que nous pèserons moins que des nuages sur la cime des montagnes
Quand, même la faible lumière du couchant fera frissonner les feuilles
Plus que ne le feront nos souffles aériens dans les branches.
Sans espace et sans temps. Transparents l’un dans l’autre
Chacun de nous étant l’autre enfin et lui-même
Je t’implorerai soudain : montre-moi un instant
En la forme que j’adorais autrefois sur la terre.
Oui, reprends pour un instant l’apparence visible
Ton visage qui était le parfum de ton âme
Ton rire dessinant ta bouche en ma mémoire
L’air aimait tant ton corps qu’il en gardait l’empreinte.
Ce que ton âme a pu oublier, mon amour se le rappelle
Et ainsi voletant parmi l’immense brume
Tes cheveux tes épaule sortiront de ton âme
Comme un insecte aux ailes inachevées d’une chrysalide.
Peu à peu les contours se préciseront. Ce sera
Cette promenade un soir dans le quartier de Paris
Nous voici dans le parc Montsouris sur un banc
La ville autour de nous déploie ses voiles
La mort n’aura connu nulle eau royale
Pour altérer l’or de ta face
Nulle destruction n’aura touché ton corps
C’est en vain que la mort demandera son salaire
Et pareilles aux bonnes qui devisent tranquillement
En surveillant les enfants qui jouent sur l’allée
De loin nos âmes regarderont indulgentes nos corps
Enlacés sur un banc dans l’éternel instant.
(Amoureux exil)
Contre-solitude
Editions Bordas, 1946
Du même auteur :
Mon peuple fantôme (08/06/2015)
Eloge du silence (08/06/2016)
Fragments (08/06/2017)
Mes amis, mes montagnes (08/06/2018)
Amitié du poète (08/06/2019)
A l’inconnue (08/06/2021)
« Sous nos fenêtres les jardins... » (02/12/2021)
Campagne (08/06/2022)
Le bal des coraux / Balul coraliilor (08/06/2023)