Louis Aragon (1897 – 1982) : Air du temps
Air du temps
Nuage
Un cheval blanc s’élève
et c’est l’auberge à l’aube où s’éveillera le premier venu
Vas-tu traîner toute ta vie au milieu du monde
à demi mort
à demi endormi
Est-ce que tu n’es pas fatigué des lieux communs
Les gens te regardent sans rire
Ils ont des yeux de verre
Tu passes Tu perds ton temps. Tu passes
Tu comptes jusqu’à cent et tu triches pour tuer dix secondes encore
Tu étends le bras longuement pour vieillir
N’aie pas peur
Un jour ou l’autre
il n’y aura plus qu’un jour et puis un jour
et puis ça y est
plus besoin de voir les hommes
Ni ces bêtes à Bon Dieu qu’ils caressent de temps en temps
Plus besoin de parler tout seul la nuit pour ne pas entendre les plaintes de la
cheminée
Plus besoin de soulever mes paupières
ni de lancer mon sang comme un disque
ni de respirer malgré moi
Pourtant je ne désire pas mourir
Le grelot de mon cœur chante à voix basse un espoir très ancien
Cette musique Je sais bien Mais les paroles
Que disaient au juste les paroles
Imbécile
In, revue « aventure, N°1, novembre », 1921
Du même auteur :
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