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Le bar à poèmes
20 janvier 2020

Felix Grande (1937 – 2014) : Madrigal

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Madrigal

 

Parole, douce et triste personne, et petite,

Douce et triste vieille chérie, je te caresse,

Moi, vieillard comme toi, de ma langue flétrie,

La vieillesse et l’amour apaisant notre vice.

 

Parole, ma compagne, tu me donnes la main,

Corde, tu me retiens chaque fois que je sombre ;

Tu viens à mon appel et je vois que tu m’aimes,

Essayant d’édifier un monde dans le mien.

 

Ma petite fourmi, j’use de toi pour vivre ;

Et sans toi je ne sais ce que serait ma vie,

Sans doute une musique inaudible, muette,

Une boîte brûlée et vide d’allumettes.

 

Mon allumette à moi, tu es pareille à celle

Que j’allume le soir, qui répande sa lueur,

M’aide à aller au lit, à y voir, oui comme elle ;

Sans toi qu’il serait dur d’arriver à la mort.

 

Mais je t’ai, et tu m’aides à traverser la chambre,

Depuis la porte d’enfant jusqu’au lit, cet ancien ;

Grâce à toi ma veillée en vibration se change

Et ma nuit a l’éclat du jour et du matin.

 

Grâces te soit rendues, oui grâces, ma fourmi,

Maintenant que le fleuve est monté à l’alcôve.

Après, la mer ; tous deux, nous noyons la fatigue

Atteignant, embrassés, la gloire du néant.

 

Traduit de l’espagnol par Nadine Ly

in « Anthologie bilingue de la poésie espagnole »,

Editions Gallimard (La Pléiade), 1995

Du même auteur :« S’asseoir ici ... » / « Sentarse aquí ... » (20/01/2019)

 

Madrigal

 

Palabra, dulce y triste persona pequeñita,

Dulce y triste querida vieja, yo te acaricio,

Anciano como tú, con la lengua marchita,

Y con vejez y amor aclamo nuestro vicio.

 

Palabra, me acompañas, me das la mano, eres

Maroma en la cintura cada vez que me hundo;

Cuando te llamo veo que vienes, que me quieres,

Que intentas construirme un mundo en este mundo.

 

Hormiguita, me sirvo de ti para vivir;

Sin ti, mi vida yo no sé lo que sería,

Algo como un sonido que no se puede oír

O una caja de fósforos requemada y vacía.

 

Eres una cerilla para mí, como ésa

Que enciendo por la noche y con la luz que vierte

Alcanzo a ir a la cama viendo un poco, como ésa;

Sin ti, sería tan duro llegar hasta la muerte.

 

Pero te tengo, y cruzo contigo el dormitorio

Desde la puerta niña hasta la cama anciana;

Y, así, tiene algo de pálpito mi puro velatorio

Y mi noche algo tiene de tarde y de mañana.

 

Gracias sean para ti, gracias sean, mi hormiga,

Ahora que a la mitad de la alcoba va el río.

Después, el mar; tú y yo ahogando la fatiga,

Alcanzando abrazados la fama del vacío.

 

Las piedras,

Ediciones Rialp (Adonais), Madrid, 1964

 

Poème précédant en espagnol :

Federico Garcia Lorca : « Gacela » de la mort obscure / Gacela de la muerte obscura (19/12/2019)

Poème suivant en espagnol :

José Gutiérrez :La solitude de la mer est le meilleur exil /La soledad del mar es el mejor exilio (03/02/2020)

 

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