Felix Grande (1937 – 2014) : « S’asseoir ici ... » / « Sentarse aquí ... »
S’asseoir ici, à l’heure où
l’après-midi s’achève.
Sentir que la distance s’incorpore
à la conscience ; là, où l’éternité résonne.
Regarder. Et à présent,
s’acquitter de ce métier, si profond :
toujours regarder, regarder le monde,
y songer, l’aimer, aimer, songer, aimer.
Voir la colline ; la voir vraiment.
Le mont, le chemin, la terre, le genêt :
tout voir... Voir la leçon de l’horizon :
son sourire de flamme.
Pourquoi cet éclat de l’après-midi ?
Est-ce la vielle pulsation du temps ?
L’heure dorée ? L’amitié passionnée
de la lumière et des ormes ? Ou l’élan
du regard déjà presque terrestre ?
Ah, sentir le fond de l’âge, et le feu
de se sentir coexistant avec le non-être.
Voir la passion sévère des sommets.
S’émouvoir, oui ; regarder et voir.
Etre ému devant ce qui est si bref,
si profondément aimé.
Evoquer le maître, ici, affrontant
la neige calme du Guadarrama paisible.
Traduit de l’espagnol par Jacinto Luis Guereña
in, « Anthologie bilingue de la poésie espagnole contemporaine »
Gérard &C°, éditeurs (Marabout université), Verviers (Belgique), 1969
Du même auteur : Madrigal (20/01/2020)
Sentarse aquí, esta hora
de la tarde que abdica.
Sentir que la distancia se incorpora
dentro de la consciencia y ahí repica
a eternidad.
Mirar.
Cumplir hoy este officio tan profundo :
mirar, mirar el mundo,
pensario, amarlo, amar, pensar, amar.
Ver la colina ; verla bien.
El monte, el camino, la tierra, la retama :
verlo ... Ver la lección del horizonte :
su sonrisa de llama.
¿ Qué hace brillar la tarde ? El viejo pulso
del tiempo ? ¿ la hira del oro ? ¿ La amistad
apasionada de la luz y los olmos ? ¿El impulso
casi de tierra ya de la mirada ?
Sentir el fondo de la edad ; la lumbre
del ser junto al no ser.
Ver la pasión severa de la cumbre.
Emocionarse, sí ; mirar y ver.
Emocionarse ante esto que es tan breve
y que tanto se ama.
Recordar al maestro aquí frente a la nieve
serena del sereno Guadarrama.
Poème précédent en espagnol :
Francisco de Quevedo y Villegas : A Rome, ensevelie sous les ruines / A Roma sepultada en sus ruinas (11/01/2019)
Poème suivant en espagnol :
Octavio Paz : La fille et le printemps / Primavera y muchacha (10/02/2019)