Jacques Lovichi (1937 – 2018) : Luberons
Luberons
à Robert Sabatier
I
Il y aurait une plaine au Sud
immense frémissante sous les feux
d’herbe
avec sur l’horizon une ligne de collines bleues
et dans l’éloignement palpiteraient
- comme au lit du torrent des lames de mica –
les ternes brillances des serres.
Océan des vignes
pour combien de temps encore ?
II
La falaise se creuse en ruche sauvage
des étais la défendent contre la patience
de l’érosion.
Ici furent les purs qui ne sont plus que cendre.
Le calcaire chuchote un psaume de bataille.
Alvéoles glacées où pourtant bat
toujours la vie :
Résister jusqu’au dernier souffle.
III
Au fond de la combe l’eau secrète
lustrale et pure et qui ne se révèle
que par la libellule noire
un instant comme
suspendue.
IV
Les origines sont inscrites dans
la roche friable qui livre un peu plus
chaque jour
ses secrets d’algues et de coquilles.
Le vent fait chanter la garrigue
l’air embaume le romarin
un merle crie dans l’épaisseur des feuilles.
Ici pourtant était la mer.
V
Sur le flanc escarpé s’écoulent les murettes
par vagues successives et maladroites
un peu.
Immobile dérive.
Deux coups de feu cassent les cimes.
La nuit vient.
VI
Il y aura une montagne au nord
noire et violente sous l’orage
avec des écharpes de brume
des fragrances de sauvagine
et des remous d’ombre nocturne.
Vers cinq heures nous aurons froid.
Cabrières d’Aigues, 1980
Les derniers retranchements. Poèmes
Le cherche-midi éditeur, 2002
Du même auteur :
La sourde oreille (17/10/2014)
Ne variatur ou l’avant-dernière lettre d’Ephèse (17/10/2015)
Le combat avec l’ange (17/10/2016)
Mourir dans l’île (17/10/2017)
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