Henri Capieu (1909 – 1993) : Adam et Eve
Adam et Eve
Devant la porte d’or les deux visages s’ajustent l’un à l’autre et chacun est pour
l’autre le joyau et l’écrin.
Les deux faces font une seule médaille, une seule ressemblance, reposant au
creux de la main qui les pèse
Les deux regards se répondent, les inconnus se reconnaissent dans cette clarté
entre eux jaillie ;
La main accueille la main et découvre une chair plus proche et plus précieuse
que la sienne, car elle est faite pour lui être donnée.
Maintenant c’est le premier pas, celui qui fait entrer au premier domaine et les
bras commencent l’étreinte qui lie et qui libère,
Chaque tête au creux de l’épaule avancée, chaque bouche posée sur la rosée de
l’autre, les deux corps ne sont plus qu’une seule stature,
Sous la parure unique du soleil, dans l’éblouissante nudité de la pudeur,
Afin qu’il n’y ait plus désormais, du ciel au feuillage, d’autre mesure que le
regard de l’amour.
« Ainsi je te salue, ô mon autre et plus cher moi-même, chair plus tendre que
l’eau vive et plus ferme que la terre ;
Tes seins vont mûrir sous mes paumes, tes yeux sous mes yeux épanouir leur
été, tes jambes nouer aux miennes une caresse croisée,
Afin que le désir soit amour et que l’amour reste désir, l’apaisement attente, et
que le monde autour de nous reste un jardin. »
« Et moi je te salue, mon aimé plus fort que le chêne, mon amour plus doux
que le vin, car tes bras vont garder ma faiblesse,
Ma faiblesse rire au cœur de ta force quand le chant de nos voix confondues
alternera chaque jour avec le silence enchanté de l’amour. »
De sable et de désir
Editions Buchet-Chastel, 1976