Angel González (1925 - 2008) : Le vaincu / El derrotado
Le vaincu
Loin derrière sont les décombres :
ta maison, en pans fumants,
les étés incendiés, le sang séché,
ta maison , et ton sang où s’abat
- comme un dernier vautour –
le vent.
Toi tu vas de l’avant, tu t’achemines
vers l’avenir, ce temps qui mérite son nom.
Tu t’en vas parce que tu n’as plus rien,
tu n’as plus de patrie (et tu n’en auras plus)
car ton cœur déshabillé
ne peut plus s’enraciner nulle part.
Bien que ce soit très simple,
tu ne pourras jamais plus franchir une grille
et ne diras : « bonjour,
mère ».
Tu ne le pourras jamais plus :
même si la journée est vraiment bonne,
même si l’aire est couverte de gerbes,
même si les arbres allongent vers toi
leurs branches lourdes
pour t’offrir des fruits
où l’ombre douce à ton repos.
Traduit de l’espagnol par Jacinto Luis Guereña
In, « Anthologie bilingue de la poésie espagnole contemporaine »
Gérard & C°, (Marabout Université), Verviers (Belgique), 1969
Du même auteur :
Monde inquiétant (18/05/2015)
Synesthésie (18/05/2016)
Anniversaire d’Amour / Cumpleaños de amor (18/05/2017)
Ce sont les mouettes, mon amour / Son las gaviotas, amor. (18/05/2018)
Qu’y pouvons-nous ? (18/05/2020)
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Tout cela n’est rien / Esto no es nada (18/05/2022)
Rien n’est pareil / Nada es lo mismo (18/05/2023)
Eté à bidonville (18/05/2024)
El Derrotado
Atrás quedaron los escombros:
humeantes pedazos de tu casa,
veranos incendiados, sangre seca
sobre la que se ceba - último buitre -
el viento.
Tú emprendes viaje hacia adelante, hacia
el tiempo bien llamado porvenir.
Porque ninguna tierra
posees,
porque ninguna patria
es ni será jamás la tuya,
porque en ningún país
puede arraigar tu corazón deshabitado.
Nunca -y es tan sencillo-
podrás abrir una cancela
y decir, nada más: «buen día,
madre».
Aunque efectivamente el día sea bueno,
haya trigo en las eras,
y los árboles
extiendan hacia ti sus fatigadas
ramas, ofreciéndote
frutos o sombra para que descanses.
Sin esperanza, con convencimiento
Colliure (Barcelona), 1961
Poète précédent en espagnol :
José Hierro: « J’aimerais, ce soir... / Quisiera esta tarde... » (25/04/2019)
Poème suivant en espagnol :
Jean de La Croix / Juan de La Cruz : Flamme vive d’amour / llama de amor viva (27/05/2019)