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Le bar à poèmes
18 mai 2024

Angel González (1925 - 2008) : Eté à bidonville

 

Eté à bidonville

 

Langueur des choses subalternes,

inutiles objets, oubliés,

grises

plates-formes de la poussière

quotidienne,

carreaux sales face à de troubles cieux,

contre lesquels les chats

miaulent, dorment, s’ennuient,

promenant

leur félin mépris, leur torve

désinvolture, leur anguleuse

structure hérissée, sur le toit

moussu et paisible comme

un pré.

 

C’est là, sur cette chaise basse, que

l’enfant

              boiteux

                           s’est assis

pour regarder les pigeons...

 - Quels pigeons ? Non, voyons.

Je me trompais :

pour voir

les papiers sombres presque blancs

soulevés par le vent

emportés

- il va pleuvoir – dans le souvenir

d’un vol sale, inutile, raté.

 

Pour voir la chèvre mangeuse d’arbres

attachée à un arbre vermoulu et flasque,

pour goûter dans la salive la poussière,

pour entendre les grillons mis en cage

dans leur prison de fil de fer et de bois,

pour fermer les yeux éblouis

sous l’éclat violent et soudain

du soleil reflété dans les carreaux cassés,

pour sentir les ongles du soir

se planter dans ses légères, blanches paupières,

et ensuite ouvrir les yeux, et...

                                                    Silence.

 

La ville se jette sur les champs

laissant sur leurs rives jaunes,

dans la poussière d’aujourd’hui qui sera boue

plus tard,

les pauvres épaves d’un naufrage

aux colossales dimensions : des milliers

d’hommes survivent. Des ustensiles, des objets

– comme eux brisés, comme eux

rouillés –

flottent çà et là, ou bien reposent

comme eux, sauvés

pour le moment – pour le moment ? - sur cette terre.

 

Demain est une mer profonde qu’il faut traverser à la nage.

 

Traduit de l’espagnol par François Lopez et Robert Marrast

In, « La poésie ibérique de combat. Anthologie »

Editions Pierre Jean Oswald, 14600 Honfleur

Du même auteur :

Monde inquiétant (18/05/2015)   

Synesthésie (18/05/2016)

Anniversaire d’Amour / Cumpleaños de amor (18/05/2017)

Ce sont les mouettes, mon amour / Son las gaviotas, amor. (18/05/2018)

Le vaincu / El derrotado (18/05/2019)

Qu’y pouvons-nous ? (18/05/2020)

Sonnet / Soneto (18/05/2021)

Tout cela n’est rien / Esto no es nada (18/05/2022)

Rien n’est pareil / Nada es lo mismo (18/05/2023)

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