Michel Houellebecq (1956 -) : Différenciation rue d’Avron
Différenciation rue d’Avron
Les débris de la vie s’étalent sur la table :
Un paquet de mouchoirs à moitié entamé,
Un peu de désespoir et le double des clés ;
Je me souviens que tu étais très désirable.
Le dimanche étendait son voile un peu gluant
Sur les boutiques à frites et les bistrots à nègres ;
Pendant quelques minutes nous marchions, presque allègres
Et puis nous rentrions pour ne plus voir les gens
Et pour nous regarder pendant des heures entières ;
Tu dénudais ton corps devant le lavabo
Ton visage se ridait mais ton corps restait beau
Tu me disais : « Regarde-moi. Je suis entière,
Mes bras sont attachés à mon torse, et la mort
Ne prendra pas mes yeux comme ceux de mon frère,
Tu m’as fait découvrir le sens de la prière,
Regarde-moi, regarde. Mets tes yeux sur mon corps. »
Le sens du combat
Editions Flammarion, 1996
Du même auteur :
« Est-il vrai … » (06/10/2014)
Fin de soirée (06/10/2015)
« Mon corps est comme un sac… » (06/10/2016)
« Le jour monte et grandit… » (06/10/2017)
Le train de Crécy-la-Chapelle (22/12/2023)