Francisco Brines (1932 -) : Se regardant dans la fumée / Mirándose en el humo
Se regardant dans la fumée
Quand l’homme a planté son menton dans sa main
et fermé les yeux pour voir
la fumée de sa vie,
il n’a vu qu’une succession de gestes, de pas fatigués,
des ombres,
des ombres :
là-bas, en un point de sa vie, une terreur,
et, plus terrible encore, les joies maintenant vaines.
Si quelques ombres luttent pour retrouver une forme
(elles, qui furent pour lui plus vivantes
que sa propre vie),
dans sa mémoire le temps les terrasse.
Il ouvre les yeux autour de sa chambre,
il fait nuit noire.
Puis il laisse retomber son menton brumeux
sur la ruine de sa main.
De toute cette vaine traînée de poudre
il ne subsiste qu’une douleur
qui, dans sa poitrine, rompt les chaînes d’un animal de feu.
La vie continue de mordre,
tandis que l’ombre du soir vient
pour éteindre sa peine,
sa vie entière.
Et un courant d’air qui entre chasse la fumée.
Traduit de l’espagnol par Claude de Freyssinet
In, « Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990 »
Actes Sud / Editions Unesco, 1995
Du même auteur :
Se regardant dans la fumée / Mirándose en el humo (11/05/2017)
Le pacte qui me reste (11/05/2019)
« Le balcon donne sur le jardin... » / « El balcón da al jardín... » (11/05/2020)
Scène secrète (11/05/2021)
Vers épiques / Versos épicos (11/05/2022)
L’œil solitaire de la nuit (11/05/2023)
Epiphanie romaine (11/05/2024)
Mirándose en el humo
Así que el hombre ha hundido su barbilla en la mano,
y ha cerrado los ojos para ver
el humo de su vida,
tan sólo ha visto sucesión de gestos, cansados pasos,
sombras
y sombras:
allá, en un punto de su vida, algún terror,
y, más terrible aún, las alegrías ahora vanas.
Y a unas sombras que pugnan por formar de nuevo el bulto
(son las que fueron para él más vivas
que aquella misma vida suya),
en la memoria las derriba el tiempo.
Abre los ojos, en torno a su cuarto,
y es noche oscura.
De nuevo deja la barbilla humosa
caer en el estrago de la mano.
De toda aquella vana polvareda
sólo un dolor pervive,
que rompe las cadenas, en su pecho, de una bestia de fuego.
La vida muerde aún,
mientras la sombra de la tarde viene
para apagarle su dolor,
su vida toda.
Y un aire llega que deshace el humo.
Palabras a la oscuridad
Insula, Madrid, 1966
Poème précédent en espagnol :
Miguel Angel Asturias : Marimba jouée par les Indiens /Marimba tocada por indios (06/05/2017
Poème suivant en espagnol :
Ángel González: Anniversaire d’Amour / Cumpleaños de amor (18/05/2017)