Jean-Pierre Duprey (1930 – 1959) : Une rivière coulait au milieu d’un bois
Une rivière coulait au milieu d’un bois
I
Première nuit
Enfin, j’ai retrouvé mon élément !
C’est l’heure où le crépuscule des marécages s’arrache à son
sommeil et dételle sa barque de la berge. Un lapin fabuleux jaillit
d’on ne sait où, fumant des tiges de roses. Nous lui demandons un
peu de son tabac. Quand au reste, nous le laissons aux petits oiseaux.
II
Deuxième nuit
Ai-je dormi depuis le déluge ? suis-je bien intact ? bien correct ?
J’ai désappris le langage du monde mais j’aime tant celui des fleurs.
Je pars, camarade, adieu à tous, les convulsions folles m’ont pris
ce matin et, sans desserrer les lèvres, la pluie m’a traîné par son licol !
III
Troisième nuit
Ah misère ! cette vie est si profonde qu’on ne distingue rien. Mais
non, je ne lâcherai pas, la voir est un trop beau film ! Que voulez-vous,
j’aime çà ! Qu’on dise après que je ne suis pas romantique.
(21 février 1946)
Revue « Seine, N°3 »
76000 Rouen, 1946
Du même auteur :
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Le condamné à vivre (13/12/2018)
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