Les oiseaux – dieux

Tous les oiseaux de foi, heureux par habitude,

merveilleux par contrainte, brûlants à l’œil

comme une peine de sorcellerie, sont dieux.

Le ciel était couché dans un mauvais silence,

Les oiseaux y passaient comme une vague de froid,

Ils volaient comme on vole dans la souffrance,

Comme une nuit échappée de son poids.

Ils étaient si nombreux qu’on n’apercevait d’eux

Que les plumes volantes des plus petits

Dont les fées chercheront à se faire un habit

Quand le gel aura pris la teinte de leurs yeux.

Et je me dis : ils vont peut-être au paradis

Cat ils ont sur leurs ailes un signe de profondeur, 

C’est peut-être des dieux qui finissent leur temps

Ou bien des anges en mal de pécheurs

Et ceux qui tomberont seront pris dans le vent

pour eux les mers ?

Ils passeront la vie et ses crises de larmes,

Laissant s’éparpiller l’essence de leurs joies

A tous les anges qui en voudront le poids

Pour enfoncer la porte du mystère.

Mais après le cri d’amour rituel,

Comme ils s’étaient couvert la tête de leurs plaies,

Nous vîmes la souffrance refermer ses blessures

Et sous la nudité mouvante de leurs ailes

La mort remplaça la plus puissante armure.

Et laissant leurs corps vide aux chasseurs de plaine

Ils s’envolèrent comme un cri sans réponse.

Ils partirent fidèles à leurs vœux de puissance

D’être des dieux trop purs pour entrer dans un corps.

(Janvier 1947)

Oeuvres complètes 

Christian Bourgois éditeur, 1990

Du même auteur : 

Une rivière coulait au milieu d’un bois (13/12/2016)

Où que j’erre (13/12/2017)

Le condamné à vivre (13/12/2018)

Foi, les choses (13/12/2019)

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