Robert Desnos (1900 – 1945) : O douleurs de l’amour !
O douleurs de l’amour !
O douleurs de l’amour !
Comme vous m’êtes nécessaires et comme vous m’êtes chères.
Mes yeux qui se ferment sur des larmes imaginaires, mes mains
qui se tendent sans cesse vers le vide.
J’ai rêvé cette nuit de paysages insensés et d’aventures dangereuses
aussi bien du point de vue de la mort que du point de vue de la
vie
qui sont aussi le point de vue de l’amour.
Au réveil vous étiez présentes, ô douleurs de l’amour, ô muses du
désert, ô muses exigeantes.
Mon rire et ma joie se cristallisent autour de vous. C’est votre fard,
c’est votre poudre, c’est votre rouge, c’est votre sac de peau de
peau de serpent, c’est vos bas de soie
et c’est aussi ce petit pli entre l’oreille et la nuque, à la naissance du
cou
c’est votre pantalon de soie et votre fine chemise
et votre manteau de fourrures
votre ventre rond
c’est mon rire et mes joies
vos pieds
et tous vos bijoux
En vérité comme vous êtes bien vêtue et bien parée.
O douleurs de l’amour, anges exigeants, voilà que je vous imagine
à l’image même de mon amour
que je vous confonds avec lui
O douleurs de l’amour, vous que je crée et habille
vous vous confondez avec mon amour dont je ne connais que les
vêtements et aussi les yeux, la voix, le visage, les mains, les
cheveux, les dents, les yeux.
Poèmes à la mystérieuse
In, Revue « La Révolution surréaliste, N° 7, 15 Juin 1926 »
Du même auteur :
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