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Le bar à poèmes
20 juin 2016

Fernando Pessoa (1888 – 1935) : Passage des heures / Passagem das horas

Fernando_Pessoa_crono_1_

 

Passage des heures

25 mai 1916

Je porte dans mon cœur

comme dans un coffre impossible à fermer tant il est plein,

tous les lieux que j’ai hantés,

tous les ports où j’ai abordé,

tous les paysages que j’ai vus par des fenêtres ou des hublots,

ou des dunettes, en rêvant,

et tout cela, qui n’est pas peu, est infime au regard de mon désir.

 

L’entrée de Singapour, au petit jour, de couleur verte,

le corail des Maldives dans la touffeur de la traversée,

Macao à une heure du matin… Tout à coup je m’éveille…

Yat-lô-lô- lô-lô - lô-lô- lô…Ghi …

Et tout cela résonne en moi du fond d’une autre réalité…

L’allure nord-africaine quasiment de Zanzibar au soleil…

Dar es-Salam (la sortie est difficile…)

Majunga, Nossi-Bé, Madagascar et ses verdures…

Tempêtes à l’entour de Guardafui…

Et le cap de Bonne-Espérance, net dans le soleil du matin…

Et la ville du Cap avec la Montagne de la Table au fond…

 

J’ai voyagé en plus de pays que ceux où j’ai touché,

vu plus de paysages que ceux sur lesquels j’ai posé les yeux,

expérimenté plus de sensations que toutes les sensations que j’ai

     éprouvées,

car, plus j’éprouvais, plus il me manquait à éprouver,

et toujours la vie m’a meurtri, toujours elle fut mesquine, et moi

     malheureux

 

A certains moments de la journée il me souvient de tout cela, dans

     l’épouvante,

je pense à ce qui me restera de cette vie fragmentée, de cet apogée,

de cette route dans les tournants, de cette automobile au bord du

     chemin, de ce signal,

de cette tranquille turbulence de sensations contradictoires,

de cette transfusion, de cet insubstanciel, de cette convergence diaprée,

de cette fièvre au fond de toutes les coupes,

de cette angoisse au fond de tous les plaisirs,

de cette satiété anticipée à l’anse de toutes les tasses,

de cette partie de cartes fastidieuse entre le Cap de Bonne-Espérance et

     les Canaries

 

La vie me donne-t-elle trop ou bien trop peu ?

Je ne sais si je sens trop ou bien trop peu, je ne sais

s’il me manque un scrupule spirituel, un point d’appui sur l’intelligence,

une consanguinité avec le mystère des choses, un choc

à tous les contacts, du sang sous les coups, un ébranlement sous l’effet

     des bruits,

ou bien s’il est à cela une autre explication plus commode et plus heureuse.

 

Quoi qu’il en soit, mieux valait ne pas être né,

parce que, toute intéressante qu’elle est à chaque instant,

la vie finit par faire mal, par donner la nausée, par blesser, par frotter,

     par craquer,

par donner envie de pousser des cris, de bondir, de rester à terre, de sortir

de toutes les maisons, de toutes les logiques et de tous les balcons,

de bondir sauvagement vers l a mort parmi les arbres et les oublis,

parmi culbutes, périls et absence de lendemain,

et tout cela aurait dû être quelque chose d’autre, plus semblable à ce que

     je pense,

avec ce que je pense ou éprouve, sans que je sache même quoi, ô vie.

 

On a chassé le bouffon du palais à coups de fouets, sans raison,

on a fait lever le mendiant de la marche où il était tombé.

On a battu l’enfant abandonné, on lui a arraché le pain des mains.

Oh, douleur immense du monde, où l’action se dérobe…

Si décadent, si décadent, si décadent…

Je ne suis bien que lorsque j’entends de la musique – et encore…

Jardins du dix-huitième siècle avant 89

où êtes-vous, moi qui n’importe comment voudrais pleurer ?

Tel un baume qui ne réconforte que par l’idée que c’est un baume,

Le soir d’aujourd’hui et de tous les jours, peu à peu, monotone, tombe.

 

On a allumé les lumières, la nuit tombe, la vie se métamorphose,

N’importe comment, il faut continuer à vivre.

Mon âme brûle comme si c’était une main, physiquement.

Je me cogne à tous les passants sur le chemin.

Ma propriété de campagne,

dire qu’il est entre toi et moi moins qu’un train, qu’une diligence

     et que la décision de partir

si bien que je reste sur place, je reste… Je suis celui qui veut toujours partir

et qui toujours reste, toujours reste, toujours reste –

jusqu’à la mort physique il reste, même s’il part, il reste, reste, reste…

 

Rends-moi humain, ô nuit, rends-moi fraternel et empressé,

ce n’est que de façon humanitaire qu’on peut vivre.

Ce n’est qu’en aimant les hommes, les actions, la banalité des travaux

ce n’est qu’ainsi – pauvre de moi ! - ce n’est qu’ainsi que l’on peut  vivre.

Ce n’est qu’ainsi, ô nuit, et moi qui jamais ne pourrai vivre dans ce style !

 

J’ai tout vu, et de tout je me suis émerveillé,

mais ce tout ou bien fut en excès ou bien ne suffit pas, je ne saurais le dire –

     et j’ai souffert.

J’ai vécu toutes les émotions, toutes les pensées, tous les gestes,

et il m’en est resté une tristesse comme si j’avais voulu les vivre sans y parvenir.

J’ai aimé et haï comme tout le monde,

mais pour tout le monde cela a été normal et instinctif,

et pour moi ce fut toujours l’exception, le choc, la soupape, le spasme.

 

Viens, ô nuit, apaise-moi, et noie mon être en tes eaux.

Affectueuse de l’Au-Delà, maîtresse du deuil infini,

Mère suave et antique des émotions non démonstratives,

sœur aînée, vierge et triste aux pensées décousues,

fiancée dans l’éternelle attente de nos desseins inachevés,

avec la direction constamment abandonnée de notre destin,

notre incertitude païenne et sans joie,

notre faiblesse chrétienne sans foi,

notre bouddhisme inerte, sans amour pour les choses et sans extases,

notre fièvre, notre pâleur, notre impatience de faibles,

notre vie, ô mère, notre vie perdue…

 

Je ne sais pas sentir, je ne sais pas être humain, vivre en bonne

     intelligence

au sein de mon âme triste avec les hommes mes frères sur la terre.

Je ne sais pas être utile fût-ce dans mes sensations, être pratique,

     être quotidien, net

avoir un poste dans la vie, avoir un destin parmi les hommes,

avoir une œuvre, une force, une envie, un jardin,

une raison de me reposer, un besoin de me distraire,

une chose qui me vienne directement de la  nature.

 

Pour cette raison sois-moi maternelle, ô nuit tranquille…

Toi qui ravis le monde au monde, toi qui est la paix,

toi qui n’existes pas, qui n’est que l’absence de la lumière,

toi qui n’est pas une chose, un lieu, une essence, une vie,

Pénélope à la toile, demain défaite, de ton obscurité,

Circé irréelle des fébriles, des angoissés sans cause,

viens à moi, ô nuit, tends-moi les mains,

et sur mon front, ô nuit, sois fraîcheur et soulagement.

 

Toi, dont la venue est si douce qu’elle paraît un éloignement,

dont le flux et le reflux des ténèbres, quand la lune respire doucement,

ont des vagues de tendresse morte, un froid de mers de songe,

des brises de paysages irréels pour l’excès de notre angoisse…

Toi, et ta pâleur, toi, plaintive, toi, toute liquidité,

arôme de mort parmi les fleurs, haleine de fièvre sur les bords,

toi, reine, toi, châtelaine, toi, femme pâle, viens…

 

Tout sentir de toutes les manières,

tout vivre de toutes parts,

être la même chose de toutes les façons possibles en même temps,

réaliser en soi l’humanité de tous les moments

en un seul moment diffus, profus, complet et lointain…

 

J’ai toujours envie de m’identifier à ce avec quoi je sympathise

et toujours je me mue, tôt ou tard,

en l’objet de ma sympathie, pierre ou désir,

fleur ou idée abstraite,

foule ou façon de comprendre Dieu.

Et je sympathise avec tout, je vis de tout en tout.

Les hommes supérieurs me sont sympathiques parce qu’ils sont

     supérieurs,

et sympathiques les hommes inférieurs parce qu’ils sont supérieurs

     aussi

parce que le fait d’être inférieur est autre chose qu’être supérieur,

et partant c’est une supériorité à certains moments de la vision.

Je sympathise avec certains hommes pour leurs qualités de caractère,

et avec d’autres je sympathise pour leur manque de ces qualités,

et avec d’autres encore je sympathise par sympathie pure

et il y a des moments absolument organiques qui embrassent toute l’humanité.

Oui, comme je suis monarque absolu dans ma sympathie,

il suffit qu’elle existe pour qu’elle ait sa raison d’être

Je presse contre mon sein haletant, en une étreinte émue

(dans la même étreinte émue),

l’homme qui donne sa chemise au pauvre qu’il ne connaît pas,

le soldat qui meurt pour sa patrie sans savoir ce qu’est la patrie,

et le matricide, le fratricide, l’incestueux, le suborneur d’enfants,

le voleur de grand chemin, le corsaire des mers,

le pickpocket, l’ombre aux aguets dans les venelles  -

ils sont tous ma maîtresse favorite au moins un instant dans ma vie.

Je baise sur les lèvres de toutes les prostituées,

sur les yeux je baise tous les souteneurs,

aux pieds de tous les assassins gît ma passivité,

et ma cape à l’espagnole couvre la retraite de tous les voleurs.

Tout être est la raison de ma vie.

 

J’ai connu tous les crimes,

j’ai vécu à l’intérieur de tous les crimes

(je fus moi-même, ni tel ou tel dans le vice,

mais le propre vice incarné qu’entre eux ils pratiquèrent,

et de ces heures j’ai fait l’arc de triomphe suprême de ma vie).

 

Je me suis multiplié pour m’éprouver,

pour m’éprouver moi-même il m’a fallu tout éprouver.

j’ai débordé, je n’ai fait que m’extravaser,

je me suis dévêtu, je me suis livré,

et il est en chaque coin de mon âme un autel à un dieu différent.

 

Les bras de tous les athlètes m’ont étreint subitement féminin,

et à cette seule pensée j’ai défailli entre des muscles virtuels.

 

Ma bouche a reçu les baisers de toutes les rencontres,

dans mon cœur se sont agités les mouchoirs de tous les adieux,

tous les appels obscènes du geste et des regards

me fouillent tout le corps avec leur centre dans les organes sexuels

J’ai été tous les ascètes, tous les parias, tous les oubliés

et tous les pédérastes – absolument tous (il n’en manquait pas un)

rendez-vous noir et vermeil dans les bas-fonds infernaux de mon âme !

 

(Freddie, je t’appelais Baby, car tu étais blond et blanc, et je t’aimais,

de combien d’impératrices présomptives et de princesses détrônées tu

     me tins lieu !)

Mary, avec qui je lisais Burns en des jours tristes comme la sensation

     d’être vivant,

Tu ne sais guère combien d’honnêtes ménages, combien de familles

     heureuses

ont vécu en toi mes yeux mon bras autour de ta taille et ma conscience

     flottante,

leur vie paisible, leurs maisons de banlieue avec jardin, leurs half-holidays

     inopinés…

Mary, je suis malheureux…

Freddie, je suis malheureux…

Oh, vous tous, tant que vous êtes, fortuits, attardés,

combien de fois avez-vous pu penser à penser à moi, mais sans le faire ?

Ah, comme j’ai peu compté dans votre vie profonde,

si peu en vérité – et ce que j’ai été, moi, ô mon univers subjectif,

ô mon soleil, mon clair de lune, mes étoiles, mon moment,

ô part externe de moi perdue dans les labyrinthes de Dieu !

Tout passe, toutes les choses en un défilé qui m’est intérieur,

et toutes les cité du monde en moi font leur rumeur…

 

Mon cœur tribunal, mon cœur marché, mon cœur salle de Bourse,

     mon cœur comptoir de banque,

mon cœur rendez-vous de toute l’humanité,

Mon cœur banc de jardin public, auberge, hôtellerie, cachot numéroté

(Aqui estuvo el Manolo en visperas de ira ao patibulo) (1)

mon cœur club, salon, parterre, paillasson, guichet, coupée,

pont, grille, excursion, marche, voyage, vente aux enchères, foire

     kermesse,

mon  cœur œil-de-bœuf,

mon cœur colis,

mon cœur papier, bagage, satisfaction, livraison

mon cœur marge, limite, abrégé, index,

eh là, eh là, eh là, mon cœur bazar.

 

Tous les amants se sont baisés dans mon âme,

tous les clochards ont dormi un moment sur mon corps,

tous les méprisés se sont appuyés un moment à mon épaule,

ils ont traversé la rue à mon bras, tous les vieux et tous les malades,

et il y eut un secret que me dirent tous les assassins.

 

(Celle dont le sourire suggère la paix que je n’ai pas

et don la façon de baisser les yeux fait un paysage de Hollande

avec les femmes coiffées de lin

et tout l’effort quotidien d’un peuple pacifique et propre…

Celle qui est la bague laissée sur la commode

et la faveur coincée en refermant le tiroir,

faveur rose, ce n’est pas la couleur que j’aime, mais la faveur coincée

tout de même que je n’aime pas la vie, mais c’est la sentir que j’aime…

 

Dormir ainsi qu’un chien errant sur la route, au soleil,

définitivement étranger au restant de l’univers,

et que les voitures me passent sur le corps.)

 

J’ai couché avec tous les sentiments,

j’ai été souteneur de toutes les émotions,

tous les hasards des sensations m’ont payé à boire,

j’ai fait de l’œil à toutes les raisons d’agir,

j’ai été la main dans la main avec toutes les velléités de départ,

fièvre immense des heures !

Angoisse de la forge des émotions !

 

Rage, écume, l’immensité qui ne tient pas dans mon mouchoir,

la chienne qui hurle la nuit,

la mare de la métairie qui hante mon insomnie,

le bois comme il était le soir, quand nous nous y promenions, la rose,

la broussaille indifférente, la mousse, les pins,

la rage de ne pas contenir tout cela, de ne pas suspendre tout cela

ô faim abstraite des chose, rut impuissant des minutes qui passent

orgie intellectuelle de sentir la vie !

 

Tout obtenir par suffisance divine –

les veilles, les consentements, les avis,

les choses belles de la vie –

le talent, la vertu, l’impunité,

la tendance à reconduire les autres chez eux,

la situation de passager,

la commodité d’embarquer tôt pour trouver une place,

et toujours il manque quelque chose, un verre, une brise, une phrase,

et la vie fait d’autant plus mal qu’on a plus de plaisir et qu’on

     invente d’avantage.

 

Pouvoir rire, rire, rire, effrontément,

rire comme un verre renversé,

fou absolument du seul fait de sentir,

rompu absolument de me frotter contre les choses,

blessé à la bouche pour avoir mordu aux choses,

les ongles en sang pour m’être cramponné aux choses,

et qu’ensuite on me donne la cellule qu’on voudra et

     j’aurai des souvenirs de la vie.

 

Tout sentir de toutes les manières,

avoir toutes les opinions ,

être sincère en se contredisant chaque minute,

se déplaire à soi-même en toute liberté d’esprit,

et aimer les choses comme Dieu.

 

Moi, qui suis plus frère d’un arbre que d’un ouvrier,

moi, qui sens davantage la feinte douleur de la mer qui bat

     sur la grève

que la douleur réelle des enfants que l’on bat

(ah, comme cela doit sonner faux ; pauvres enfants que l’on bat,

mais aussi pourquoi faut-il que mes sensations se bousculent à

     si vive allure ?)

Moi, enfin, qui suis un dialogue continu

à haute voix, incompréhensible, au cœur de la nuit dans la tour,

lorsque les cloches oscillent vaguement sans que nul ne les touche

et qu’on souffre de savoir que la vie se poursuivra demain.

Moi, enfin, littéralement moi,

et moi métaphoriquement aussi,

moi, le poète sensationniste, envoyé du Hasard

aux lois irrépréhensibles de la Vie

moi, le fumeur de cigarettes par adéquate profession,

l’individu qui fume l’opium, qui prend de l’absinthe, mais qui, enfin,

aime mieux penser à fumer de l’opium plutôt que d’en fumer

et qui trouve que de lorgner l’absinthe à boire a plus de goût que de

     la boire…

Moi, ce dégénéré supérieur sans archives dans l’âme,

sans personnalité avec valeur déclarée,

moi, l’investigateur solennel des chose futiles,

moi qui serais capable d’aller vivre en Sibérie pour le seul plaisir de

     prendre cette idée en aversion,

et qui trouve indifférent de ne pas attacher d’importance à la patrie,

parce que je n’ai pas de racine, comme un arbre, et que par conséquent

     je suis déraciné…

moi, qui si souvent me sens aussi réel qu’une métaphore,

qu’une phrase écrite par un malade dans le livre de la jeune fille qu’il

     a trouvé sur la terrasse,

ou qu’une partie d’échecs sur le pont d’un transatlantique,

moi, la bonne d’enfants qui pousse les perambulators dans

     tous les jardins publics,

moi, le sergent de ville qui l’observe, arrêté derrière elle,

     dans l’allée,

moi, l’enfant dans la poussette, qui fait des signaux à son

     inconscience lucide avec un hocher à grelots.

Moi, le paysage au fond de tout cela, la paix citadine

fondue à travers les arbres du jardin public,

moi, ce qui les attend tous au logis,

 moi, ce qu’ils trouvent dans la rue,

moi, ce qu’ils ne savent pas d’eux-mêmes,

moi, cette chose à quoi tu penses – et ton sourire te trahit –

moi, le contradictoire, l’illusionnisme, la kyrielle, l’écume,

l’affiche fraîche encore, les hanches de la Française, le regard du curé,

le rond-point où les rues se croisent et où les chauffeurs dorment contre

     les voitures,

la cicatrice du sergent à mine patibulaire,

la crasse sur le collet du répétiteur malade qui rentre à la maison,

la tasse dans laquelle buvait toujours le tout-petit qui est mort,

celle dont l’anse est fêlée (et tout cela tient dans un cœur de mère

     et l’emplit)…

moi, la dictée de français de la petite qui tripote ses jarretelles,

moi, les pieds qui se touchent sous la table de bridge avec le

     lustre au plafond,

moi, la lettre cachée, la chaleur du fichu, le balcon avec la

     fenêtre entrouverte,

la porte de service où la bonne avoue son faible pour un cousin,

ce coquin de José qui avait promis de venir et qui a fait faux bond,

alors qu’on avait préparé un bon tour à lui jouer…

Moi, tout cela, et, en sus de cela, tout le reste du monde…

Tant de choses, les portes qui s’ouvrent, et la raison pour

     laquelle elles s’ouvrent,

et les choses qu’ont faites les mains qui ouvrent les portes…

Moi, le malheur – crème de toutes les expressions,

l’impossibilité d’exprimer tous les sentiments,

sans qu’il y ait une pierre au cimetière pour le frère de cette foule,

et ce qui semble ne rien vouloir dire veut toujours dire quelque chose…

Oui, moi, l’officier mécanicien de la marine qui suis superstitieux

     comme une brave campagnarde,

et qui porte monocle afin de ne pas ressembler à l’idée réelle que je

     me fais de moi,

qui mets parfois trois heures à m’habiller sans d’ailleurs trouver

     cela naturel,

mais je le trouve métaphysique et si l’on frappe à ma porte je

     me fâche,

pas tellement parce qu’on interrompt mon nœud de cravate que pour

     le fait de constater que la vie passe…

 

Oui, enfin, moi le destinataire des lettres cachetées,

la malle aux initiales détériorées,

l’intonation des voix que l’on entendrait plus –

Dieu garde tout cela en son Mystère, et parfois nous l’éprouvons

et la vie tout à coup se fait pesante et il fait très froid plus près que

     le corps.

 

Brigitte, la cousine de ma tante,

le général dont elles parlaient – général au temps où elles étaient petites –

et la vie était guerre civile à tous les tournants…

Vive le mélodrame où Margot a pleuré !

Les feuilles sèches tombent à terre régulièrement

Mais le fait est que c’est toujours l’automne à l’automne,

après quoi vient l’hiver fatalement

et il n’est pour conduire la vie qu’un chemin, la vie même…

 

Ce vieillard insignifiant, mais qui pourtant a connu les romantiques,

cet opuscule politique du temps des révolutions constitutionnelles,

et la douleur que laisse tout cela, sans qu’on en sache la raison,

ni qu’il y ait pour tout pleurer d’autre raison que de le sentir.

 

Je tourne tous les jours à l’angle de toutes les rues,

et dès que je pense à une autre chose, c’est à une autre que je pense.

Je ne me soumets que par atavisme

et il y a toujours des raisons d’émigrer pour qui n’est pas alité.

 

Des terrasses de tous les cafés de toutes les villes

accessibles à l’imagination,

j’observe la vie qui passe, sans bouger je la suis,

je lui appartiens sans tirer un geste de ma poche

ni noter ce que j’ai vu pour ensuite faire semblant de l’avoir vu.

 

Dans l’automobile jaune passe la femme définitive de quelqu’un,

auprès d’elle je vais à son insu.

Sur le premier trottoir ils se rencontrent par un hasard prémédité,

mais dès avant leur rencontre j’étais déjà la avec eux.

Il n’est moyen pour eux de m’esquiver, pas moyen que je me trouve

     pas en tout lieu.

Mon privilège est un tout

(brevetée, sans garantie de Dieu, mon Âme).

 

J’assiste à tout et définitivement.

Il n’est bijou de femme qui ne soit acheté par moi et pour moi,

il n’est d’intention d’espérer qui ne soit mienne de quelque façon,

il n’est de résultat de conversation  qui ne soit mien par hasard.

Il n’est son de cloche à Lisbonne il y a trente ans, il n’est soirée

     du Théatre San Carlos il y en a cinquante,

qui ne soit mien par gentillesse déposée.

 

J’ai été élevé par l’Imagination,

j’ai toujours cheminé avec elle la main dans la main,

j’ai toujours aimé, haï, parlé et pensé dans cette perspective,

et tous mes jours s’encadrent à cette croisée,

et toutes les heures paraissent miennes de cette façon.

 

Chevauchée explosive, explosée, comme une bombe qui éclate,

Chevauchée éclatant de tous côtés en même temps,

Chevauchée au-dessus de l’espace, saut par-dessus le temps,

bondis, cheval électron-ion, système solaire en raccourci,

au sein de l’action des pistons, hors de la rotation des volants.

Dans les pistons, converti en une vitesse abstraite et folle,

je ne suis que fer et vitesse, va-et-vient, folie, rage contenue,

lié à la piste de tous les volants je tournoie des heures fabuleuses

et tout l’univers grince, craque et en moi s’estompe.

 

Ho-ho-ho-ho-ho!

De plus en plus avec l’esprit en avant du corps,

en avant de la propre idée rapide du corps projeté,

avec l’esprit qui suit en avant du corps, ombre, étincelle,

hé-là-ho-ho…Hélàhoho…

 

Toute l’énergie est la même et toute la nature est identique…

La sève de la sève des arbres est la même énergie que celle qui

met en branle

les roues de la locomotive, les roues du tramway, les volants des diésels,

et une voiture tirée par des mules ou marchant à l’essence obéit à

     une même force.

 

Fureur panthéiste de sentir en moi formidablement,

avec tous mes sens en ébullition, tous mes pores fumants,

que tout n’est qu’une unique vitesse, qu’une unique énergie, qu’une

     unique ligne divine

de soi à soi, chuchotant dans la fixité des violences de vitesse démente…

 

Ave, salve, vive la véloce unité de toute chose !

Ave, salve, vive l’égalité de tout en flèche !

Ave, salve, vive la grande machine de l’univers !

Ave, vous qui ne faites qu’un, arbres, machines, lois !

Ave, vous qui ne faites qu’un, vers de terre, pistons, idées abstraites,

la même sève vous emplit, la même sève vous transforme,

la même chose vous êtes, et le reste est extérieur et faux,

le reste, tout le statique qui demeure dans les yeux fixes,

mais non dans mes nerfs moteur à explosion à huiles lourdes ou

     légères,

non dans mes nerfs qui sont toutes les machines, tous les systèmes

d’engrenage,

non dans mes nerfs locomotive, tram, automobile, batteuse à vapeur,

dans mes nerfs machine maritime, diésel, semi-diesel, Campbell,

dans mes nerfs installation absolue à la vapeur, au gaz, à l’huile,

     à l’électricité,

machine universelle actionnée par les courroies de tous les moments !

 

Tous les matins sont le matin et la vie.

Toutes les aurores brillent au même endroit :

l’Infini…

Toutes les joies d’oiseaux viennent du même gosier,

tous les tremblements de feuille sont du même arbre,

et tous ceux qui se lèvent tôt pour aller travailler

vont de la même maison à la même usine par le même chemin…

 

Roule, grande boule, fourmilière de consciences, terre

roule, teintée d’aurore, chapée de crépuscule, d’aplomb sous les

     soleils , nocturne

roule dans l’espace abstrait, dans la nuit à peine éclairée, roule…

 

Dans ma tête je sens la vitesse de la rotation de la terre,

et tous les pays et tous les vivants tournent en moi,

envie centrifuge, fureur d’escalader le ciel jusqu’aux astres,

bats à coups redoublés contre les parois internes de mon crâne,

parsème d’aiguilles aveugles toute la conscience de mon corps,

mille fois fais-moi lever et me diriger vers l’Abstrait,

vers l’introuvable, et là sans restrictions aucunes,

vers l’invisible But – tous les point où je ne suis pas – et simultanément…

 

Ah, n’être ni arrêté ni en mouvement,

ah, n’être ni debout ni couché,

ni éveillé ni endormi,

ni ici  ni en un autre point quelconque,

résoudre l’équation de cette prolixe inquiétude,

savoir où me coucher afin de me promener dans toutes les rues…

 

Ho-ho-ho-ho-ho-ho-ho

 

Chevauchée ailée de moi par-dessus toutes les choses,

chevauchée brisée de moi par-dessous toutes les choses,

chevauchée ailée et brisée de moi à cause de toutes les choses…

 

Hop ! là, plus haut que les arbres, hop !là plus bas que les étangs,

hop ! là contre les murs, hop, là que je m’écorche contre les troncs,

hop ! là dans l’air, hop ! là, dans le vent, hop ! là, hop ! là, sur

     les plages,

avec une vitesse croissante, insistante, violente,

hop ! là , hop ! là, hop ! là, hop ! là…

 

Chevauchée panthéiste de moi à l’intérieur de toutes les choses,

chevauchée énergétique  à l’intérieur de toutes les énergies,

chevauchée de moi à l’intérieur du charbon qui se consume, de

     la lampe qui brûle,

clairon clair du matin au fond

du demi-cercle froid de l’horizon,

clairon ténu, lointain comme des drapeaux vagues

éployés au-delà du point où sont visibles les couleurs…

 

Clairon tremblant, poussière en suspens, où la nuit cesse,

poudre d’or en suspens au fond de la visibilité…

 

Chariot qui grince limpidement, vapeur qui siffle,

grue qui commence à tourner, sensible à mon oreille,

toux sèche, écho des intimités de la maison,

léger frisson matinal dans la joie de vivre,

éclat de rire soudain voilé par la brume extérieure je ne sais comme

midinette vouée à un plus grand malheur que le matin qu’elle sent,

ouvrier tuberculeux touché de l’illusion du bonheur

à cette heure inévitablement vitale

où le relief des choses est doux, net et sympathique,

où les murs sont frais au contact de la main, et où les maisons

ouvrent çà et là des yeux aux rideaux blancs.

 

Tout le matin est une colline qui oscille,

…………………………………………………………….

……et tout s’achemine

 

vers l’heure pleine de lumière où les nuages baissent les paupières

et rumeur trafic charrette train moi je sens soleil retentit

Vertige de midi aux moulures à vertige –

soleil des cimes et nous…de ma maison striée,

du tournoiement figé de ma mémoire à sec,

de la brumeuse lueur fixe de ma conscience de vivre.

 

Rumeurs trafic charrette train autos je sens soleil rue,

feuillards cageots trolley boutique rue vitrines jupes yeux

rapidement caniveaux charrettes cageots rue traverser rue

promenades boutiquiers « pardon » rue

rue en promenade à travers moi qui me promène à travers la rue

     en moi

tout miroir ces boutiques -ci dans les boutiques dans ces boutiques-là

la vitesse des autos à l’envers dans les glaces obliques des vitrines,

le sol en l’air le soleil sous les pieds rue rigoles fleurs en corbeille rue

mon passé rue frissonne camion rue je ne me souviens pas rue

 

Moi tête baissée au centre de ma conscience de moi

rue sans pouvoir  trouver une seule sensation à chaque fois

     rue

rue en arrière et en avant sous mes pieds

rue en x en Y en Z au creux de mes bras

rue à travers mon monocle en cercles de petit cinématographe,

kaléidoscope en nettes courbes brisées rue.

Ivresse de la rue et de tout sentir voir entendre en même temps.

Battement des tempes au rythme des allées et venues simultanées.

Train brise-toi en heurtant le parapet de la voie de garage !

Navire cingle droit au quai et contre lui fends-toi !

Automobile conduite par la folie de tout l’univers précipite-toi

au fond de tous les précipices

et dans un grand choc, trz, au fond de mon cœur déchire-toi !

 

A moi, tous les objets projectiles !

A moi, tous les objets directions !

A moi, tous les objets invisibles à force de vitesse !

Battez-moi, transpercez-moi, dépasser-moi !

C’est moi qui me bats, qui me transperce, qui me dépasse !

La rage de tous les élans se referme en cercle-moi !

 

Hélà-hoho, train, automobile, aéroplane, mes désirs maladifs,

vitesse, incorpore-toi à toutes les idées,

cramponne tous les songes et broie-les,

roussis tous les idéaux humanitaires et utiles,

renverse tous les sentiments normaux, convenables, concordants,

empoigne dans la rotation de ton volant vertigineux et lourd

les corps de toutes les philosophies, les tropes de tous les poèmes

écharpille-les et demeure seule, volant abstrait dans les airs,

rue métallique, seigneur suprême de l’heure européenne.

Allons, et que la chevauchée n’ait point de fin, fût-ce en Dieu !

 

…………………………………………………………………

………………………………………………………………………

 

J’ai mal, je ne sais comme, à l’imagination, mais c’est là que j’ai mal,

en moi décline le soleil au haut du ciel.

Le soir a tendance à tomber dans l’azur et sur mes nerfs.

Allons, ô chevauchée, qui d’autres vas-tu devenir ?

Moi qui, véloce, vorace, glouton de l’énergie abstraite,

voudrais manger, boire, égratigner et écorcher le monde,

moi à qui suffirait de fouler l’univers aux pieds,

de le fouler, le fouler, le fouler jusqu’à l’insensibilité…

je sens, moi, que tout ce que j’ai désiré est resté en deçà de mon

     imagination

que tout s’est dérobé à moi, bien que j’ai tout désiré.

 

Chevauchée à bride abattue par-dessus toutes les cimes,

chevauchée  désarticulée plus bas que tous les puits,

chevauchée au vol, chevauchée flèche, chevauchée pensée-éclair,

chevauchée moi, chevauchée moi, chevauchée l’univers-moi.

Hélàhoho-o-o-o-o-o-o-o…

 

Mon être élastique, ressort, aiguille, trépidation…

 

(1) Passages en italique : non-traduits. Ils figurent ainsi dans le texte de Pessoa

 

Traduit du portuguais par Armand Guibert

in, Fernando Pessoa : "Poésies d’Alvaro de Campos"

Editions Gallimard (Poésies du monde entier), 1968

Du même auteur :

A la veille de ne jamais partir /Na véspera de não partir nunca  (20/06/2014

Ajournement / Adiamento (20/06/2015)

Le Gardeur de troupeaux /O Guardador de rebanhos ((I-X) (20/06/2017)

« Parfois, en certains jours de lumière ... » / « Às vezes, em dias de luz... » (20/06/2018)

Le Gardeur de troupeaux /O Guardador de rebanhos (XI-XXX) (20/0/2019)

 Le Gardeur de troupeaux /O Guardador de rebanhos (XXXI - XLIX) (20/06/2020)

Le pasteur amoureux / O pastor amoroso (20/06/2021)

Poèmes désassemblés (I) / Poemas Inconjuntos (I) (20/06/2022)

Poèmes désassemblés (II) / Poemas Inconjuntos (II) (20/06/2023)

 

Passagem das horas

 

Trago dentro do meu coração,

Como num cofre que se não pode fechar de cheio,

Todos os lugares onde estive,

Todos os portos a que cheguei,

Todas as paisagens que vi através de janelas ou vigias,

Ou de tombadilhos, sonhando,

E tudo isso, que é tanto, é pouco para o que eu quero.

A entrada de Singapura, manhã subindo, cor verde,

O coral das Maldivas em passagem cálida,

Macau à uma hora da noite... Acordo de repente

 

Yat-iô--ô-ô-ô-ô-ô-ô-ô-ô ... Ghi-...

E aquilo soa-me do fundo de uma outra realidade

A estatura norte-africana quase de Zanzibar ao sol

Dar-es-Salaam (a saída é difícil)...

Majunga, Nossi-Bé, verduras de Madagascar...

Tempestades em torno ao Guardaful...

E o Cabo da Boa Esperança nítido ao sol da madrugada...

E a Cidade do Cabo com a Montanha da Mesa ao fundo...

Viajei por mais terras do que aquelas em que toquei...

Vi mais paisagens do que aquelas em que pus os olhos...

Experimentei mais sensações do que todas as sensações que senti,

Porque, por mais que sentisse, sempre me faltou que sentir

E a vida sempre me doeu, sempre foi pouco, e eu infeliz.

A certos momentos do dia recordo tudo isto e apavoro-me,

Penso em que é que me ficará desta vida aos bocados, deste auge,

Desta estrada às curvas, deste automóvel à beira da estrada, deste aviso,

Desta turbulência tranqüila de sensações desencontradas,

Desta transfusão, desta insubsistência, desta convergência iriada,

Deste desassossego no fundo de todos os cálices,

Desta angústia no fundo de todos os prazeres,

Desta saciedade antecipada na asa de todas as chávenas,

Deste jogo de cartas fastiento entre o Cabo da Boa Esperança e as Canárias.

Não sei se a vida é pouco ou demais para mim.

Não sei se sinto de mais ou de menos, não sei

Se me falta escrúpulo espiritual, ponto-de-apoio na inteligência,

Consangüinidade com o mistério das coisas, choque

Aos contatos, sangue sob golpes, estremeção aos ruídos,

Ou se há outra significação para isto mais cômoda e feliz.

Seja o que for, era melhor não ter nascido,

Porque, de tão interessante que é a todos os momentos,

A vida chega a doer, a enjoar, a cortar, a roçar, a ranger,

A dar vontade de dar gritos, de dar pulos, de ficar no chão, de sair

Para fora de todas as casas, de todas as lógicas e de todas as sacadas,

E ir ser selvagem para a morte entre árvores e esquecimentos,

Entre tombos, e perigos e ausência de amanhãs,

E tudo isto devia ser qualquer outra coisa mais parecida com o que eu penso,

Com o que eu penso ou sinto, que eu nem sei qual é, ó vida.

Cruzo os braços sobre a mesa, ponho a cabeça sobre os braços,

É preciso querer chorar, mas não sei ir buscar as lágrimas...

Por mais que me esforce por ter uma grande pena de mim, não choro,

Tenho a alma rachada sob o indicador curvo que lhe toca...

Que há de ser de mim? Que há de ser de mim?

Correram o bobo a chicote do palácio, sem razão,

Fizeram o mendigo levantar-se do degrau onde caíra.

Bateram na criança abandonada e tiraram-lhe o pão das mãos.

Oh mágoa imensa do mundo, o que falta é agir...

Tão decadente, tão decadente, tão decadente...

Só estou bem quando ouço música, e nem então.

Jardins do século dezoito antes de 89,

Onde estais vós, que eu quero chorar de qualquer maneira?

Como um bálsamo que não consola senão pela idéia de que é um bálsamo,

A tarde de hoje e de todos os dias pouco a pouco, monótona, cai.

Acenderam as luzes, cai a noite, a vida substitui-se.

Seja de que maneira for, é preciso continuar a viver.

Arde-me a alma como se fosse uma mão, fisicamente.

Estou no caminho de todos e esbarram comigo.

Minha quinta na província,

Haver menos que um comboio, uma diligência e a decisão de partir entre mim e ti.

Assim fico, fico... Eu sou o que sempre quer partir,

E fica sempre, fica sempre, fica sempre,

Até à morte fica, mesmo que parta, fica, fica, fica...

Torna-me humano, ó noite, torna-me fraterno e solícito.

Só humanitariamente é que se pode viver.

Só amando os homens, as ações, a banalidade dos trabalhos,

Só assim - ai de mim! -, só assim se pode viver.

Só assim, o noite, e eu nunca poderei ser assim!

Vi todas as coisas, e maravilhei-me de tudo,

Mas tudo ou sobrou ou foi pouco - não sei qual - e eu sofri.

Vivi todas as emoções, todos os pensamentos, todos os gestos,

E fiquei tão triste como se tivesse querido vivê-los e não conseguisse.

Amei e odiei como toda gente,

Mas para toda a gente isso foi normal e instintivo,

E para mim foi sempre a exceção, o choque, a válvula, o espasmo.

Vem, ó noite, e apaga-me, vem e afoga-me em ti.

Ó carinhosa do Além, senhora do luto infinito,

Mágoa externa na Terra, choro silencioso do Mundo.

Mãe suave e antiga das emoções sem gesto,

Irmã mais velha, virgem e triste, das idéias sem nexo,

Noiva esperando sempre os nossos propósitos incompletos,

A direção constantemente abandonada do nosso destino,

A nossa incerteza pagã sem alegria,

A nossa fraqueza cristã sem fé,

O nosso budismo inerte, sem amor pelas coisas nem êxtases,

A nossa febre, a nossa palidez, a nossa impaciência de fracos,

A nossa vida, o mãe, a nossa perdida vida...

Não sei sentir, não sei ser humano, conviver

De dentro da alma triste com os homens meus irmãos na terra.

Não sei ser útil mesmo sentindo, ser prático, ser quotidiano, nítido,

Ter um lugar na vida, ter um destino entre os homens,

Ter uma obra, uma força, uma vontade, uma horta,

Unia razão para descansar, uma necessidade de me distrair,

Uma cousa vinda diretamente da natureza para mim.

Por isso sê para mim materna, ó noite tranqüila...

Tu, que tiras o mundo ao mundo, tu que és a paz,

Tu que não existes, que és só a ausência da luz,

Tu que não és uma coisa, rim lugar, uma essência, uma vida,

Penélope da teia, amanhã desfeita, da tua escuridão,

Circe irreal dos febris, dos angustiados sem causa,

Vem para mim, ó noite, estende para mim as mãos,

E sê frescor e alívio, o noite, sobre a minha fronte...

'Tu, cuja vinda é tão suave que parece um afastamento,

Cujo fluxo e refluxo de treva, quando a lua bafeja,

Tem ondas de carinho morto, frio de mares de sonho,

Brisas de paisagens supostas para a nossa angústia excessiva...

Tu, palidamente, tu, flébil, tu, liquidamente,

Aroma de morte entre flores, hálito de febre sobre margens,

Tu, rainha, tu, castelã, tu, dona pálida, vem...

Sentir tudo de todas as maneiras,

Viver tudo de todos os lados,

Ser a mesma coisa de todos os modos possíveis ao mesmo tempo,

Realizar em si toda a humanidade de todos os momentos

Num só momento difuso, profuso, completo e longínquo.

Eu quero ser sempre aquilo com quem simpatizo,

Eu torno-me sempre, mais tarde ou mais cedo,

Aquilo com quem simpatizo, seja uma pedra ou uma ânsia,

Seja uma flor ou uma idéia abstrata,

Seja uma multidão ou um modo de compreender Deus.

E eu simpatizo com tudo, vivo de tudo em tudo.

São-me simpáticos os homens superiores porque são superiores,

E são-me simpáticos os homens inferiores porque são superiores também,

Porque ser inferior é diferente de ser superior,

E por isso é uma superioridade a certos momentos de visão.

Simpatizo com alguns homens pelas suas qualidades de caráter,

E simpatizo com outros pela sua falta dessas qualidades,

E com outros ainda simpatizo por simpatizar com eles,

E há momentos absolutamente orgânicos em que esses são todos os homens.

Sim, como sou rei absoluto na minha simpatia,

Basta que ela exista para que tenha razão de ser.

Estreito ao meu peito arfante, num abraço comovido,

(No mesmo abraço comovido)

O homem que dá a camisa ao pobre que desconhece,

O soldado que morre pela pátria sem saber o que é pátria,

E o matricida, o fratricida, o incestuoso, o violador de crianças,

O ladrão de estradas, o salteador dos mares,

O gatuno de carteiras, a sombra que espera nas vielas —

Todos são a minha amante predileta pelo menos um momento na vida.

Beijo na boca todas as prostitutas,

Beijo sobre os olhos todos os souteneurs,

A minha passividade jaz aos pés de todos os assassinos

E a minha capa à espanhola esconde a retirada a todos os ladrões.

Tudo é a razão de ser da minha vida.

Cometi todos os crimes,

Vivi dentro de todos os crimes

(Eu próprio fui, não um nem o outro no vicio,

Mas o próprio vício-pessoa praticado entre eles,

E dessas são as horas mais arco-de-triunfo da minha vida).

Multipliquei-me, para me sentir,

Para me sentir, precisei sentir tudo,

Transbordei, não fiz senão extravasar-me,

Despi-me, entreguei-rne,

E há em cada canto da minha alma um altar a um deus diferente.

Os braços de todos os atletas apertaram-me subitamente feminino,

E eu só de pensar nisso desmaiei entre músculos supostos.

Foram dados na minha boca os beijos de todos os encontros,

Acenaram no meu coração os lenços de todas as despedidas,

Todos os chamamentos obscenos de gesto e olhares

Batem-me em cheio em todo o corpo com sede nos centros sexuais.

Fui todos os ascetas, todos os postos-de-parte, todos os como que esquecidos,

E todos os pederastas - absolutamente todos (não faltou nenhum).

Rendez-vous a vermelho e negro no fundo-inferno da minha alma!

(Freddie, eu chamava-te Baby, porque tu eras louro, branco e eu amava-te,

Quantas imperatrizes por reinar e princesas destronadas tu foste para mim!)

Mary, com quem eu lia Burns em dias tristes como sentir-se viver,

Mary, mal tu sabes quantos casais honestos, quantas famílias felizes,

Viveram em ti os meus olhos e o meu braço cingido e a minha consciência incerta,

A sua vida pacata, as suas casas suburbanas com jardim,

Os seus half-holidays inesperados...

Mary, eu sou infeliz...

Freddie, eu sou infeliz...

Oh, vós todos, todos vós, casuais, demorados,

Quantas vezes tereis pensado em pensar em mim, sem que o fósseis,

Ah, quão pouco eu fui no que sois, quão pouco, quão pouco —

Sim, e o que tenho eu sido, o meu subjetivo universo,

Ó meu sol, meu luar, minhas estrelas, meu momento,

Ó parte externa de mim perdida em labirintos de Deus!

Passa tudo, todas as coisas num desfile por mim dentro,

E todas as cidades do mundo, rumorejam-se dentro de mim ...

Meu coração tribunal, meu coração mercado,

Meu coração sala da Bolsa, meu coração balcão de Banco,

Meu coração rendez-vous de toda a humanidade,

Meu coração banco de jardim público, hospedaria,

Estalagem, calabouço número qualquer cousa

(Aqui estuvo el Manolo en vísperas de ir al patíbulo)

Meu coração clube, sala, platéia, capacho, guichet, portaló,

Ponte, cancela, excursão, marcha, viagem, leilão, feira, arraial,

Meu coração postigo,

Meu coração encomenda,

Meu coração carta, bagagem, satisfação, entrega,

Meu coração a margem, o lirrite, a súmula, o índice,

Eh-lá, eh-lá, eh-lá, bazar o meu coração.

Todos os amantes beijaram-se na minh'alma,

Todos os vadios dormiram um momento em cima de mim,

Todos os desprezados encostaram-se um momento ao meu ombro,

Atravessaram a rua, ao meu braço, todos os velhos e os doentes,

E houve um segredo que me disseram todos os assassinos.

(Aquela cujo sorriso sugere a paz que eu não tenho,

Em cujo baixar-de-olhos há uma paisagem da Holanda,

Com as cabeças femininas coiffées de lin

E todo o esforço quotidiano de um povo pacífico e limpo...

Aquela que é o anel deixado em cima da cômoda,

E a fita entalada com o fechar da gaveta,

Fita cor-de-rosa, não gosto da cor mas da fita entalada,

Assim como não gosto da vida, mas gosto de senti-la...

Dormir como um cão corrido no caminho, ao sol,

Definitivamente para todo o resto do Universo,

E que os carros me passem por cima.)

Fui para a cama com todos os sentimentos,

Fui souteneur de todas ás emoções,

Pagaram-me bebidas todos os acasos das sensações,

Troquei olhares com todos os motivos de agir,

Estive mão em mão com todos os impulsos para partir,

Febre imensa das horas!

Angústia da forja das emoções!

Raiva, espuma, a imensidão que não cabe no meu lenço,

A cadela a uivar de noite,

O tanque da quinta a passear à roda da minha insônia,

O bosque como foi à tarde, quando lá passeamos, a rosa,

A madeixa indiferente, o musgo, os pinheiros,

Toda a raiva de não conter isto tudo, de não deter isto tudo,

Ó fome abstrata das coisas, cio impotente dos momentos,

Orgia intelectual de sentir a vida!

Obter tudo por suficiência divina —

As vésperas, os consentimentos, os avisos,

As cousas belas da vida —

O talento, a virtude, a impunidade,

A tendência para acompanhar os outros a casa,

A situação de passageiro,

A conveniência em embarcar já para ter lugar,

E falta sempre uma coisa, um copo, uma brisa, urna frase,

E a vida dói quanto mais se goza e quanto mais se inventa.

Poder rir, rir, rir despejadamente,

Rir como um copo entornado,

Absolutamente doido só por sentir,

Absolutamente roto por me roçar contra as coisas,

Ferido na boca por morder coisas,

Com as unhas em sangue por me agarrar a coisas,

E depois dêem-me a cela que quiserem que eu me lembrarei da vida.

Sentir tudo de todas as maneiras,

Ter todas as opiniões,

Ser sincero contradizendo-se a cada minuto,

Desagradar a si próprio pela plena liberalidade de espírito,

E amar as coisas como Deus.

Eu, que sou mais irmão de uma árvore que de um operário,

Eu, que sinto mais a dor suposta do mar ao bater na praia

Que a dor real das crianças em quem batem

(Ah, como isto deve ser falso, pobres crianças em quem batem —

E por que é que as minhas sensações se revezam tão depressa?)

Eu, enfim, que sou um diálogo continuo,

Um falar-alto incompreensível, alta-noite na torre,

Quando os sinos oscilam vagamente sem que mão lhes toque

E faz pena saber que há vida que viver amanhã.

Eu, enfim, literalmente eu,

E eu metaforicamente também,

Eu, o poeta sensacionista, enviado do Acaso

As leis irrepreensíveis da Vida,

Eu, o fumador de cigarros por profissão adequada,

O indivíduo que fuma ópio, que toma absinto, mas que, enfim,

Prefere pensar em fumar ópio a fumá-lo

E acha mais seu olhar para o absinto a beber que bebê-lo...

Eu, este degenerado superior sem arquivos na alma,

Sem personalidade com valor declarado,

Eu, o investigador solene das coisas fúteis,

Que era capaz de ir viver na Sibéria só por embirrar com isso,

E que acho que não faz mal não ligar importâricia à pátria

Porquie não tenho raiz, como uma árvore, e portanto não tenho raiz

Eu, que tantas vezes me sinto tão real como uma metáfora,

Como uma frase escrita por um doente no livroda rapariga que encontrou no terraço,

Ou uma partida de xadrez no convés dum transatlântico,

Eu, a ama que empurra os perambulators em todos os jardins públicos,

Eu, o policia que a olha, parado para trás na álea,

Eu, a criança no carro, que acena à sua inconsciência lúcida com um coral com guizos.

Eu, a paisagem por detrás disto tudo, a paz citadina

Coada através das árvores do jardim público,

Eu, o que os espera a todos em casa,

Eu, o que eles encontram na rua,

Eu, o que eles não sabem de si próprios,

Eu, aquela coisa em que estás pensando e te marca esse sorriso,

Eu, o contraditório, o fictício, o aranzel, a espuma,

O cartaz posto agora, as ancas da francesa, o olhar do padre,

O largo onde se encontram as suas ruas e os chauffeurs dormem contra os carros,

A cicatriz do sargento mal encarado,

O sebo na gola do explicador doente que volta para casa,

A chávena que era por onde o pequenito que morreu bebia sempre,

E tem uma falha na asa (e tudo isto cabe num coração de mãe e enche-o)...

Eu, o ditado de francês da pequenita que mexe nas ligas,

Eu, os pés que se tocam por baixo do bridge sob o lustre,

Eu, a carta escondida, o calor do lenço, a sacada com a janela entreaberta,

O portão de serviço onde a criada fala com os desejos do primo,

O sacana do José que prometeu vir e não veio

E a gente tinha uma partida para lhe fazer...

Eu, tudo isto, e além disto o resto do mundo...

Tanta coisa, as portas que se abrem, e a razão por que elas se abrem,

E as coisas que já fizeram as mãos que abrem as portas...

Eu, a infelicidade-nata de todas as expressões,

A impossibilidade de exprimir todos os sentimentos,

Sem que haja uma lápida no cemitério para o irmão de ttido isto,

E o que parece não querer dizer nada sempre quer dizer qualquer cousa...

Sim, eu, o engenheiro naval que sou supersticioso como uma camponesa madrinha,

E uso monóculo para não parecer igual à idéia real que faço de mim,

Que levo às vezes três horas a vestir-me e nem por isso acho isso natural,

Mas acho-o metafísico e se me batem à porta zango-me,

Não tanto por me interromperem a gravata como por ficar sabendo que há a vida...

Sim, enfim, eu o destinatário das cartas lacradas,

O baú das iniciais gastas,

A entonação das vozes que nunca ouviremos mais -

Deus guarda isso tudo no Mistério, e às vezes sentimo-lo

E a vida pesa de repente e faz muito frio mais perto que o corpo.

A Brígida prima da minha tia,

O general em que elas falavam - general quando elas eram pequenas,

E a vida era guerra civil a todas as esquinas...

Vive le mélodrame oú Margot a pleuré!

Caem as folhas secas no chão irregularmente,

Mas o fato é que sempre é outono no outono,

E o inverno vem depois fatalmente,

há só um caminho para a vida, que é a vida...

Esse velho insignificante, mas que ainda conheceu os românticos,

Esse opúsculo político do tempo das revoluções constitucionais,

E a dor que tudo isso deixa, sem que se saiba a razão

Nem haja para chorar tudo mais razão que senti-lo.

Viro todos os dias todas as esquinas de todas as ruas,

E sempre que estou pensando numa coisa, estou pensando noutra.

Não me subordino senão por atavisnio,

E há sempre razões para emigrar para quem não está de cama.

Das serrasses de todos os cafés de todas as cidades

Acessíveis à imaginação

Reparo para a vida que passa, sigo-a sem me mexer,

Pertenço-lhe sem tirar um gesto da algibeira,

Nem tomar nota do que vi para depois fingir que o vi.

No automóvel amarelo a mulher definitiva de alguém passa,

Vou ao lado dela sem ela saber.

No trottoir imediato eles encontram-se por um acaso combinado,

Mas antes de o encontro deles lá estar já eu estava com eles lá.

Não há maneira de se esquivarem a encontrar-me,

Não há modo de eu não estar em toda a parte.

O meu privilégio é tudo

(Brevetée, Sans Garantie de Dieu, a minh'Alma).

Assisto a tudo e definitivamente.

Não há jóia para mulher que não seja comprada por mim e para mim,

Não há intenção de estar esperando que não seja minha de qualquer maneira,

Não há resultado de conversa que não seja meu por acaso,

Não há toque de sino em Lisboa há trinta anos, noite de S. Carlos há cinqüenta

Que não seja para mim por uma galantaria deposta.

Fui educado pela Imaginação,

Viajei pela mão dela sempre,

Amei, odiei, falei, pensei sempre por isso,

E todos os dias têm essa janela por diante,

E todas as horas parecem minhas dessa maneira.

 

Cavalgada explosiva, explodida, como uma bomba que rebenta,

Cavalgada rebentando para todos os lados ao mesmo tempo,

Cavalgada por cima do espaço, salto por cima do tempo,

Galga, cavalo eléctron-íon, sistema solar resumido

Por dentro da ação dos êmbolos, por fora do giro dos volantes.

Dentro dos êmbolos, tornado velocidade abstrata e louca,

Ajo a ferro e velocidade, vaivém, loucura, raiva contida,

Atado ao rasto de todos os volantes giro assombrosas horas,

E todo o universo range, estraleja e estropia-se em mim.

Ho-ho-ho-ho-ho!...

Cada vez mais depressa, cada vez mais com o espírito adiante do corpo

Adiante da própria idéia veloz do corpo projetado,

Com o espírito atrás adiante do corpo, sombra, chispa,

He-la-ho-ho ... Helahoho ...

 

Toda a energia é a mesma e toda a natureza é o mesmo...

A seiva da seiva das árvores é a mesma energia que mexe

As rodas da locomotiva, as rodas do elétrico, os volantes dos Diesel,

E um carro puxado a mulas ou a gasolina é puxado pela mesma coisa.

Raiva panteísta de sentir em mim formidandamente,

Com todos os meus sentidos em ebulição, com todos os meus poros em fumo,

Que tudo é uma só velocidade, uma só energia, uma só divina linha

De si para si, parada a ciciar violências de velocidade louca...

Ho ----

Ave, salve, viva a unidade veloz de tudo!

Ave, salve, viva a igualdade de tudo em seta!

Ave, salve, viva a grande máquina universo!

Ave, que sois o mesmo, árvores, máquinas, leis!

Ave, que sois o mesmo, vermes, êmbolos, idéias abstratas,

A mesma seiva vos enche, a mesma seiva vos torna,

A mesma coisa sois, e o resto é por fora e falso,

O resto, o estático resto que fica nos olhos que param,

Mas não nos meus nervos motor de explosão a óleos pesados ou leves,

Não nos meus nervos todas as máquinas, todos os sistemas de engrenagem,

Nos meus nervos locomotiva, carro elétrico, automóvel, debulhadora a vapor

Nos meus nervos máquina marítima, Diesel, semi-Diesel,

Campbell, Nos meus nervos instalação absoluta a vapor, a gás, a óleo e a eletricidade,

Máquina universal movida por correias de todos os momentos!

 

Todas as madrugadas são a madrugada e a vida.

Todas as auroras raiam no mesmo lugar:

Infinito...

Todas as alegrias de ave vêm da mesma garganta,

Todos os estremecimentos de folhas são da mesma árvore,

E todos os que se levantam cedo para ir trabalhar

Vão da mesma casa para a mesma fábrica por o mesmo caminho...

Rola, bola grande, formigueiro de consciências, terra,

Rola, auroreada, entardecida, a prumo sob sóis, noturna,

Rola no espaço abstrato, na noite mal iluminada realmente

Rola ...

Sinto na minha cabeça a velocidade de giro da terra,

E todos os países e todas as pessoas giram dentro de mim,

Centrífuga ânsia, raiva de ir por os ares até aos astros

Bate pancadas de encontro ao interior do meu crânio,

Põe-me alfinetes vendados por toda a consciência do meu corpo,

Faz-me levantar-me mil vezes e dirigir-me para Abstrato,

Para inencontrável, Ali sem restrições nenhumas,

A Meta invisível — todos os pontos onde eu não estou — e ao mesmo tempo ...

Ah, não estar parado nem a andar,

Não estar deitado nem de pé,

Nem acordado nem a dormir,

Nem aqui nem noutro ponto qualquer,

Resol,,,er a equação desta inquietação prolixa,

Saber onde estar para poder estar em toda a parte,

Saber onde deitar-me para estar passeando por todas as ruas ...

Ho-ho-ho-ho-ho-ho-ho

Cavalgada alada de mim por cima de todas as coisas,

Cavalgada estalada de mim por baixo de todas as coisas,

Cavalgada alada e estalada de mim por causa de todas as coisas ...

Hup-la por cima das árvores, hup-la por baixo dos tanques,

Hup-la contra as paredes, hup-la raspando nos troncos,

Hup-la no ar, hup-la no vento, hup-la, hup-la nas praias,

Numa velocidade crescente, insistente, violenta,

Hup-la hup-la hup-la hup-la ...

Cavalgada panteísta de mim por dentro de todas as coisas,

Cavalgada energética por dentro de todas as energias,

Cavalgada de mim por dentro do carvão que se queima, da lâmpada que arde,

Clarim claro da manhã ao fundo

Do semicírculo frio do horizonte,

Tênue clarim longínquo como bandeiras incertas

Desfraldadas para além de onde as cores são visíveis ...

Clarim trêmulo, poeira parada, onde a noite cessa,

Poeira de ouro parada no fundo da visibilidade ...

Carro que chia limpidamente, vapor que apita,

Guindaste que começa a girar no meu ouvido,

Tosse seca, nova do que sai de casa,

Leve arrepio matutino na alegria de viver,

Gargalhada súbita velada pela bruma exterior não sei como,

Costureira fadada para pior que a manhã que sente,

Operário tísico desfeito para feliz nesta hora

Inevitavelmente vital,

Em que o relevo das coisas é suave, certo e simpático,

Em que os muros são frescos ao contacto da mão, e as casas

Abrem aqu; e ali os olhos cortinados a branco...

Toda a madrugada é uma colina que oscila,

...................................................................... e caminha tudo

Para a hora cheia de luz em que as lojas baixam as pálpebras

E rumor tráfego carroça comboio eu sinto sol estruge

Vertigem do meio-dia emoldurada a vertigens —

Sol dos vértices e nos... da minha visão estriada,

Do rodopio parado da minha retentiva seca,

Do abrumado clarão fixo da minha consciência de viver.

Rumor tráfego carroça comboio carros eu sinto sol rua,

Aros caixotes trolley loja rua i,itrines saia olhos

Rapidamente calhas carroças caixotes rua atravessar rua

Passeio lojistas "perdão" rua

Rua a passear por mim a passear pela rua por mim

Tudo espelhos as lojas de cá dentro das lojas de lá

A velocidade dos carros ao contrário nos espelhos oblíquos das montras,

O chão no ar o sol por baixo dos pés rua regas flores no cesto rua

O meu passado rua estremece camion rua não me recordo rua

Eu de cabeça pra baixo no centro da minha consciência de mim

Rua sem poder encontrar uma sensação só de cada vez rua

Rua pra trás e pra diante debaixo dos meus pés

Rua em X em Y em Z por dentro dos meus braços

Rua pelo meu monóculo em círculos de cinematógrafo pequeno,

Caleidoscópio em curvas iriadas nítidas rua.

Bebedeira da rua e de sentir ver ouvir tudo ao mesmo tempo.

Bater das fontes de estar vindo para cá ao mesmo tempo que vou para lá.

Comboio parte-te de encontro ao resguardo da linha de desvio!

Vapor navega direito ao cais e racha-te contra ele!

Automóvel guiado pela loucura de todo o universo precipita-te

Por todos os precipícios abaixo

E choca-te, trz!, esfrangalha-te no fundo do meu coração!

À moi, todos os objetos projéteis!

À moi, todos os objetos direções!

À moi, todos os objetos invisíveis de velozes!

Batam-me, trespassem-me, ultrapassem-me!

Sou eu que me bato, que me trespasso, que me ultrapasso!
A raiva de todos os ímpetos fecha em círculo-mim!

Hela-hoho comboio, automóvel, aeroplano minhas ânsias,

Velocidade entra por todas as idéias dentro,

Choca de encontro a todos os sonhos e parte-os,

Chamusca todos os ideais humanitários e úteis,

Atropela todos os sentimentos normais, decentes, concordantes,

Colhe no giro do teu volante vertiginoso e pesado

Os corpos de todas as filosofias, os tropos de todos os poemas,

Esfrangalha-os e fica só tu, volante abstrato nos ares,

Senhor supremo da hora européia, metálico a cio.

Vamos, que a cavalgada não tenha fim nem em Deus!

...............................................................

...............................................................

Dói-me a imaginação não sei como, mas é ela que dói,

Declina dentro de mim o sol no alto do céu.

Começa a tender a entardecer no azul e nos meus nervos.

Vamos ó cavalgada, quem mais me consegues tornar?

Eu que, veloz, voraz, comilão da energia abstrata,

Queria comer, beber, esfolar e arranhar o mundo,

Eu, que só me contentaria com calcar o universo aos pés,

Calcar, calcar, calcar até não sentir.

Eu, sinto que ficou fora do que imaginei tudo o que quis,

Que embora eu quisesse tudo, tudo me faltou.

Cavalgada desmantelada por cima de todos os cimos,

Cavalgada desarticulada por baixo de todos os poços,

Cavalgada vôo, cavalgada seta, cavalgada pensamento-relâmpago,

Cavalgada eu, cavalgada eu, cavalgada o universo — eu.

Helahoho-o-o-o-o-o-o-o ...

Meu ser elástico, mola, agulha, trepidação ...

 

Poesias de Álvaro de Campos.  

Ática, Lisboa, 1944

Poème précésent en portugais :

 Antonio Ramos Rosa : Une voix / Uma voz (02/09/2015)

Poème suivant en portugais :

Antonio RamosRosa  : Quand la lumière s’efface… / Quando a luz se apaga (02/09/2016)

 


 

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