Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le bar à poèmes
7 juillet 2025

Xavier Grall (1930 – 1981) : Incandescences

 

 

Incandescences

A Bernard

 

     Feux de mer, feux de terre


     terre de feu, vie de feu


     danse ! danse ! danse !


     aime : brûle ! brûle ! aime !

 

 

Brûlent les phares dans les démences éoliennes


feux chantants, antiennes


Ouessant ! Penmarc’h ! Sein


baou ! baou ! baou !


Lumières du monde qui chaque nuit renaît


dans le partage des eaux


âmes des trépassés mes beaux navires


allez ! allez ! allez !


car nos morts sont des feux


feu mon père


feu mon frère


mes feux errants


feux de Bretagne aux confins du paradis


brûlez ! brûlez ! brûlez !


Phares plantés pleine houle


menhirs couronnés de lueurs


pierres debout dans le buisson des vagues


phares, feux fraternels


pour les naufragés s’il vous plaît


brûlez ! brûlez ! brûlez !


et pour les vivants s’il vous plaît


envoyez votre musique de flammes


sur les cargos perdus

 

 

     Feux de mer, feux de terre


     terre de feu, vie de feu


     danse ! danse ! danse !


     aime : brûle ! brûle ! aime !

 

 

Quand ils passaient le Horn


ils juraient Dieu qu’ils n’y retourneraient plus


ils enverguaient nuit et froidure


avec de pauvres mains pleines de gerçures et de gelures


les albatros haubannés chantaient le libéra


et comme c’est triste un albatros qui meurt !


froid : enfer !


enfer froid !


transis ! transis ! transis !


damnés seront transis


froide haine ! froide peine !


le cœur en glace, l’esprit gelé


pas de flamme dans l’enfer


Ô l’éternelle bise !

 

 

Passé le Horn infernal


les marins retrouvaient l’épiphanie


des phares et des balises


et le Chili venait à eux comme une femme


Valparaiso !


finie l’obsession de l’iceberg à blanche gueule de satan


finie l’angoisse, finie !


bonjour paradis


et ils dansaient au bras des araucanes


la chaude, la marine, la bonne chanson

 

 

     Feux de mer, feux de terre


     terre de feu, vie de feu


     danse ! danse ! danse !


     aime : brûle ! brûle ! aime !

 

 

Salut mes entrées de ports armoricaines


merci mes abers où les carènes dansent le slow


salut mes havres doux comme des ventres


salut La Trinité ! salut Kerdruc ! salut Port Navalo


salut mes proues dans les soirs de septembre


ancre de miséricorde, salut !


salut mes caboulots ! salut mes malamoks !


mes oiseaux blancs, salut !

 

 

     Feux de mer, feux de terre


     terre de feu, vie de feu


     danse ! danse ! danse !


     aime : brûle ! brûle ! aime !

 

 

Et ces feux de terre dans la cambrure des landes


brasiers réveillant l’âme des fermes


hou ! hou ! le vent ! le vent !


Ô gloire des braseros par les hivers ruraux


ne laisse pas tes larmes geler dans ta pierre


ouvre ! ouvre ta porte au vagabond et au loriot


aime ! brûle ! aime !


il faut aller jusqu’au bout de l’amour et du feu


prends tout, aime tout


de ton feu ne soit jamais avare


Tan ! tan ! tan !


feu ! feu !feu ! 


craquent les fagots au noir pignon des chaumines


et le feu se met à parler du soleil et des astres


aux enfants en sabots, aux meubles de merisier


et voilà que les rêves cheminent.

 

 

Feux de tourbes


écobuages


ainsi se parlent les hameaux dans le bocage


et flamboient les persiennes aux torches des aurores


Feux des bergeries


feux de hautes laines


feux forains, feux bohémiens


et vient la Saint-Jean d’été


et la fête du feu


solstice ! solstice ! solstice !


dansez mes arbres ! dansez mes haies !


brûlez, ô chênes ! incendiez-moi ces ville puantes


mes feux, allez ! allez !


feux fols, feux follets, feux fols,


incendiez-moi ces Babylones qui ne savent ni le blé


ni la mer


brasillez ! brasillez ! mes feux follets


solstice ! solstice : solstice !

 

 

     Feux de mer, feux de terre


     terre de feu, vie de feu


     danse ! danse ! danse !


     aime : brûle ! brûle ! aime !

 

 

Le feu est réellement paroles de l’Esprit


feu de Dieu, oui ! feu de Dieu, superbe langue.

 

 

La Sône des pluies et des tombes, 


Editions Kelenn,29215 Guipavas,1976


Du même auteur : 


Solo (07/07/2014)


Allez dire à la ville (0707/2015)


  Les Déments (07/072016)


Ne me parlez pas de moi (07/07/2017)


Ballade de la mort lente (07/07/2018)


Son âme dans le couloir (07/07/2019)


Ci-gît Robin (07/07/2020)


Le rituel breton (07/07/2021)


J’aimerais partir (07/07/2022)


Amour Kerné (07/07/2023)


La Fille des Aulnes (07/07/2024)
 

Commentaires
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
117 abonnés