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Le bar à poèmes
8 mai 2025

Françoise Morvan (1958 -) : Pluie (1)

 

 

 

 

Pluie

 


Comme on dit que la pluie murmure


L’enfant mussé dans sa maison de plumes


Sous la soie rouge au fond du vieux grenier


Sent une femme immense qui l’entoure

 

 

Femme en blouse à fleurs mauves et mêlées de nuages


Flottant dans le parfum léger des chèvrefeuilles


Poussé avant la pluie par un souffle de vent


Et la chanson se perd au fil de l’air

 

 

Sous les arceaux fins de la porcelaine


Glisse un ruban de soie ponceau


Ciel de Verlaine après la pluie


Mauve et gris tourterelle

 

 

Jouant à voir le jour à travers les fougères


On a soudain l’enfance et le ciel gris


La pluie légère aussi sur les pois de senteur


Et les soieries et les jeux de patience

 

 

Miellat des tilleuls


Brumée sur les feuilles


Pluie sucrée blondeur qui se lèche


Au milieu des abeilles

 

 

Clameur avant l’averse


Eclat des draps qui claquent


Gifles de géant dans l’air trouble


Où le merle déroule un cri d’alarme

 

 

Rouge éclatant de coquelicots


L’ogre aux sept femmes


A fini d’égoutter ses clés sanguinolentes


Au revers du talus mouillé

 

 

Pris de folie les enfants sages


Sortent pieds nus danser dans la prairie


Couronnés d’orage et d’éclairs violets


Renards rendus à leur rage de joie

 


Tout au fond du ciel jaune un vieux soleil


Tremble à l’instant de sombrer dans le noir


Et quand l’orage crève un cri grandit


Hourvari de rage arraché aux morts

 

 

Lueurs de feu aiguisant les lames


Dans la cour assombrie du vieux manoir


Les faux semblent dressées contre le ciel


Et le silence est noir comme un bloc de basalte

 

 

Amère et douce endeuillée de musc


La pluie filtrant sur les fleurs de troène


Laisse affleurer serti dans l’air humide


Un chrème à blancheur d’organdi

 

 

La pluie sur les melons d’eau douce


L’odeur sucrée du foin qui fume


Mêlée au tabac blond des femmes


Voilant et dévoilant les confidences

 

 

Les pruniers que l’on dit mirobolants


Inclinés sous la pluie laissent reluire


Au miroir du ciel leurs menus cœurs rouges


Plus durs que des cœurs de poupée

 

 

Même broderie sur le sable


Pattes d’oiseaux feuilles de pluie


Fin plumetis qu’une botte écrase


Comme un visage sous un bloc de boue

 

 

Le vent de pluie berçant la balançoire


Emporte la fumée des feux de fanes


Vers l’ouest où vont les bohémiens


Avec les ors de la fête éteinte 

 

 

La faux sur ce grand paysage


Ne fait qu’une ondée grise


Le vent de pluie passant sur les fougères


S’efface avec ce bruit furtif qui s’évapore


....................................................................................

 

 

 


Pluie


Editions Mesures, 2021

 


De la même autrice :

 
Retour / Allège (08/05/2021)


Le bois des fables (08/05/2022)


Lucarne / Grèbe (08/05/2023)


Effraie / Roseaux (08/05/2024)
 

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