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Le bar à poèmes
20 avril 2025

Paul Dirmeikis (1954 -) : Etat des lieux modifié (Fugue 2 à 4)

Créateur : Picasa Crédits : L235A

 

 

Etat des lieux modifié

 

Fugue n°2

 

TOUJOURS S’EMBAUME ce moment d’avant l’étape


          toujours s’embardent ces chevaux, qu’un faux pas

 

 

tant attendue & plus ombrée alors sera cette parole


de femme aura apeurés & à peine aura-t-elle soupiré que

 

 

que l’on serre sur son sein & la paume s’égratignant


des feuilles joncheront le sol pluvieux, d’un lent plaisir retenu,

 

 

sur les quatre fourchons de la lumière & le dernier labeur


quand le moment vient là, de partir, on n’interroge

 

 

du jour, avant la lente cuisson des séditions, on voudra


aucun tarot, on ne consulte aucun horaire de train,

 

 

accroire à la bonne veille des braves gens, aux angles


à peine aura-t-on porté attention  à la teinte du ciel,

 

 

des lieux borgnes, mais on sait déjà n’est-ce pas,


à peine aura-t-on noué quelques bruits familiers

 

 

que le Malin ne se terre jamais dans l’obscur & s’invite


à la porte d’entrée, ainsi qu’au poignet on liait parfois

 

 

à l’autodafé des jours de fête & à la grande prière


un écheveau de laines rouges, en gage d’amitié,

 

 

des défunts, on sait déjà que la famille viendra


& quand, d’un va-&-vient des orteils, on aura longuement,

 

 

du plus loin du loin & s’assemblant autour du secret


amoureusement même, creusé le sable, dénudant alors

 

 

& de l’astreinte obédience & ceux-là baiseront


quelques anneaux du temps, tels qu’aux avant-bras

 

 

les sabots crottés du grand cerf au pelage vermineux


des manchons de mensonges, quand on remontera le fleuve,

 

 

& de purin séché, on se passera la carafe cuivrée de rogomme


ainsi que l’on remonte longuement, amoureusement même,

 

 

& de brandevin au poivre, on ragonnera les derniers mots


les rouages de l’horloge, avec son balancier silencieux,

 

 

prononcés au plus haut du labeur, on s’habituera à l’odeur,


dans la sombreur d’un salon, sentant le labour & la ronce

 

 

faudra bien n’est-ce pas, on goûtera aux cendres


malade, & toujours battront ces terreuses mains d’enfant,

 

 

& au cortège des serments, on s’assoupira de temps à autre


quand elles ont moulé des murailles de châteaux d’enfants

 

 

c’est sûr, on recrachera tout ensemble des nœuds de nerf


& leurs vertiges d’enfant en forme d’éclaircies, quand leurs ongles

 

 

longtemps mâchés & les plus douloureux souvenirs


ont la teinte des feuillages endeuillés, & levées haut,

 

 

longtemps mâchouillés de même, on posera une joue


face aux lassitudes, leurs terreuses mains d’enfant

 

 

contre le versant le plus brûlant  des forêts ombrées,


serreront la flamberge des bâtisseurs,

 

 

là où traînassent ceux-là qui croient encore aux dieux


& leurs terreuses mains d’enfant empoigneront

 

 

& à l’irrépressible des hordes, ceux-là qui vénèrent


l’aveuglement & le désarroi feints des mendiants,

 

 

la neige & les cœurs battant dessous la neige,


au long des couloirs, menant aux quais de gare,

 

 

ceux-là encore qui scandent la marche de la mort


& toujours on pressera le pas, de peur que la main,

 

 

sous leurs lourds pas de moissonneurs transpirants,


de peur que le regard, de peur que la parole

 

 

& on hésitera à recouvrir le Malin de sa pelisse


se couchant au travers, de peur qu’une écume brunâtre,

 

 

de longues eaux noires, ainsi que l’on recouvre


frisant & frissonnant au liseré des noyés, & battant l’aire

 

 

les chemins de longs frissons violacés


de battage d’un dur talon têtu, & dansant & dansant & dansant

 

 

& on se refusera à pressentir ces vendanges


& soulevant le cœur, ainsi qu’en pleine mer, sous la houle

 

 

trop tardives, on suera fort sous ce manteau


& ses ronces, & viendrait alors ce faux pas que les époux

 

 

de ténèbres que l’on se sera cru autorisé à emprunter


redoutent tant & dressés, face à cette feinte amitié des orages

 

 

à l’ultime issue du jour


les chevaux s’ébroueront

 

 

Fugue n°3

 

TOUJOURS S’ETREINT ce corps, avec sa plainte


          toujours s’entache de frilosités cette frêle renommée

 

 

& ses échos de rapace nocturne, à l’orée des lentes marées,


du pollen, & dans l’air d’avril claquent des étendards,

 

 

on n’entendra clairement ni les mots, ni les morts


au faîte des dimanches hissés & telle la boue couronnant

 

 

& on ignorera les vastes cérémonies de la haute mer,


les genoux, la tradition durcira & s’effritera à chaque enjambée

 

 

& le soleil se gangrènera, ainsi qu’un bras de soldat blessé


plus large, on presse d’un pouce insistant la veine gonflée

 

 

& désormais, tout se dira à haute voix, tout ne sera


du lendemain, tant de maisons ont été vite bâties

 

 

qu’éloignement fatal, tout sera pareil à ce crime d’homme


sur le flanc de l’éclair, que l’on ne sait quoi répondre

 

 

déposé en offrande aux pieds de l’homme, tout ne sera


aux appels des mères soucieuses, on transgresse

 

 

qu’un fauve épiant la tombée du jour, tout aura


tant d’usages sans songer à mal, on courrouce

 

 

cette fragrance de naufrage & de capture fatale


tant d’orages n’est-ce-pas, le temps sera proche

 

 

& de chienne en ses chaleurs, toujours s’étreint le vantail


d’une plus grande étreinte & d’un assaut convenu

 

 

à peine s’ouvrant de la solitude, toujours on traînera


des chiens sans maître, le temps sera venu

 

 

le charroi des geigneries & des sébiles sonnaillantes,


d’une démence démuselée & d’un sommet inversé,

 

 

tout ne sera qu’église désertée & hivernale, où tout


le temps sera venu d’un sacrifice des antipodes

 

 

souffle n’est que buée d’enfant & désormais, tout pourra


& d’une heure sans contreforts, le temps sera venu

 

 

s’oublier, autant l’impossible durée des choses, autant


d’un passé en guenilles & d’un verger déchiré de secrets

 

 

la salinité des insomnies, autant les mots, autant les morts,


& toujours, de quelques silhouettes grises de mécréants,

 

 

& toujours fermenteront les silences piégés dans les coins


s’entache la robe claire des fenêtres, on errera alors

 

 

mal balayés, la route glissera sous la semelle élimée des jours,


ainsi que des mendiants glorieux & les mains tendues

 

 

il faudra se montrer prudents bien sûr, puisque les mirages


seront la rémanence des âmes tuméfiées, le cœur s’épuisera

 

 

ont la vie dure & l’essaim palpitant se fixera


tel un grillon sous l’aube, & toujours d’oubli s’entache

 

 


sur les pesantes branches de la pluie, l’heure à venir


le tablier ceignant les hanches nues des eaux vives,

 

 

aura cette odeur surie d’un village sans habitants,


le temps sera venu de se prosterner devant le gave blanc

 

 

désormais, on pourra ignorer le figuier râblé


du jamais, du jamais plus, du jamais là, du jamais trop,

 

 

& son entêtement torsadé de figuier, on pourra affirmer


& on limera les pieux de la pluie, on taillera dans le vif

 

 

que tout çà a bien peu d’importance n’est-ce pas,


des vieux murs & l’enfer enfin affleurera les édifices des vivants

 

 

que ce soient les mots, ou les morts, ou les serpents


insouciants & les enfants musarderont dans le dédale

 

 

invisibles des sentiers caillouteux, ou encore


de l’invisible & des piteuses moissons du dernier été,

 

 

les nappes phosphorescentes de la mémoire,


& le temps sera venu alors d’une guerre sans rumeurs

 

 

ou ces histoires outrancièrement réinventées,


ni sillons & toujours s’entache de quelques frilosités

 

 

& leurs frottements d’étrave fendant les vagues


cette frêle renommée du pollens & dans l’air d’avril claquent

 

 

& on s’endormira plus tôt, bien plus tôt


des étendards  au faîte des dimanches hissés & telle la boue

 

 

que de coutume dans le dénouement des rives


couronnant les genoux, la tradition durcira & s’effritera

 

 

Fugue n°4

 

TOUJOURS S’EN VENDENT de ces tristesses aux ballots,


          toujours sont & vont & le vent & les sons

 

 

par le forains du dimanche matin & leurs cantilènes


au petit matin du décembre, on déblaie toujours

 

 

braillardes et toujours s’en vendent de ces frontières éphémères


plus de pierraille dans le tuf, on émiette le pain durci

 

 

entre le jour se levant & l’heure d’après, de ces cabots


au sillon des ornières, on s’avance au plus loin

 

 

toujours, à ces mêmes ballots, flânant au long


du ponton & on détache le filin des oraisons

 

 

d’un lent canal où tant de doutes s’allongent


du front des festons nacrés tout en haut des vagues,

 

 

puis filent l’ombre fuyante, on demande toujours plus,


tout en haut, on serre contre son sein des faisceaux

 

 

c’est l’apanage  des gémissants & des aubépines fleuries


de phrases osseuses ayant forme de serments,

 

 

à l’aine des villages, & c’est toujours si ladrement


on détache une à une les bardanes accrochées

 

 

que l’on marchandera avec les saisons, menant les pays


aux mollets & à la fierté mal placée, on se tient

 

 

bon gré, mal gré, c’est à grand-peine que la nuit suivante


à cette hauteur où les mots les plus bourbeux

 

 

se haussera au même niveau de ruine que le jour


ne savent  plus écheler, on écoute les phalènes

 

 

d’avant, on aura les ongles terreux & on traînera


cogner contre les lampes-tempête & on compte

 

 

sa pèlerine évidée de toute chair sous les basses ramées


les heurts saccadés ainsi que des pleureuses assises

 

 

d’un érable rouge & s’en vendent ainsi de ces cœurs


autour d’un parterre de soldats blessés & chiffrant

 

 

épars, vêtus de noir & pareils à de petits pains dit-on


leurs regrets & on a cette perçante impression

 

 

& la bonté se traînera tel un feu mourant & ses plumes


de déjà-vu  en découvrant un bagage ventru

 

 

flétries ignorant le vent & qu’en sera-t-il alors de cette disgrâce


devant la grille, on se doute que les adieux

 

 

plus serrée qu’un lierre autour de l’heure, qu’en sera-t-il


seront granuleux, on ne saurait offenser

 

 

de cette disgrâce & de sa traîne d’escargot chaque matin


plus amèrement les mânes de la demeure familiale

 

 

sur les tomettes rouges de la terrasse, qu’en sera-t-il


qu’à ces moments-là de ruine & de rogue parlure,

 

 

de cette lenteur d’homme déclinant & arpentant son verger


& les ronces saillant aux dépens du cadastre

 

 

& son insolence vernale, & toujours s’en vendent ainsi


de référence & les vaines récréminations des paysans floués,

 

 

de ces colifichets de fête foraine dont on pare le poignet


on s’habituera aux glapissements de la nuit, & la fiente

 

 

ou le cou ou l’hiver dévêtu ou les après-midi insipides,


des très hauts oiseaux balisera tous lieux de discorde

 

 

& pourquoi donc faudrait-il souffrir de l’impermanence


& rassurant les mains tremblantes, qu’importent alors

 

 

des terres & de la gaucherie des amants de tout frais,


les décombres du décembre & qu’importent leurs vents

 

 

pourquoi faudrait-il laisser cuire la soupe plus longtemps


qui vont & traînent, insultants & arrogants, tels une bande

 

 

si la créance se fait pressante, autant s’avouer vaincu


d’ados autour du flipper ou du baby-foot & ne laissant personne

 

 

au plus tôt n’est-ce pas, autant se remémorer l’indolent


s’en approcher, on tirera l’amitié crasseuse à la courte paille,

 

 

va-et-vient de la houle & l’échappée à l’aveugle


on ouvrira les grilles des grands domaines du dimanche,

 

 

de tous ceux-là qui se sentiront pourchassés bientôt


ceux-là en bout des longues, si longues allées de platanes

 

 

 


Toujours


Mordre au travers, 22190 Plérin, 2021

 


Du même auteur : 


Laudes du bois (20/04/2019)


L’Epaule d’Orphée (21/04/2020)


Laudes du feu (21/04/2021)


L’anneau des frontières (I-XI) (21/04/2022)


L’anneau des frontières (XII - XVIII) (21/04/2023)


Etat des lieux modifié : Fugue 1 (21/04/2024)

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