Olivier Larronde (1927 – 1965) : « Dans ces linges, ô mer... »
Pour Jean-Pierre.
I
Dans ces linges, ô mer, nous nous désenlaçâmes
Ces linges orageux où préparent un lit
Les derniers courants d’air. A l’heure où se déplient
De sombres paravents, au travers de mes larmes,
Saurai-je reconnaître aux cendres les contours
D’un ciel d’après-dîner. Votre sel sur ma peau
L’impénétrable écorce !
Ainsi qu’aux froides tours,
Qu’un bel œil détourné perdrait toutes ses flèches,
Mer ! contre votre amant en nage sur ces linges
Rêches, dans le temps où vous rentrez vos troupeaux.
II
Riche nuit ! Si je suis hélas d’une autre étoffe,
La trame n’en est pas de vos oiseaux de mer
Mais de leurs froides proies ourdie.
Sur ces terrasses
Où vous êtes à l’aise, ô nuit dans vos bains d’huiles,
Irai-je, à chaque pas brisant des pots de fard,
Défaire le jeu des ultimes barricades
Si je n’y suis cloué par de splendides races :
La nuit sur son plateau verse un quartier d’étoile :
N’est, d’un pleur si brûlant, que le gardien de phare,
Ce sourcilleux donjon, mer, votre amant en nage.
Les barricades mystérieuses
Marc Barbezat éditeur, 60150 Décines, 1946