Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le bar à poèmes
28 janvier 2025

Walt Whitman (1819 – 1892) : Chanson de la hache à large lame / Song of the broad-axe (1--5)

Walt Whitman par Samuel Hollyer, gravure d'un daguerréotype de Gabriel Harrison (original perdu), J.uillet 1854.

The Walt Whitman Archive . Gen. ed. Matt Cohen, Ed Folsom, & Kenneth M. Price.

 

 

Chanson de la hache à large lame

 

1


Arme bien faite, arme nue, mate,


Tête extraite des veine ventrales de la mère,


Chair en bois et en os de métal, membre un et unique, lèvre une et unique


Feuille bleu-gris ouverte par la braise rouge, cosse grandie d’une petite graine


     ensemencée,


Dans l’herbe, sur l’herbe et parmi l’herbe reposant,


Que l’on appuie sur, où l’on s’appuie sur

 

Forme et force, qualités de forme et de force, profession masculine, par vues


     et par sons,


Train emblématique composé, attaque musicale brève,


Doigts d’organiste sautant staccato sur les bouches du grand orgue.

 

2


Accueil à toutes les terres de la terre, chacune sa nature,


Accueil à toutes les terres à chênes et à pins,


Accueil à toutes les terres citronnières, figuières,


Accueil aux terres aurifères,


Accueil aux terres du blé, du maïs, accueil aux terres du raisin


Accueil aux terres du sucre, du riz,


Accueil aux terres de coton, accueil à celles de la patate douce, de la pomme de


     terre blanche


Accueil aux montagnes, aux plaines, aux sables, aux forêts, aux prairies,


Accueil aux riches confins de plateaux, fleuves, trouées,


Accueil aux incommensurables terres pâturages, accueil aux terres fructifères en


     vergers, lin, miel, chanvre ;


Accueil égal tout de même aux autres terres plus âpres,


Aux terres riches en or, riches en blé ou en fruits,


Aux terres minières, aux terres du métal viril, rugueux,


Aux terres de charbon, de cuivre, de plomb, d’étain, de zinc,


Aux terres de fer, aux terres de l’industrie des haches.

 

3


La bûche sur la pile de bois et, appuyée tout contre, la hache,


La hutte dans la sylve, au front de la porte la vigne vierge, un espace défriché en


     guise de jardin,


L’irrégulier goutte à goutte de la pluie sur les feuilles après le passage de l’orage,


L’intermittente plainte ou gémissement, image de la mer dans la pensée,


L’image de vaisseaux assaillis par la tempête, couchés sur la lice, les mâts


     que l’on abat,


Cette impression d’énormité des poutres aux maisons, aux granges de jadis,


Une gravure, un récit imprimés dans le souvenir, la traversée entreprise au


     risque de la vie des hommes, des familles et des biens,

 

Le débarquement, la fondation d’une cité nouvelle,


La traversée de ceux qui recherchant une nouvelle Angleterre la trouvèrent,


     départ au hasard des côtes,Les colonies dans l’Arkansas, le Colorado, Ottawa, Willamette,


La lente progression, la nourriture rare, la hache, le fusil, les sacs de selle,


La beauté des aventuriers toujours, la beauté des audacieux,


La beauté des jeunes coureurs de bois, des forestiers, leurs visages clairs mal


     débroussaillés,


La beauté de l’indépendance, des départs, des actions accomplies en toute


     autonomie,


Ce mépris des Américains pour les statuts ou les cérémonies, leur indomptable


     impatience des contraintes,


La libre errance au fond des tempéraments, l’étincelle au hasard des visages


     bien typés, l’affermissement ;


Les bouchers aux abattoirs, les mousses au schooner ou au cotre, le pilote de


     radeaux, le pionner,


Le camp des bucherons l’hiver, le jour perce à travers les feuilles, on voit des


     marques de neige aux branches, parfois l’une se brise.


On entends résonner sa propre voix haut et clair, joie de chanter, de vivre


     naturellement dans les bois, toute une longue journée de travail,


Les flammes du feu la nuit, la douceur du souper dans la bouche, on parle,


     on se couche sur un lit de branchages de ciguë couvert de peaux d’ours ;


Aux villes ou peut-être ailleurs s’affaire l’ouvrier en bâtiment,

 


Pose de la menuiserie, mise à équerre, sciage, mortaisage,


On monte à la poulie les poutres, on les cale à leur place, on les met de plan,


On enfonce les clous par leurs tenons dans les mortaises préparées à cet effet,


Coups de maillets, des marteaux, attitudes des hommes travaillant bras et jambes


     pliés,


Accroupis ou debout, chevauchant une poutre, enfonçant des chevilles, se


     tenant aux cadres ou aux chambranles,


Coude à l’angle derrière une partie plate cependant que l’autre main empoigne


     la hache,


Les planchéiers entrent les planches qu’ils clouent, de force,


On croirait à voir leur position qu’ils abattent dangereusement sur eux-mêmes


     leurs outils,


L’écho résonne dans le vide de la bâtisse ;


Le grand magasin monte à toute vitesse dans la cité,


Six charpentiers, deux au milieu, deux à chaque bout, transportent avec


     prudence une planche lourde qui va servir de poutre de soutien,


Les maçons, truelle dans la main droite, sont alignés face au mur qu’ils


     maçonnent à toute allure, deux cent pieds d’un côté jusqu’à l’autre.


Souplement les dos se lèvent puis s’abaissent, on entend le continuel


     clac-clac des truelles contre la brique,


Chaque brique rejoignant habilement sa place après l’autre, d’un petit heurt


     avec le manche de la truelle,


Matériaux en tas, mortier aux oiseaux constamment renouvelé par des


     manœuvres.


On taille des vergues dans le chantier naval, à l’oeuvre un essaim d’apprentis    


     bien découplés,


Qui de l’entame tournoyante de leurs haches sur une bille de bois grossièrement


     débitée lui donnent peu à peu le profil d’un mât ,


Grincement bref, sec, du fil du métal tombant à l’oblique dans le bois du pin,


Et copeaux de voler en éclisses, en mèches jaunes de beurre de tous côtés,     


Mouvement fluide des jeunes bras nerveux musclés, des hanches tournant


     librement dans les habits,


Le constructeur de quais, de ponts, de jetées, de cloisons, de flotteurs, d’étais


     aptes à supporter la mer,


Le pompier de la brigade urbaine, tout à coup éclate un incendie au milieu de


     la foule assemblée,


Arrivent des voitures dans un tumulte de cris, audacieusement, prestement le feu


     est combattu.


Des ordres précis sont donnés dans la trompe d’alarme, chacun est à son poste,


     en bas, en haut alternativement les bras activent actionnent la pompe,


Mince spasme des jets d’eau blanc bleuté, entrée en jeu des grappins,


     déploiement des échelles ,


On enfonce, on crève, on découpe les cloisons en bois, on ouvre les planchers

 

     sous lesquels couve encore le feu,


La foule regarde, faces éclairées par l’incendie, jeu de lueurs rouges et d’ombres


     noires ;


Le forgeron travaille à son fourneau pour les façonneurs de fer qui suivront,


Façonnement de grandes ou petites haches, soudure ou trempe de lames,


Puis l’essayeur soufflera sur le métal froid, passera son pouce sur le tranchant,


Puis viendra celui qui embauchera la poignée de bois poli dans la gaine ;


N’oublions pas non plus la spectaculaire procession des ombres des tout


     premiers utilisateurs,


Industriels primitifs, architectes ou ingénieurs,


Obscurs édificateurs des temples assyriens, du temple de Mizra,


Licteurs romains précédant les consuls,


Ancestral guerrier d’Europe combattant hache à la main,


Bras dressé, une bruyante grêle de coups s’abat sur les casques,


Hurlement à la mort, le corps mollement s’affaisse, ami, ennemi se ruent


     ensemble,


N’oublions pas l’assaut fait aux seigneurs liges ligués pour la liberté,


Les sommations en reddition, le bélier enfonçant les grilles du château, la


     trêve, les négociations,


Le pillage des cités antiques,


L’irruption des mercenaires et fanatiques dans un même chaos tumultueux,


La colère des cris, les flammes, le sang, l’ivresse, la folie,


Le sac fait aux temples, aux maisons, les hurlements des femmes aux mains des


     brutes,


La ruse, le vol des suiveurs et autres soudards, des hommes courent de tous côtés,


     les vieillards se lamentent ,


La guerre autrement dit l’enfer, la cruauté des croyances,


Le catalogue des actes commis, des mots prononcés, justes injustes,


Le pouvoir exercé sur les personnes, juste injuste.

 

4


Du muscle, du cœur, toujours et toujours !


Source de vigueur pour la vie c’est source de vigueur pour la mort,


Car les morts vont en avançant autant que vont en avançant les vivants,


Car l’avenir n’est pas moins incertain que le présent ne l’est,


Car la grossièreté brute de la planète et de l’homme n’a pas moins de couches


     que n’a de couches la subtilité de la planète humaine.


Car rien ne résiste tant que nos qualités personnelles.

 

D’ailleurs qu’est-ce qui résiste le mieux selon vous ?


Une ville, une grande cité, vous croyez vraiment ?


Un Etat regorgeant de manufactures ? une constitution élaborée ? des navires


     à vapeur impeccablement conçus ?


Des hôtels en granit et en fer ? des fortins, des armureries, la première prouesse


     technologique venue ?

 

Vois êtes à côté ! Toutes ces choses valent pour autre chose qu’elles-mêmes,


Et puis bonsoir, voyez comme cela se passe très bien pour tout le monde,

 


Vraiment très bien, jusqu’au petit défi de trop, tombe la foudre !

 

Une grande cité est grande lorsqu’elle a les meilleurs des hommes et des femmes,

 

Ne serait-elle composée que de trois misérables huttes crotteuses qu’elle serait


    pourtant la première au monde !

 

5


Ce ne sont pas les kilomètres de quais, de docks, de manufactures, de dépôts

 

     de marchandises qui font la qualité d’une grande ville,

 

Pas les incessants au revoir des bateaux levant l’ancre ou les bonjours des

 

     nouveaux arrivants qui font une grande ville,

 

Pas la hauteur incomparable ni le luxe des buildings, des boutiques de commerce

 

     qui font l’horizon d’une grande ville,

 

Pas l’excellence des bibliothèques ou des écoles, pas l’abondance facile de l’argent,


Pas plus que les chiffres élevés de la population, non,

 

Mais là où les orateurs et les bardes montrent le plus de cœur et de nerf,


Mais là où les habitants aiment une ville qui les aime intelligemment en retour,


Mais là où les monuments des héros n’ont d’existence que dans les paroles et


     dans les actes, rien d’autre,


Mais là où règne l’économie, là où plaît la prudence,


Mais là où la législation est légère aux hommes comme aux femmes,


Mais là où l’esclave ni l’esclavagiste n’ont plus cours,


Mais là où la populace spontanément se soulèvera contre l’inépuisable


     impudence des élus,


Mais là où jaillit la fierté en vagues pareilles aux longues vagues ondulantes


     de la mer sous le sifflet de la mort,


Mais là où l’autorité extérieure toujours cédera prééminence à l’autorité interne,


Mais là où le citoyen constitue le modèle idéal tandis que président, maire ou


     gouvernement ne sont que les fonctionnaires salariés,


Mais là où les enfants reçoivent dans l’enseignement la légitimité comme la


     légalité de leur autonomie,


Mais là où l’équanimité s’illustre concrètement dans la vie des affaires,


Mais là où sont encouragés les spéculations de l’âme,


Mais là où les femmes participent aux processions à côté des hommes dans la rue.


Mais là où elles entrent comme eux dans les assemblées publiques, prenant


     place à côté d’eux.

 

Mais là où prévaut la fidélité en amitié,


Mais là où règne la limpidité entre les sexes,


Mais là où les pères ont la santé meilleure,


Mais là où les mères ont la beauté physique en elles,


Là, oui, est la grande cité.


Du même auteur :


 Descendance d’Adam / Children of Adam (27/01/2015)


Chanson de moi-même / Song of myself (28/01/2017)


Drossé au sable / Sea - drift (25/07/2017)


Départ à Paumanok / Starting from Paumanok (28/01/2018)


Envoi / Inscriptions (28/01/2019)


Calamus (28/01/2020)


Salut au monde ! (28/01/2021)


Chanson de la piste ouverte /Song of the open road (28/01/2022)


Sur le bac de Brooklyn / Crossing Brookling ferry (31/07/2022)


La chanson du Grand Répondant - Notre antique feuillage /Song of the answerer / Our old feuillage (28/01/2023)


Chanson des joies / A song of joys (28/01/2024)

 

Song of the broad-axe

1


WEAPON shapely, naked, wan,


Head from the mother's bowels drawn,


Wooded flesh and metal bone, limb only one and lip only one,


Gray-blue leaf by red-heat grown, helve produced from a little seed sown,


Resting the grass amid and upon,


To be lean'd and to lean on.S


trong shapes and attributes of strong shapes, masculine trades, sights and sounds,


Long varied train of an emblem, dabs of music,


Fingers of the organist skipping staccato over the keys of the great organ.


2


Welcome are all earth's lands, each for its kind,


Welcome are lands of pine and oak,


Welcome are lands of the lemon and fig,Welcome are lands of gold,


Welcome are lands of wheat and maize, welcome those of the grape,


Welcome are lands of sugar and rice,


Welcome the cotton-lands, welcome those of the white potato and sweet potato,


Welcome are mountains, flats, sands, forests, prairies,


Welcome the rich borders of rivers, table-lands, openings,


Welcome the measureless grazing-lands, welcome the teeming soil of orchards,


     flax, honey, hemp;


Welcome just as much the other more hard-faced lands,


Lands rich as lands of gold or wheat and fruit lands,


Lands of mines, lands of the manly and rugged ores,


Lands of coal, copper, lead, tin, zinc,


Lands of iron—lands of the make of the axe.

 

3


The log at the wood-pile, the axe supported by it,


The sylvan hut, the vine over the doorway, the space clear'd for a garden,


The irregular tapping of rain down on the leaves after the storm is lull'd,


The wailing and moaning at intervals, the thought of the sea,


The thought of ships struck in the storm and put on their beam  ends, and the


     cutting away of masts,


The sentiment of the huge timbers of old-fashion'd houses and barns,


The remember'd print or narrative, the voyage at a venture of men, families,


     goods,


The disembarkation, the founding of a new city,


The voyage of those who sought a New England and found it, the outset


     anywhere,


The settlements of the Arkansas, Colorado, Ottawa, Willamette,


The slow progress, the scant fare, the axe, rifle, saddle-bags;


The beauty of all adventurous and daring persons,


The beauty of wood-boys and wood-men with their clear untrimm'd faces,


The beauty of independence, departure, actions that rely on themselves,


The American contempt for statutes and ceremonies, the boundless impatience


     of restraint,


The loose drift of character, the inkling through random types, the solidification;


The butcher in the slaughter-house, the hands aboard schooners and sloops,


     the raftsman, the pioneer,


Lumbermen in their winter camp, daybreak in the woods, stripes  of snow on


     the limbs of trees, the occasional snapping,


The glad clear sound of one's own voice, the merry song, the natural life of the


     woods, the strong day's work,


The blazing fire at night, the sweet taste of supper, the talk, the bed of hemlock-


     boughs and the bear-skin;


The house-builder at work in cities or anywhere,


The preparatory jointing, squaring, sawing, mortising,


The hoist-up of beams, the push of them in their places, laying them regular,


Setting the studs by their tenons in the mortises according as they were prepared,

                                                                      
The blows of mallets and hammers, the attitudes of the men, their curv'd limbs,


Bending, standing, astride the beams, driving in pins, holding on by posts and


     braces,


The hook'd arm over the plate, the other arm wielding the axe,


The floor-men forcing the planks close to be nail'd,


Their postures bringing their weapons downward on the bearers,


The echoes resounding through the vacant building;


The huge storehouse carried up in the city well under way,


The six framing-men, two in the middle and two at each end,carefully bearing


     on their shoulders a heavy stick for a cross-beam,


The crowded line of masons with trowels in their right hands rapidly laying the


     long side-wall, two hundred feet from front to rear,


The flexible rise and fall of backs, the continual click of the trowels striking the


     bricks,


The bricks one after another each laid so workmanlike in its place, and set with


     a knock of the trowel-handle,


The piles of materials, the mortar on the mortar-boards, and the  steady


     replenishing by the hod-men;


Spar-makers in the spar-yard, the swarming row of well-grown apprentices,


The swing of their axes on the square-hew'd log shaping it toward the shape


     of a mast,


The brisk short crackle of the steel driven slantingly into the pine,


The butter-color'd chips flying off in great flakes and slivers,


The limber motion of brawny young arms and hips in easy costumes,


The constructor of wharves, bridges, piers, bulk-heads, floats, stays against


     the sea;


The city fireman, the fire that suddenly bursts forth in the close pack'd square,


The arriving engines, the hoarse shouts, the nimble stepping and  daring,


The strong command through the fire-trumpets, the falling in line, the rise and


     fall of the arms forcing the water,


The slender, spasmic, blue-white jets, the bringing to bear of the hooks and


     ladders and their execution,


The crash and cut away of connecting wood-work, or through floors if the fire


     smoulders under them,


The crowd with their lit faces watching, the glare and dense shadows;


The forger at his forge-furnace and the user of iron after him,


The maker of the axe large and small, and the welder and temperer,


The chooser breathing his breath on the cold steel and trying the edge with his thumb,


The one who clean-shapes the handle and sets it firmly in the socket;


The shadowy processions of the portraits of the past users also,


The primal patient mechanics, the architects and engineers,


The far-off Assyrian edifice and Mizra edifice,


The Roman lictors preceding the consuls,


The antique European warrior with his axe in combat,


The uplifted arm, the clatter of blows on the helmeted head,


The death-howl, the limpsy tumbling body, the rush of friend and foe thither,


The siege of revolted lieges determin'd for liberty,


The summons to surrender, the battering at castle gates, the truce  and parley,


The sack of an old city in its time,


The bursting in of mercenaries and bigots tumultuously and disorderly,


Roar, flames, blood, drunkenness, madness


,Goods freely rifled from houses and temples, screams of women in the gripe


     of brigands,


Craft and thievery of camp-followers, men running, old persons despairing,


The hell of war, the cruelties of creeds,


The list of all executive deeds and words just or unjust,


The power of personality just or unjust.


4


Muscle and pluck forever!

 


What invigorates life invigorates death,


And the dead advance as much as the living advance,


And the future is no more uncertain than the present,


For the roughness of the earth and of man encloses as much as the delicatesse


     of the earth and of man,


And nothing endures but personal qualities.


What do you think endures?


Do you think a great city endures?


Or a teeming manufacturing state? or a prepared constitution? or the best built


     steamships?


Or hotels of granite and iron? or any chef-d'oeuvres of engineering,  forts,


      armaments?


Away! these are not to be cherish'd for themselves,They fill their hour, the


     dancers dance, the musicians play for them,


The show passes, all does well enough of course,


All does very well till one flash of defiance.


A great city is that which has the greatest men and women,


If it be a few ragged huts it is still the greatest

 

5


The place where a great city stands is not the place of stretch'd  wharves, docks,


     manufactures, deposits of produce merely,


Nor the place of ceaseless salutes of new-comers or the anchor lifters of the


     departing,


Nor the place of the tallest and costliest buildings or shops selling  goods from


     the rest of the earth,


Nor the place of the best libraries and schools, nor the place where money is


      plentiest


Nor the place of the most numerous population.

 

Where the city stands with the brawniest. breed of orators and bards,


Where the city stands that is belov'd by these, and loves them in


     return and understands them,


Where no monuments exist to heroes but in the common words and deeds,


Where thrift is in its place, and prudence is in its place,


Where the men and women think lightly of the laws,


Where the slave ceases, and the master of slaves ceases,


Where the populace rise at once against the never-ending audacity of elected


persons,


Where fierce men and women pour forth as the sea to the whistle of death pours


     its sweeping and unript waves,


Where outside authority enters always after the precedence of inside authority,


Where the citizen is always the head and ideal, and President, Mayor, Governor


     and what not, are agents for pay,


Where children are taught to be laws to themselves, and to depend on themselves,


Where equanimity is illustrated in affairs,Where speculations on the soul are


     encouraged,


Where women walk in public processions in the streets the same as the men,


Where they enter the public assembly and take places the same as the men;


Where the city of the faithfulest friends stands,


Where the city of the cleanliness of the sexes stands,

 


Where the city of the best-bodied mothers stands,


There the great city stands.

 

 

Leaves of Grass


David Mc Kay,Publisher, Philadelphia, 1891–92

 

 

 

 

 

Commentaires
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
108 abonnés