Canalblog Tous les blogs Top blogs Littérature, BD & Poésie
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
Le bar à poèmes
18 novembre 2024

Claude de Malleville (1597 – 1647) : La belle matineuse

 

 

 

La belle matineuse

 

I


 
     Le silence régnait sur la terre et sur l'onde;


L'air devenait serein et l'Olympe vermeil,


Et l'amoureux Zéphyre affranchi du sommeil


Ressucitait les fleurs d'une haleine féconde.

 


 
     L'Aurore déployait l'or de sa tresse blonde


Et semait de rubis le chemin du Soleil;


Enfin ce Dieu venait au plus grand appareil


Qu'il soit jamais venu pour éclairer le monde,

 


 
     Quand la jeune Philis au visage riant,


Sortant de son palais plus clair que l'Orient,


Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

 


 
     Sacré flambeau du jour, n'en soyez point jaloux!


Vous parûtes alors aussi peu devant elle


Que les feux de la nuit avaient fait devant vous.


 
  
II


 
     La nuit se retirait dans sa grotte profonde,


Les oiseaux commençaient leur ramage charmant,


Zéphyre se levait, et, les fleurs ranimant,


Parfumait d’un air doux la campagne féconde.

 


 
     L'Aurore en cheveux d’or se faisait voir au monde,


Belle comme elle l’était aux yeux de son amant, 


Et d’un feu tout nouveau le Soleil s’allumant,


Dans un char de rubis sortait de sein de l’onde.

 


 
     Mais lorsqu’en cette pompe il montait dans les cieux,


Amarante parut, et, du feu de ses yeux


Fit de l’Olympe ardent étinceler la voûte.

 


 
     L’air fut tout embrasé de ses rayons divers,


Et, voyant tant d’éclat on ne fut point en doute,


Qui, du soleil ou d’elle éclairait l’univers.

 

 

III

 


     L'Étoile de Vénus si brillante et si belle


Annonçait à nos yeux la naissance du jour,


Zéphyre embrassait Flore et, soupirant d'amour,


Baisait de son beau sein la fraîcheur éternelle.

 

 

     L'Aurore allait chassant les ombres devant elle


Et peignait d'incarnat le céleste séjour,


Et l'Astre souverain revenant à son tour


Jetait un nouveau feu dans sa course nouvelle. 

 

 


     Quand Philis, se levant avecque le Soleil,


Dépouilla l'Orient de tout cet appareil


Et de clair qu'il était, le fit devenir sombre.

 


 
     Pardon, sacré flambeau de la terre et des Cieux!


Sitôt qu'elle parut ta clarté fut une ombre


Et l'on ne connut plus de soleil que ses yeux.
 

                                                                                (1635)

 

 

Poésies

Augustin Courbé, Imprimeur-Libraire, 1649

Commentaires
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
121 abonnés