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Le bar à poèmes
11 septembre 2024

Josée Lapeyrère (1944 – 2007) : La quinze chevaux (2)

La quinze chevaux

 

...............................................................

allongée

dans l’herbe   elle

laisse    les bruits    venir    elle

 

découpe      avec   du

bleu    les feuilles    vertes    dans

 

la voiture qui brille     il

y a     peut-être    un homme    ou

deux      non pas deux     avec un

chapeau et des lunettes noires

et des fusils       pas de femme

ou presque une autre

                                  les liens

ne sont pas décidés   tournent

sans se nouer

                              ils attendent

ce qui leur arrive

eux

qui tiennent par un lien d’

air     la femme et l’homme    à

la voiture         comment les faire

venir      encore    ?    jusqu’à ce que

leur absence     n’enferme    plus

nos pas

           suivis      tirés par les

mots   nouant       arrondies   les

phrases    il nous faut recenser

encore les liens    remonter

encore le chemin     entre les blés

et le descendre    emportés par

le moteur qui bruisse

 

se croisent ce qui nous

entraîne   et nous fait

revenir    là    les temps

se superposent    les boucles

se courbent    en se nouant

mais

 

 

 

ils s’éloignent     tous deux

déjà     je les aperçois    à

peine      légers signes   noir

et doré       sur les blés   déjà

ils se font trace        marquant

la source    le lieu

des larmes

 

elle revient

vers la maison   elle est noire

contre le noir      seul un geste

la distingue      puis tout est

sombre et déserté

 

il continue de suivre la route

courbe    bruits du moteur reflets

dorés    découpent le chemin

je le perds de vue      je vois

seulement les blés      la route

qui défilent    sous des phares

ayant perdu    leur voiture

 

 

 

leurs corps s’étaient presque

défaits dans le paysage    et

voici   qu’ils reviennent

dans la nuit qui avance

 

elle s’endort sur le drap

gardée par le bruit du

moteur qui ne cesse de di

viser son rêve parfois

cela s’arrête elle ouvre

les yeux sur le noir alors

plein

 

 

 

il a les mains gantées sur

le volant    les phares ne cessent

d’ouvrir des segments lumineux

à la route bordée par les blés

sombres   où se jettent    les chats

affolés   il s’arrête  éteint

les phares        descend    de

la voiture   les blés   désormais

dorés    coupent la route noire

à son

                        réveil    les bords

des             volets sont   dorés

 

envie de les laisser

fuire     les laisser

dormir     en travers de

l’après-midi    elle sur

l’herbe presque noire     lui

dans la voiture     à l’ombre

d’une haie     dans un chemin

latéral         ( entre dossier

et volant       les jambes

allongées    sur la banquette )

et

       regarder

 

 

 

le jeune homme qui court

et tient un pinceau trempé

de couleur verte qui laisse

comme des touffes sur l’herbe

plus claire    un homme court

derrière lui    il crie

on n’entend pas le bruit de sa voix

on ne les voit plus

ils ont disparu   de l’autre côté

de la maison   le chat dans

l’herbe   dort   près du cadavre

d’une souris beige que l’enfant

va enterrer au milieu des rosiers

traçant la tombe ovale    avec

des cailloux blancs

 

 

In, Revue « Po&sie, N°37 »

Belin éditeur, 1986

De la même autrice :

 L’autre – Entre là et ici (11/09/2021)

Moments donnés ou Physiologie des Muses (11/09/2022)

Exercices en vol   -   De là à ici (11/09/2023)

La quinze chevaux (1) (11/09/2024)

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