Horace / Quintus Horatius Flaccus (65 av. J.-C. - 8 av. J.-C,) : « Trop longtemps le Père... » Iam satis terris ... »
Trop longtemps le Père a jeté sur terre
neige et grêle atroce et sa dextre rouge
sur les monts sacrés a laissé tremblante
Rome, tremblantes
les nations de peur que revienne l’âge
où Pyrrha pleurait ces nouveaux prodiges :
voir Protée menant vers les hautes cimes
paître ses bêtes,
les poissons perchés au sommet des ormes,
ce séjour, naguère, pour les colombes,
et les daims farouches nageant dans l’onde
dévastatrice.
Que ne vîmes-nous ? – Les flots d’or du Tibre,
dévaster, jetés loin des bords étrusques,
et les monuments d’un roi et le temple
de nos vestales
quand le fleuve-époux d’une Ilia dolente
qu’il vengeait, malgré Jupiter lui-même
hors de lui, roulait sur la rive gauche
ruine et sinistres.
On dira le fer aiguisé des luttes
entre citoyens, non les guerres perses,
à ces jeunes que le forfait des pères
laisse trop rares.
Quand l’empire croule, quel dieu le peuple
priera-t-il encor ? par quels chants les vierges
lasseront Vesta qui se tient hostile
à leurs prières ?
A qui Jupiter confiera la tâche
d’expier le crime ? Pourtant, réponds à
nos suppliques, ceint de nuée candide,
viens, ô prophète
Apollon, ou toi, riante Erycine,
dont Amour et Joie font l’heureux cortège,
ou, si tu reviens vers ta race en peine,
toi, l’origine,
rassasié d’un jeu harassant, que charment
les clameurs levées et les casques lisses
et les yeux du Maure sur sa victime
déjà sanglante,
toi, sinon, ailé, imitant l’image
d’un jeune homme, fils de Maïa la sainte,
sois nommé « vengeur de César », accepte
notre prière,
tarde à regagner ton séjour céleste,
reste encor, heureux, chez ton peuple, à Rome,
et que ta colère contre nos vices
comme un grand souffle,
ne t’emporte, ici, jouis de tes triomphes,
aime, ici, le titre de père et prince,
et punis l’orgueil impudent des Mèdes –
ô, César, règne !
(Odes, I,2)
Traduit du latin parAndré Markowicz,
In, André Markowicz : « Partages 2015-2016 »
Editions Mesures, 2022
Iam satis terris nivis atque dirae
grandinis misit pater et rubente
dextera sacras iaculatus arcis,
terruit urbem,
terruit gentis, grave ne rediret
saeculum Pyrrhae nova monstra questae,
omne cum Proteus pecus egit altos
visere montis,
piscinum et summa genus haesit ulmo,
nota quae sedes fuerat columbis,
et superiecto pavidae natarunt
aequore dammae;
vidimus flavom Tiberim retoris
litore Etrusco violenter undis
ire deiectum monument regis
templaque Vestae,
Iliae dum se nimium querenti
iactat ultorem, vagus et sinistra
labitur ripa Iove non probante u-
xorius amnis;
audiet civis acuisse ferrum,
quo graves Persae melius perirent,
audiet pugnas vitio parentum
rara iuventus.
Quem vocet divum populus ruentis
imperi rebus? prece qua fatigent
virgines sanctae minus audientem
carmina Vestam?
cui dabat partis scelus expiandi
Iuppiter? Tandem venias precamur
nube candentis umeros amictus
augur Apollo;
sive tu mavis, Erycina ridens,
quam Iocus circum volat et Cupido;
sive neglectum genus et nepotes
respicis auctor,
heu nimis longo satiate ludo,
quem iuvat clamor galaeque leves
acer et Marsi peditis cruentem
voltus in hostem;
sive mutata iuvenem figura
ales in terris imitaris almae
filius Maiae patiens vocari
Caesaris ultor,
serus in caelum redeas diuque
laetus intersis populo Quirini
neve te nostris vitiis iniquum
ocior aura
tollat: hic magnos potius triumphos,
hic ames dici pater atque princeps,
neu sinas Medos equitare inultos
te duce, Caesar.
Poème précédent en latin :
Ovide : Pénélope à Ulysse / Pénélope Ulixi (26/01/2024)