Georges Bataille (1897 – 1962) : « La nuit est ma nudité... »
La nuit est ma nudité
les étoiles sont mes dents
je me jette chez les morts
habillé de blanc soleil.
La mort habite mon cœur
comme une petite veuve
elle sanglote elle est lâche
j’ai peur je pourrais vomir
la veuve rit jusqu’au ciel
et déchire les oiseaux.
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A ma mort
les dents de chevaux des étoiles
hennissent de rire je mords
mort rase
tombe humide
soleil manchot
le fossoyeur à dents de mort
m’efface
l’ange au vol de corbeau
crie
gloire à toi
je suis le vide des cercueils
et l’absence de toi
dans l’univers entier
les trompes de la joie
sonnent intensément
et le blanc du ciel éclate
le tonnerre de la mort
emplit l’univers
trop de joie
retourne les ongles.
.
J’imagine
dans la profondeur infinie
l’étendue déserte
différente du ciel que je vois
ne contenant plus ces points de lumière qui vacillent
mais des torrents de flammes
plus grands que le ciel
plus aveuglants que l’aube
abstraction informe
zébrée de cassures
amoncellement
d’inanités d’oublis
d’un côté le sujet JE
et de l’autre l’objet
univers charpie de notions mortes
où JE jette en pleurant les détritus
les impuissances
les hoquets
les discordants cris de coq des idées
ô néant fabriqué
dans l’usine de la vanité infinie
comme une caisse de dents fausses
JE penché sur la caisse
JE ai
mon envie de vomir envie
ô faillite
extase dont je dors
quand je crie
toi qui es et seras
quand je ne serai plus
X sourd
maillet géant
brisant ma tête.
Le scintillement
le haut du ciel
la terre
et moi.
Mon cœur te crache étoile
incomparable angoisse
je me ris mais j’ai froid
(Je me jette chez les morts)
L’Orestie
Editions des Quatre-Vents, 1945
Du même auteur : « Le néant n’est que moi-même... » (09/102018)