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Le bar à poèmes
16 septembre 2024

Franck Venaille (1936 -2018) : Au petit matin

 

Au petit matin

 

On n’en guérissait pas des blessures anciennes

des plaies qui se rouvraient

sous les mains des petites

Tu es triste pourquoi es-tu si triste 

et le jour s’annonçait sur notre désarroi

sur notre solitude

On se levait On se lavait

on pensait à sa vie dérisoire

à toutes nous demandions d’être un instant notre mère

de nous serrer

de chanter pour nous endormir

d’avoir un peu pitié

et de nous abriter dans leur ventre

On en avait du mal à se parer des coups

du souvenir, des aubes banales

où chacun repart, où l’on refait le lit

Nous voici moites Nous voici las

les larmes au bord des yeux

mais elles enferment leurs seins dans leurs cages blanches

et nous confient les clés

Elles ouvrent le transistor

et se refont les yeux (leurs fesses tiendraient dans un mouchoir)

puis on remonte la fermeture de leur robe

on leur dit que ce n’est pas cela la vie

qu’il y a autre chose

mais qu’on nous l’a volé

Alors pour nous faire taire

elles nous bâillonnent avec leurs lèvres moins nues pourtant que la non espérance –

 

 

L’apprenti foudroyé

P.J. Oswald éditeur, 1969

Du même auteur :

 la tête contre la vitre… » (26/02/2016) 

 « Ainsi nous portons tous… » (26/02/2017) 

« Le marcheur d’eau… » (26/02/2018)

Cantos (07/09/2019)

« Et ne sachant pas vivre... » (16/09/2021)

« Malade à en vomir des pierres... » (16/09/2022)

C'était bon d'avoir trente ans... » (16/09/2023)

Au petit matin (16/09/2024)

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