Franck Venaille (1936 -2018) : « C'était bon d'avoir trente ans... »
Couverture Revue Europe (détail)
C'était bon d'avoir trente ans et de vivre à Paris où tant de femmes ressemblent
à des Gromaire
de caresser des nuques devenues timidement amies
en prononçant des paroles sans suite sans fin ni importance
banales et sereines parfois même imprévues
au rythme de la locomotive du sang des hardiesses et des désespoirs fulgurants
qui faisaient tituber maudire et regretter, parfois pleurer
souvent pleurer et nous réfugier dans une indifférence factice
prête à laisser jaillir ce feu qui nous consumait
au premier sourire à la première parole simplement aimable
à ce geste de la main vers notre main notre bras sur notre épaule
à nous qui marchions dévoré de tendresses et d'envies contradictoires
C'était bon de rire avec elles de parler avec elles de souffrir avec elles
et de tenter sa chance sans louvoyer
de dire notre détresse et notre solitude
et d'appeler encore plus de détresse et plus de solitude
déjà muré dans l'inextricable déchéance d'une vie aux espérances saccagées –
L’apprenti foudroyé
P.J. Oswald éditeur, 1969
Du même auteur :
la tête contre la vitre… » (26/02/2016)
« Ainsi nous portons tous… » (26/02/2017)
« Le marcheur d’eau… » (26/02/2018)
Cantos (07/09/2019)
« Et ne sachant pas vivre... » (16/09/2021)
« Malade à en vomir des pierres... » (16/09/2022)
Au petit matin (16/09/2024)